2/ Articulation entre l’exécution (DIRD) et le financement (DNRD)
On a vu que les dépenses globales de recherche et développement expérimental (R&D) s’évaluent soit en termes de financement par les administrations et les entreprises françaises, avec une exécution, majoritairement mais pas uniquement, sur le territoire français (dépense nationale de recherche et développement expérimental, DNRD), soit en termes d’exécution par les administrations et les entreprises sur le territoire français, en prenant en compte les financements de l’étranger (dépense intérieure de recherche et développement expérimental, DIRD) .
En 2021, le financement de travaux de R&D par des entreprises ou des administrations françaises, c’est-à-dire la dépense nationale de recherche et développement expérimental (DNRD), atteint 58,9 milliards d’euros (Md€). En réalisant 60 % de la DNRD, les entreprises sont les principaux financeurs des activités de R&D
En 2021, les travaux de R&D effectués sur le territoire national, soit la DIRD, représentent une dépense de 55,5 Md€, correspondant à 2,22 % de la richesse nationale (mesurée par le PIB). En volume, c’est-à-dire corrigée de l’évolution des prix, la DIRD augmente de 3,7 % entre 2020 et 2021. Les entreprises en réalisent 66 % (tableau suivant).
En 2022, selon les données provisoires, la DIRD progresserait de 0,5 % en volume, en raison de la hausse des dépenses de R&D des administrations (+ 0,3 %) et de celle des dépenses des entreprises (+ 0,6 %). Le montant de la DIRD atteindrait ainsi 57,4 Md€. Du fait de l’augmentation du PIB (+ 2,5 %) plus forte que celle de la DIRD (+ 0,5 %), l’effort de R&D serait de 2,18 % du PIB, contre 2,22 % en 2021.
L’écart entre le montant de la DIRD et celui de la DNRD représente le solde des échanges en matière de R&D entre la France et l’étranger, y compris les organisations internationales. En 2021, les financements reçus de l’étranger et des organisations internationales (4,3 Md€) représentent 7,7 % du financement de la DIRD. Ils sont inférieurs aux dépenses des administrations et des entreprises françaises vers l’étranger (7,7 Md€) : la France a plus financé de recherches dans d’autres pays qu’elle n’a reçu de financement du reste du monde. Pour les administrations comme pour les entreprises, le solde avec l’étranger est largement négatif (– 3,5 Md€ au total). Les principaux intervenants internationaux, hormis les grands groupes industriels comme Airbus Group, sont l’Agence spatiale européenne (ESA), l’Union européenne (UE) et le Centre européen pour la recherche nucléaire (CERN).
3/ Les dépenses de R&D des entreprises (DIRDE) en 2022
En 2022, les dépenses intérieures de recherche et développement expérimental des entreprises implantées en France (DIRDE) s’établissent à 38,8 milliards d’euros (Md€). Corrigée de l’évolution des prix, la DIRDE augmente de 3,4 % en 2022, après + 3,8 % en 2021 et – 4,4 % en 2020. Dans un contexte où le produit intérieur brut (PIB) reste dynamique (+ 2,5 % en 2022), l’effort de recherche des entreprises, qui rapporte la DIRDE au PIB, progresse légèrement à 1,47 %.
Effort de recherche des entreprises entre 2012 et 2022 (p) (en % du PIB)
En 2022, la DIRDE dans les industries manufacturières augmente en volume de 4,5 % après une stabilité en 2021. Les trois premières branches industrielles de recherche (l’industrie automobile, la construction aéronautique et spatiale et l’industrie pharmaceutique) réalisent 29 % de l’ensemble de la DIRDE. Les dépenses intérieures de R&D engagées par l’industrie automobile augmentent de 3,2 % en volume en 2022 (4,2 Md€), après une baisse en 2021 (- 8,7 %). Dans la construction aéronautique et spatiale, la DIRDE augmente fortement en 2022 (+ 7,6 % en volume), après une légère hausse en 2021 (+ 1,4 %), pour s’établir à 3,8 Md€. De même, en 2022, les dépenses intérieures de R&D dans l’industrie pharmaceutique accentuent leur progression amorcée en 2021 (+ 7,4 % en volume, après + 1,9 % en 2021) et s’établissent à 3,1 Md€.
Dépenses intérieures de R&D, effectif total de R&D et de chercheurs des entreprises par branche de recherche en 2022 et intensitéde R&D en % (p)
4/ La DIRD des administrations (DIRDA)
Si la dépense intérieure de R&D est réalisée à 65 % par les entreprises en 2018 en France, les administrations publiques (y compris les universités) réalisent 35 % de ces dépenses intérieures de R&D. La dépense intérieure de R&D réalisée par les administrations publiques, rapportée au PIB, a diminué à la fin des années 1990 pour finalement se stabiliser à un niveau relativement bas (0,75 et 0.8 % du PIB) [8], [9].
La dépense intérieure de R&D exécutée par les administrations publiques en France (% du PIB) 
La sous-performance française s’explique donc aussi par un investissement public en R&D qui stagne. Néanmoins, si les entreprises réalisent 65,5 % de la dépenses intérieure de R&D, elles ne la financent elles-mêmes qu’à hauteur de 61%. En effet, l’État et les administrations publiques aident, plus que dans la majorité des pays de l’OCDE, les entreprises à réaliser des dépenses de R&D en proposant des aides publiques à la recherche et des commandes publiques. Le financement de la recherche publique provient essentiellement des crédits budgétaires de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) et dans une moindre mesure de contributions d’autres ministères.
Ainsi la part des administrations publiques françaises dans la DNRD (38,3% en 2018) est un peu plus forte que leur part dans la DIRD (34,5 %), si bien que le financement public de la recherche a atteint 0,9 % du PIB en 2017. Ce financement public de la R&D n’inclut pas le « crédit d’impôt recherche », dont le coût budgétaire s’est élevé à 6,2 Md€ en 2018.
VII – COMPARAISONS MONDIALES
La R&D est un puissant moteur d’innovation et la dépense de R&D ainsi que son intensité sont deux des indicateurs clés pour évaluer les ressources affectées à la science et à la technologie à travers le monde.
L’analyse des statistiques sur la R&D repose sur quatre secteurs institutionnels d’exécution. Ces quatre secteurs sont le secteur des entreprises, les administrations publiques, l’enseignement supérieur et les organisations privées à but non lucratif dont les montants sont faibles. Les données relatives aux dépenses de R&D prennent en compte la recherche effectuée sur le territoire national, quel que soit la provenance des fonds.
La DIRD est souvent exprimée par rapport au PIB (graphique suivant). Le ratio DIRD/PIB est également appelé intensité de R&D . Ce ratio a légèrement progressé dans l’UE entre 2014 et 2024, passant de 2,09 % en 2014 à 2,28 % en 2020, pour atteindre 2,24 % en 2024, soit le même niveau qu’en 2021 (année de référence). La baisse de l’intensité de la R&D en 2021 s’explique par le rebond du PIB après la forte chute enregistrée en 2020, conséquence de la pandémie de COVID-19. Par rapport à la situation d’avant la crise sanitaire, les dépenses brutes de R&D (DBRD) et les dépenses de R&D par habitant sont nettement supérieures à celles de 2019 : les DBRD s’élevaient à 403 milliards d’euros en 2024, contre 312 milliards d’euros en 2019 ; et les dépenses de R&D par habitant atteignaient 897 euros en 2024, contre 699 euros en 2019.
Malgré ces hausses, en 2024, les dépenses de R&D de l’UE par rapport au PIB sont restées nettement inférieures aux ratios enregistrés au Japon (3,44 % en 2023), aux États-Unis (3,45 % en 2023) et en Corée du Sud (4,96 % en 2023), pays précurseur, et ce, comme c’est le cas depuis longtemps. En 2023, les dépenses de R&D de la Chine s’élevaient à 2,58 %.
Entre 2014 et 2023, l’intensité de la R&D en Corée du Sud a connu une tendance à la hausse, avec une brève période de baisse entre 2014 et 2016, passant de 3,89 en 2014 à 3,79 en 2015 et 2016. L’intensité de la R&D en Corée du Sud est la plus élevée parmi les pays comparés, atteignant 4,96 % en 2023, soit une hausse de 1,19 point de pourcentage par rapport à 2013 (3,77 %). Entre 2014 et 2023, l’intensité de la R&D dans l’économie japonaise a fluctué : le ratio des dépenses de R&D au PIB était de 3,28 % en 2013, a atteint un pic de 3,37 % en 2014, a diminué à 3,11 % en 2016 et s’est établi à 3,44 % en 2023. En 2014, l’intensité de la R&D aux États-Unis s’élevait à 2,70 %. Au cours de la décennie suivante, elle a enregistré une tendance à la hausse, avec des augmentations modérées entre 2014 et 2016. À partir de 2017, la croissance de la R&D en Chine a été plus marquée, atteignant un pic de 3,49 % en 2022 avant de légèrement diminuer à 3,45 % en 2023. Comme le montre la figure 1, l’intensité de la R&D en Chine a progressé plus rapidement qu’en UE et au Japon, passant de 1,96 % en 2014 à 2,58 % en 2023, soit une hausse de 0,62 point de pourcentage . Entre 2016 et 2019, l’intensité de la R&D en Chine a convergé avec celle de l’UE, et en 2020, elle est devenue supérieure (2,36 % du PIB en Chine contre 2,28 % dans l’UE).
Ceci améne une première constatation : l’intensité de R&D augmente dans l’UE alors qu’elle diminue en France : elle était 2,22% en 2014 (2,18% en 2024), contre + 0,15 points dans l’UE entre ces 2 années.
L’écart entre l’UE et les autres grands pays (États-Unis, Chine, Corée, Japon,…) vient essentiellement de la faiblesse relative des dépenses de R&D par les entreprises : 1,49% du PIB dans l’UE en 2024, 1,44% en France mais 2% en Chine, 2,7% au Japon, et aux États-Unis, 3,9% en Corée !
En 2022, les entreprises américaines concentraient 42,1 % des investissements en recherche et développement des 2 500 premiers investisseurs au monde, qui représentent à eux seuls 80 % des dépenses privées en R&D. L’UE se situait, elle, derrière la Chine avec 17,5 % des investissements.
La spécialisation technologique européenne ne permet pas ainsi de rallier l’allure des Américains et des chinois. Un rapport de la Commission européenne indique que l’UE est davantage spécialisée dans les technologies les moins sophistiquées et les moins rares (mid-tech) comme l’automobile classique au diesel. Elle dépend donc de ses partenaires comme la Chine ou les Etats-Unis pour les technologies complexes (high tech).
Les 3 principales technologies de demain sont le biotech (application des connaissances en biologie à une multitude de domaines, de la pharmaceutique à l’agriculture en passant par l’industrie), le numérique et l’espace. Or sur ces technologies quand les européens investissent 1, les chinois en investissent 5 fois plus et les américains 10 fois plus. La voiture électrique s’est baeaucoup développé en Chine après des dizaine de milliards d’investissement.
L’Allemagne sort du rang avec 3,2% de dépenses de R&D par rapport au PIB (mais en partie du à un effet de structure : l’industrie y représente 18% du PIB; or la R&D concerne d’abord l’industrie). L’entreprise taiwannaise TSMC devait implanter des usines de semi-conducteurs en Allemagne. Dans le même temps, elle allait construire une troisième usine de semi-conducteurs en Arizona (ouest). Au total, l’entreprise va porter à 65 milliards de dollars ses investissements aux Etats-Unis.
Répartition des investissements industriels en recherche et développement des 2 500 premiers investisseurs en R&D au monde, par région/pays en 2022, en pourcentage du total
Source : Tableau de bord 2023 de l’Union européenne sur les investissements en recherche et développement industrielle, Commission européenne, Centre commun de recherche
Dépenses intérieures brutes de R&D, 2014-2024 (%, par rapport au PIB)