La différence entre les recettes et les dépenses publiques montre soit un excédent, soit un déficit. L’UE enregistre un déficit public annuel depuis 2000. Après avoir atteint — 6,0 % du PIB en 2009 et 2010, le ratio déficit/PIB a diminué régulièrement pour atteindre — 0,4 % en 2018 et — 0,6 % en 2019. Ensuite, le ratio a fortement augmenté en 2020 pour atteindre — 6,8 %, principalement en raison des effets de la pandémie de COVID-19, avant de retomber à –4,7 % en 2021. Après avoir été relativement stable à environ 65 % du PIB de 2000 à 2008, le ratio de la dette publique a considérablement augmenté pour atteindre 76 % en 2009, à la suite de la crise financière. Le ratio d’endettement a continué d’augmenter jusqu’en 2014, date à laquelle il s’élevait à 87 %. Depuis lors, le taux a diminué continuellement pour atteindre 78 % en 2019, mais a ensuite augmenté pour atteindre 90 % en 2020. En 2021, le taux est à nouveau tombé à 88 %.
La dette publique correspond à une part des engagements financiers pris au nom des générations futures, engagements qui peuvent peser sur la capacité des administrations publiques à répondre à leurs besoins. Les critères de convergence de Maastricht limitent le poids de la dette publique à 60 % du PIB pour assurer une certaine stabilité à long terme, mais autorisent des dépassements exceptionnels et temporaires comme depuis la crise du Covid (114,6% en France et 98% dans la zone Euro en 2020). Certains États ne semblaient pas trop se soucier de ce dépassement important d’autant que les taux d’intérêt sont très faibles pour ne pas dire négatifs en 2020. Mais des taux d’intérêt ont remonté avec l’inflation depuis 2022.
La loi du 3 janvier 1973 sur la Banque de France rappelle que le Trésor Public ne peut s’endetter de manière illimitée auprès de la Banque de France « Les conditions dans lesquelles l’État peut obtenir de la Banque des avances et des prêts sont fixées par des conventions passées entre le ministre de l’économie et des finances et le gouverneur de la Banque ». Cette loi n’est plus en vigueur depuis 1993, date à laquelle une nouvelle loi consacre l’indépendance de la Banque de France et met un terme à toute possibilité de financement de l’État par la banque centrale.
Aujourd’hui « l’assouplissement monétaire » a complètement changé la donne même si on respecte plus ou moins les formes. Pendant longtemps la création monétaire se faisait uniquement par le biais d’octroi de prêts des banques commerciales aux agents selon un taux d’intérêt fixé par la Banque centrale. Avec la politique monétaire non conventionnelle, les banques centrales achètent des actifs financiers, généralement des obligations d’État, pour augmenter la masse monétaire et abaisser les taux d’intérêt à long terme jusqu’à ce qu’ils soient négatifs. Ces politiques visent à encourager l’emprunt, les dépenses d’investissement, stimuler l’activité économique et gérer l’inflation dans des situations où les outils conventionnels sont limités. On retrouve cette pratique dans les pays européens à partir de 2015.
The difference between government revenue and expenditure shows either a surplus or a deficit. The EU has recorded an annual government deficit since 2000. After reaching –6.0 % of GDP in 2009 and 2010, the deficit-to-GDP ratio decreased steadily to –0.4 % in 2018 and –0.6 % in 2019. Then, the ratio increased sharply in 2020 to –6.8 %, mainly due to the effects of the COVID-19 pandemic, before falling again to –4.7 % in 2021. After being relatively stable at around 65 % of GDP from 2000 to 2008, the government debt ratio drastically increased to 76 % in 2009, following the financial crisis. The debt ratio continued to rise until 2014 when it stood at 87 %. Since then, the rate decreased continuously to reach 78 % in 2019, but then increased to 90 % in 2020. In 2021, the rate fell again to 88 %.
Government debt ratio corresponds to a share of the financial commitments made on behalf of future generations, commitments which can weigh on the capacity of public administrations to meet their needs. The Maastricht convergence criteria limit the weight of this debt to 60% of GDP to ensure a certain long-term stability, but allow for exceptional and temporary overruns, as has been the case since the Covid crisis (114,6% in France and 97,5% in Eurozone in 2020). Some States did not seem to be too concerned about this significant overshoot, especially as interest rates are very low and were sometimes negative in 2020. But interest rates have going back up since 2022 with inflation .
The law of January 3, 1973 on the Bank of France recalls that the Public Treasury cannot borrow unlimited amounts from the Bank of France « The conditions under which the State can obtain advances and loans from the Bank are fixed by agreements concluded between the Minister of Economy and Finance and the Governor of central Bank ». This law has no longer been in force since 1993, when a new law established the independence of the Bank of France and put an end to any possibility of state financing by the central bank.
Today, « quantitaive easing » has completely changed the situation, even if we respect more or less the forms. For a long time, monetary creation was only carried out through the granting of loans from commercial banks to agents at an interest rate set by the Central Bank. With unconventional monetary policy, central banks buy financial assets, typically government bonds, to increase money supply and lower long-term interest rates until they are negative. These policies aim to encourage borrowing, investment spending, stimulate economic activity and manage inflation in situations where conventional tools are limited. This practice is found in european countries from 2015.
« Ce n’est donc pas le paiement des intérêts de la dette nationale, qui accable une nation, et ce n’est pas en supprimant ce paiement qu’elle peut être soulagée. Ce n’est que par des économies sur le revenu, et en réduisant les dépenses, que le capital national peut s’accroître ; et l’anéantissement de la dette nationale ne contribuerait en rien à augmenter le revenu ni à diminuer les dépenses. C’est la profusion des dépenses du gouvernement et des particuliers, ce sont les emprunts qui appauvrissent un pays ; par conséquent, toute mesure qui pourra tendre à encourager l’économie du gouvernement et des particuliers soulagera une nation du poids d’un fardeau qui l’accable, en l’ôtant de dessus une classe de la société qui doit supporter, pour le faire peser sur une autre qui, suivant tous les principes d’équité, ne doit supporter que sa part. », David Ricardo, Des principes de l’économie politique et de l’impôt
« Les dirigeants doivent de méfier des cycles d’endettement ainsi que des poussées du crédit et de la dette, la dette privée se transformant en dette publique. L’on sort rarement d un excès d’endettement public, privé ou les deux à la fois sans un effort de restructuration. D’autant qu’en moyenne la croissance économique est en récession dans les pays dont la dette représente plus de 90% du PIB ». Carmen Reinhart et Kennetht Roggof, growth in a time of debt
Sommaire
I – LES RATIOS DES FINANCES PUBLIQUES
II – LE DÉFICIT PUBLIC EN FRANCE ET EN EUROPE
III – LA DETTE PUBLIQUE EN FRANCE
IV – LES COMPARAISONS INTERNATIONALES DE LA DETTE PUBLIQUE
V – PRÉSENTATION INTÉGRÉE DES STATISTIQUES DES FINANCES PUBLIQUES
VI – LA RÉPARTITION DE LA DETTE PUBLIQUE PAR CRÉANCIER
VII – L’ASSOUPLISSEMENT MONÉTAIRE (« QUANTITATIVE EASING »)
VIII – LE QUOI QU’IL EN COUTE EN 2020
IX – LA CHARGE D’INTÉRÊT DE LA DETTE PUBLIQUE EN FRANCE ET DANS L’UE
X – LA SOUTENABILITÉ DE LA DETTE
Introduction
° La question de la dette publique est cruciale [1], [2] (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page).. Dans le cadre du traité sur l’Union européenne (traité de Maastricht), la dette publique et le déficit des administrations publiques (APU) font l’objet d’un suivi particulier. Il faut souligner l’importance de ces deux indicateurs (étroitement liés) pour le suivi de la politique des finances publiques en Europe, car ils sont le fondement de la supervision des pays de la zone euro. En effet, s’il y a une monnaie unique, c’est parce qu’il y a des garanties de bonnes finances publiques.
° Il ne faut pas confondre le déficit public et la dette publique. On les étudie ici tous les deux. Le premier est un flux et traduit un solde budgétaire négatif (les dépenses sont supérieures aux recettes). La dette publique est, en revanche, un stock qui résulte de l’accumulation de déficits passés.Il est important de limiter le déficit car on ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens, éviter que la dette publique devienne trop importante car les marchés financiers, qui sont les créanciers de l’État, prennent peur, comme en Grèce. Plus les engagements d’un État sont élevés, plus les marchés perçoivent une possibilité de défaillance sur les emprunts et plus la prime de risque qu’ils exigent s’élève, ce qui alourdit la charge de la dette. Ces deux indicateurs dits « de Maastricht » sont calculés dans chaque pays de l’UE.
° La dette correspond à un encours de passifs évalué à la fin d’une période donnée, tandis que le déficit correspond à un besoin de financement observé sur la même période. Ils sont calculés à partir des résultats de la comptabilité nationale et donnent lieu à des notifications trimestrielles (pour la dette) et annuelles (dette et déficit) à la Commission européenne.
° La mesure de la dette publique des États n’est pas une question facile. Comme pour la dépense publique, on s’attache ici à résumer différents points de vue dont celui de F. Ecalle [3]. Les questions principales concerneraient :
1 – Définition
° La dette publique est constituée par l’ensemble des engagements financiers de l’État et des APU pris sous forme d’emprunts. La France utilise actuellement une définition de la dette publique élaborée dans le Traité de Maastricht. Celui-ci contient notamment des critères dits « de convergence » que les pays candidats à l’entrée dans la zone euro devaient respecter. Selon un de ces critères, la dette publique ne devait pas dépasser 60 % du PIB. Une définition commune de la dette publique était donc nécessaire à l’échelle européenne afin de pouvoir s’assurer du respect de ce critère. Elle permet également d’établir des comparaisons européennes. Mais elle ne permet pas vraiment de faire des comparaisons mondiales. Pour ce faire, il faut s’appuyer sur les données de l’OCDE qui prennent en partie en compte les flux entre APU (voir ci-dessous).
° Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définit la dette publique comme le ratio de la dette publique en cours à la fin de l’année et le PIB aux prix courants du marché [4]. Pour ce calcul, la dette publique est définie comme le total de la dette brute consolidée en valeur nominale dans les catégories suivantes de passifs des administrations publiques (définies dans le SEC 2010): numéraire et dépôts (AF.2), titres de créance (AF.3) et crédits (AF.4). Le secteur des APU comprend les sous-secteurs de l’administration centrale, les administrations d’États fédérés, les administrations locales et les administrations de sécurité sociale (voir page Administrations Publiques).
En France, la dette de l’État représente l’essentiel de la dette publique (81,2 %). La dette des administrations de sécurité sociale, comme l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ou encore l’Unédic, représentent 10,1 % de la dette publique totale. Enfin, les collectivités territoriales pèsent pour 8,7 % dans la dette publique.
2 – L’évolution de la dette publique depuis la pandémie
° La pandémie de Covid-19 a provoqué un fort accroissement de la dette publique, en France comme ailleurs. Elle a ainsi atteint 116 % du PIB en France fin 2020. Au cours de la seule année 2020, la dette publique française s’est accrue de près de 300 milliards d’euros et de plus de 16 points de PIB.
° Ce phénomène interroge et provoque des débats passionnés. Pour atténuer les conséquences de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, la Banque centrale européenne (BCE) a déployé des mesures déjà expérimentées après la crise financière de 2007-2008, mais à une échelle sans précédent : en quelques mois, elle a créé plus de monnaie centrale qu’en plusieurs années de gestion de crise financière. L’institution chargée de la politique monétaire de la zone euro a ainsi décidé, le 10 décembre 2020, d’augmenter de 500 milliards d’euros son programme d’achats d’urgence face à la pandémie (Pandemic emergency purchase programme – PEPP) pour porter le montant total à 1850 Mds d’euros.
° En 2021, le déficit public s’établit à 160,7 milliards d’euros, après 205,5 milliards d’euros en 2020, soit 6,5 % du PIB après 8,9 % [3]. Les dépenses liées à la crise sanitaire se maintiennent, tandis que celles qui avaient ralenti du fait des arrêts d’activité en 2020 rebondissent. De plus, les dépenses des administrations publiques sont stimulées par la montée en charge du plan « France relance ». En contrepartie, les recettes publiques augmentent fortement du fait du rebond de l’activité et du financement d’une partie du plan de relance par l’Union européenne. Comme en 2020, le défi cit des APU est porté par les administrations centrales et les administrations de sécurité sociale. La dette publique s’élève à 112,5 % du PIB fi n 2021, après 114,6 % fin 2020.
° La France avait connu jusqu’en 2019 une hausse de son déficit primaire contrairement à d’autres pays comme l’Italie. Celui-ci correspond à un solde négatif du budget des administrations publiques non compris les intérêts versés sur la dette publique et les revenus d’actifs financiers reçus. Dans le cas inverse on parle d’excédent budgétaire primaire. Le solde primaire constitue un indicateur important de la situation budgétaire d’un pays et des risques d’évolution non contrôlée de la dette publique. Le solde primaire dépend de l’évolution des recettes (impôts et prélèvements) et des dépenses décidées par les pouvoirs publics. Le montant des intérêts dépend, pour sa part, des taux d’intérêt sur la dette publique passée et du montant de celle-ci.
° Dans son rapport annuel sur la soutenabilité de la dette, la Commission européenne présente de nouvelles projections de déficit et de dette publics pour les pays de l’Union européenne, et identifie les risques à court, moyen et long terme. La trajectoire des finances publiques européennes porte forcément l’empreinte de la crise sanitaire. À moyen terme, huit pays sont exposés à un risque élevé de tensions budgétaires (Belgique, Espagne, France, Italie, Portugal, Roumanie, Slovénie et Slovaquie), en raison d’un taux d’endettement élevé, qui ne devrait diminuer que progressivement, voire tardivement (124,8% du PIB en France en 2026, près de 120% en 2031).
° La soutenabilité de la dette publique exprime la capacité des entités publiques (État, collectivités et organismes publics) à rembourser leurs emprunts. Elle correspond au concept de solvabilité pour les entités privés. Elle dépend des recettes prévisibles qui permettront de rembourser les emprunts arrivés à échéance, et de stabiliser l’encours de la dette publique. La soutenabilité de la dette publique peut être évaluée mathématiquement.
° Pour certains économistes, le problème du déficit et de la dette publique qui ne cessent d’augmenter comme en 2023 du fait notamment des charges d’intérêts, ne peut se résoudre qu’en augmentant le taux d’emploi (proportion des actifs rapporté aux personnes entre 20 et 64 ans) plus bas que dans des pays du Nord (Allemagne, Pays-Bas,..). Les gens travailleraient plus ce qui permettrait au PIB, le dénominateur, d’augmenter alors que le PIB ne croît que de +1% en 2023. Les cotisations sociales augmenteraient aussi même si elles restent en proportion plus élevées en France que dans les autres pays de l’UE.
° D’autres ne voient pas comment réduire le déficit sans réduire les dépenses publiques (objectif du gouvernement de – 10 milliards en 2024 et peut-être 20 milliards en 2024). Mais quelles dépenses faut-il réduire, celles de fonctionnement ou d’investissement? Sans compter les effets possibles de chute de l’activité comme après la crise financière de 2009. Enfin faut-il augmenter les impôts donc les prélèvements obligatoires, déjà les plus élevés en Europe ? Ces questions ne sont pas nouvelles.
° Les tableaux présentés le sont aussi dans la page Administrations Publiques, sous une autre forme. On publie ici des séries longues. L’analyse se limite au déficit aux prélèvements obligatoires et surtout à la dette. La dépense publique est étudiée dans la page Dépenses publiques en Europe.
Les graphiques et tableaux suivants montrent les ratios clés de l’économie française et dans l’UE en 2020 et 2021 (voir page Administrations Publiques) [5] : La croissance des recettes est inférieure à celle du PIB en valeur (+6,2 %) et leur niveau exprimé en pourcentage du PIB recule de 2,1 points de PIB (tableau suivant). Ce ralentissement étant largement le fait des prélèvements obligatoires, ces derniers exprimés en points de PIB diminuent également (-1,8 point de PIB). Le taux de prélèvements obligatoires diminue et s’établit à 43,5 % du PIB après 45,2 % en 2022, à un niveau proche de l’avant Covid (43,9 % en 2019). Les dépenses ralentissent légèrement en valeur à +3,7 %. Cette augmentation reste inférieure à l’accélération générale des prix (du PIB), et donc les dépenses se replient de 1,7 % en volume. Les dépenses publiques s’établissent à 57,3 % du PIB après 58,8 % du PIB en 2022, soit une diminution de 1,4 point (voir page Dépenses publiques en Europe).. La dette des administrations publiques au sens de Maastricht atteint 110,6 % du PIB fin 2023 après 111,9 % fin 2022 ; elle était de 97,9 % du PIB en 2019
Principaux ratios des finances publiques en France en % du PIB
Principaux ratios des finances publiques en France en % du PIB
Eurostat fournit les données relatives au déficit et à la dette des APU, sur la base des chiffres déclarés par les États membres de l’UE dans le cadre de la première notification de 2022 pour les années 2018 à 2021, en application de la procédure concernant les déficits excessifs (PDE). Cette notification est fondée sur le système des comptes nationaux SEC 2010. On trouve aussi des données sur les dépenses et recettes des administrations publiques.
Dans la zone euro, le ratio du déficit public par rapport au PIB a baissé de 3,7% en 2022 à 3,6% en 2023, et a augmenté de 3,4% à 3,5% dans l’UE. Le ratio de la dette publique par rapport au PIB diminue dans la zone euro, passant de 90,8% à la fin de l’année 2022 à 88,6% à la fin de l’année 2023, ainsi que dans l’UE, de 83,4% à 81,7%.
Le compte des administrations publiques est soldé par une « capacité de financement » ou un « besoin de financement ». L’expression « déficit public » désigne le besoin de financement des APU.
La capacité de financement des APU est la différence entre les « recettes publiques » et les « dépenses publiques » sur la période considérée (année ou trimestre). Les premières sont principalement constituées de prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales), mais il existe d’autres recettes publiques comme les redevances pour services rendus ou les produits financiers (dividendes et intérêts reçus).
Les dépenses publiques regroupent principalement les « consommations intermédiaires » (achats courants de biens et services), les rémunérations des agents (cotisations sociales comprises), les prestations sociales, les subventions et autres « transferts » aux ménages et entreprises, les charges d’intérêts et la « formation brute de capital fixe » (investissements).
Il est à noter que les investissements des APU, de même que les subventions d’équipement qu’elles versent, sont comptabilisés dans les dépenses publiques et accroissent donc le déficit public. Symétriquement, les cessions d’actifs physiques (immeubles par exemple), réduisent le déficit public. En revanche, les acquisitions d’actifs financiers (nationalisations d’entreprises par exemple) ne sont pas des dépenses publiques et n’ont pas d’impact sur le déficit, de même que leur cession (privatisation d’entreprises par exemple).
1/ Le déficit en France
En 2023, le déficit public au sens de Maastricht atteint 154 milliards d’euros (Md€), soit 5,5 % du PIB après 4,7 % en 2022, soit une augmentation de 28,2 Md€. Cette dégradation s’explique essentiellement par une évolution spontanée des prélèvements obligatoires nettement plus faible que la croissance en valeur du PIB. Cet impact a été pour partie compensé par l’extinction progressive des mesures d’urgence et de soutien, mises en place pendant la crise sanitaire, ainsi que par la baisse du coût des mesures pour lutter contre la hausse du prix de l’énergie
Dépenses et recettes publiques entre 1995 et 2023
a) dépenses publiques
Les dépenses ralentissent un peu : elles augmentent de 3,7 % en 2023 après +4,0 % en 2022. En proportion du PIB, les dépenses continuent de reculer et s’établissent à 57,3 % du PIB après 58,8 % en 2022 et 59,6 % en 2021, cependant, elles demeurent sensiblement supérieures à l’avant Covid (55,2 % du PIB en 2019). Comme en 2022, les dépenses de l’année 2023 sont affectées par la hausse des prix (les prix à la consommation ont augmenté de +4,9 % en moyenne annuelle après +5,2 % en 2022).
Les dépenses de fonctionnement, qui comprennent les consommations intermédiaires et les rémunérations des agents de la fonction publique accélèrent de nouveau, avec une hausse de 6,0 % soit +29,2 Md€ après +5,4 % en 2022. Elles contribuent pour 1,8 point à la croissance des dépenses des APU.
Les intérêts versés reculent : -2,6 Md€ soit -4,9 % après avoir vigoureusement accéléré en 2022 (+40,2 %). Ce repli est intégralement expliqué par la diminution de la charge des obligations de l’État indexées sur l’inflation (-15 Md€). En effet, la désinflation de 2023 en glissement annuel entraîne une diminution de la charge d’indexation des obligations indexées sur l’inflation. En revanche, la charge d’intérêts hors obligations indexées augmente nettement avec la hausse des taux.
Les prestations sociales accélèrent en 2023 : +22,5 Md€ soit +3,3 % après +1,2 % en 2022. Elles contribuent pour 1,5 point à la croissance des dépenses des APU. En 2022, le faible dynamisme des prestations sociales résultait d’un nouveau recul des prestations de chômage et d’activité partielle en sortie de crise sanitaire qui modérait les premiers effets des revalorisations des prestations, notamment des retraites.
Les acquisitions d’actifs non financiers, principalement constitués d’investissement, ralentissent mais restent dynamiques : +6,9 Md€ soit +6,0 % après +9,0 % en 2022, et contribuent pour 0,4 point à la croissance des dépenses. L’investissement des collectivités locales, principaux contributeurs à la formation brute de capital fixe accélère (+11,9 % après +8,2 %) plus tôt qu’on l’observe à l’accoutumée dans le cycle des mandatures municipales, ainsi que celui des hôpitaux, avec le pilier investissement du Ségur de la santé. Les acquisitions d’actifs non financiers des ODAC se replient, par contrecoup du stockage élevé de Santé Publique France en 2022.
b) Recettes publiques
En 2023, les recettes ralentissent nettement et augmentent de 2,0 % (+28,5 Md€) après +7,4 % en 2022. Ainsi, en pourcentage du PIB, elles se replient, à 51,9 % après 54,0 % en 2022. Ce ralentissement est le fait des prélèvements obligatoires (+2,0 % après +7,7 %), avec le ralentissement économique et des mesures nouvelles de réduction d’impôt. Les impôts marquent le pas à +0,3 % soit +2,8 Md€ après +7,9 % en 2022.
Les recettes de TVA ralentissent fortement, à +2,8 % après +7,6 % en 2022, avec le ralentissement de son assiette, moins dynamique que le PIB en valeur. Ce ralentissement est plus marqué que celui des emplois taxables. Les autres impôts sur les produits diminuent de nouveau (-5,8 % après -2,9 % en 2022). Le net recul du nombre de transactions immobilières en 2023 consécutif au resserrement des conditions de crédit entraîne une forte baisse (-4,8 Md€, soit – 22 %) des recettes de droits de mutation à titre onéreux, affectés aux collectivités locales, après plusieurs années très dynamiques. Par ailleurs, les recettes d’accise sur les énergies diminuent de nouveau. La fraction perçue sur l’électricité (anciennement TICFE) diminue encore en 2023 (- 2,7 Md€ après -6,2 Md€ en 2022) avec l’effet en année pleine de la mise au plancher de son taux dans le cadre du bouclier tarifaire sur l’électricité et la mise au plancher de la taxe communale sur l’électricité, intégrée à l’accise sur les énergies au budget de l’État. La fraction perçue sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons (anciennement TICPE) se replie (-0,7 Md€ soit -2,2 %) avec la baisse de la consommation des ménages.
Les impôts sur la production ralentissent à +2,8 % après +13,2 %. Dans cette catégorie, on distingue les impôts sur la main d’œuvre (taxe sur les salaires, versement transport, forfait social, contribution unique pour la formation des apprentis), qui ralentissent (+5,2 % après +9,9 %) avec la masse salariale (masse salariale du privé selon l’URSSAFCcaisse nationale : +5,6 % en 2023 après +8,7 % en 2022).
Les cotisations sociales effectives ralentissent avec la masse salariale : +17,8 Md€ soit +4,5 % après +6,1 % en 2022. Cette augmentation est le principal facteur de croissance des recettes en 2023 et y contribue à hauteur de 1,4 point. Comme en 2022, les cotisations sociales sont moins dynamiques que la masse salariale en raison de l’alourdissement des réductions générales de
cotisations sociales (sous 1,6 et 2,5 Smic, dans un contexte de hausse du Smic), et d’une mesure nouvelle de réduction des cotisations des travailleurs indépendants intervenue en juillet 2022 et qui produit ses effets pleins en 2023.
Dépenses et recettes publiques entre 1993 et 2023 en France en % du PIB
Principales dépenses et recettes des administrations publiques en France en milliards d’euros
c) Le déficit public par sous-secteurs
Le déficit de l’État s’accroît de 6,9 Md€. Hors effet de la reprise de dette de SNCF Réseau de 10 Md€ en 2022, il s’accroît de 16,9 Md€. Ses recettes sont pénalisées par les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires et le recul de l’impôt sur les sociétés. Côté dépenses, la fin des mesures Covid et le reflux de la charge d’intérêts ne suffisent pas à compenser le fort ralentissement des recettes.
Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) deviennent déficitaires en 2023, et leur déficit s’établit à 1,6 Md€, soit une dégradation de 7,0 Md€ (hors effet de la reprise de dette de SNCF Réseau en 2022 qui améliorait ponctuellement la capacité de financement des ODAC mais dégradait à même hauteur le besoin de financement de l’État). Cette dégradation fait suite à une hausse des dépenses d’aide à l’investissement dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir (PIA), d’une nouvelle hausse des dépenses d’apprentissage, et d’une diminution des transferts reçus par Santé Publique France.
Le déficit des administrations publiques locales (APUL) s’accroît de 8,9 Md€, traduisant le net repli des droits de mutation à titre onéreux affectés aux communes et départements après plusieurs années de grand dynamisme, et l’accélération des dépenses de fonctionnement et d’investissement.
Déficit public notifié en France entre 1993 et 2023 en % du PIB
Capacité (+) ou besoin (-) de financement par sous-secteur en milliards d’euros
2/ Les comparaisons internationales
On pouvait établir ce tableau à partir de la base OCDE. Il montre la capacité de financement (ou le besoin de financement) en % du PIB. Le déficit des administrations publiques est défini comme le solde des recettes et des dépenses du gouvernement, y compris les revenus du capital et les dépenses en capital. La capacité de financement signifie que les administrations publiques ont un excédent et fournissent des ressources financières à d’autres secteurs, tandis que le besoin de financement signifie que le gouvernement a un déficit et qu’il a besoin de ressources financières provenant d’autres secteurs. Cet indicateur est mesuré en pourcentage du PIB.
Le déficit public moyen des pays de l’OCDE s’élevait à 11,7 % du PIB en 2020 (14,9 % du PIB pour les États-Unis, 9% pour le Japon, 3,2 % pour le Royaume-Uni et 10,9 % pour le Canada). Il était de 7% dans la zone Euro mais presque de 10% dans les pays du sud de l’UE. En 2021, le ratio baisse sensiblement partout, moins aux États-Unis.
Tableau-30-capacité de financement des APU-OCDE (1)
Capacité/besoin de financement des pays occidentaux des administrations publiques en % du PIB
Le ratio déficit public/PIB de l’UE est passé de -4,8 % en 2021 à -3,4 % en 2022, tandis que ce ratio a diminué dans la zone euro de -5,3 % à -3,6 %. En 2021, les déficits avaient déjà diminué après que les valeurs les plus élevées de la série temporelle (-7,1 % pour la zone euro et -6,7 % pour l’UE) avaient été enregistrées en 2020. Le ralentissement économique causé par la pandémie de COVID-19 , comme en témoigne une baisse du PIB nominal entre 2019 et 2020, ainsi que les mesures de dépenses visant à contenir l’impact économique et social de la pandémie de COVID-19 ont eu un fort impact sur les ratios de déficit et d’endettement en 2020 .
En 2022, 20 États membres ont signalé un déficit. Les déficits les plus élevés ont été enregistrés en Italie (-8,0%), en Hongrie et en Roumanie (-6,2% chacun). Douze États membres avaient des déficits supérieurs à -3 % du PIB. Six États membres ont enregistré un excédent, les plus importants étant enregistrés au Danemark (+3,3%), à Chypre (+2,1%) et en Irlande (+1,6%). Aux Pays-Bas, le secteur des administrations publiques était en équilibre.
Déficit/excédent des administrations publiques (%, par rapport au PIB, 2021-2022)
Le tableau suivant présente le ratio de « Capacité de financement (+) / Besoin de financement (-) » en % du PIB dans les principaux pays de l’UE (voir aussi page Administrations Publiques). Le déficit public de la France s’est établi à 5,5% du PIB en 2023 alors que le déficit moyen de la zone représentait 3,6% du PIB. Le déficit de la France était le second de la zone euro, derrière celui de l’Italie (8 %). Le contraste est frappant avec l’Espagne (- 4,7 % du PIB en 2022 mais -3,6% en 2023 alors que le déficit se creuse en France dans l’autre sens) loin devant ceux de l’Allemagne (2,5 % du PIB) et des Pays-Bas (-0,3 %). Huit pays de la zone euro avaient un déficit inférieur à 3,0 % du PIB.
Le déficit public français a augmenté de 3,4 points de PIB entre 2019 et 2021, mais de 4,3 points si on neutralise l’impact de la transformation du CICE en allègements de cotisations sociales en 2019. Il a progressé de 4,4 points en moyenne dans la zone euro (de 5,2 points en Allemagne).
Certains économistes s’appuient sur ces évolutions pour dire que le déficit de -5,5% n’est pas si grave : il a progressé entre 2019 et 2023, (si on on neutralise l’impact de la transformation du CICE) à peu près comme celui de l’UE voire moins que celui de l’Allemagne (1,5% en 2019, -2,5% en 2023).ou surtout celui de l’Italie Il reste qu’un déficit à -5,5% est bien supérieur à la moyenne de la zone Euro ou à celui de l’Allemagne voire de l’Espagne.
Solde public et dette des administrations publiques, 2020-2023 (% du PIB)
La France devait transmettre à la Commission européenne son programme de stabilité. « La trajectoire de réduction du déficit public prévue serait moins ambitieuse que dans dans d’autres pays au regard des engagements européens de la France ». « Si de nombreux États membres, comme la France, ont un déficit qui excède aujourd’hui le seuil de 3 points de PIB, les pays comparables à la France envisagent de revenir sous cette limite dès 2025 ». Le déficit public resterait « important » en 2023, à 5 % du PIB. Sur 2024-2027, il se réduirait en moyenne d’un peu plus de 0,5 % de PIB par an pour atteindre 2,9 % en 2027, ce qui représente un effort structurel de 0,3 % par an. Actuellement, la France peut s’abriter derrière la clause « dérogatoire générale » adoptée par l’UE pendant la crise du Covid. Elle permet aux États membres de s’écarter de la trajectoire d’ajustement prévue par les règles budgétaires européennes. Mais, cette clause doit expirer à la fin 2023. Le retour aux règles du Pacte de stabilité risque donc d’être brutal.
D’autant que les hypothèses économiques retenues seraient jugées fragiles. « Une croissance moins élevée remettrait en cause la réalisation de ces objectifs ». Les scénarios de hausse du taux de prélèvements obligatoires (à 44 % de PIB) et de maîtrise de la dépense publique resteraient assez aléatoires. Pour engranger plus de recettes – tout en baissant les impôts-, le gouvernement compterait sur la suppression des niches fiscales.
L’engagement de contenir la hausse de la dépense publique en volume à 0,6 % jusqu’en 2027 est d’une ampleur inédite. « Les efforts de maîtrise de la dépense reposeraient principalement sur la réforme des retraites et sur des revues de dépenses assez difficiles à connaître. On estime aussi que le fait que le rythme de 0,6 % tienne compte de « l’arrêt supposé des mesures de soutien au revenu des ménages prises en réponse à la crise énergétique ».
Déficit public prévu dans quelques pays en % du PIB
1/ La dette publique
a) Les différentes définitions de la dette
Il existe plusieurs définitions de la dette publique : La dette brute des comptes nationaux, la dette brute retenue par l’OCDE, et la dette brute au sens du traité de Maastricht. Ici on ne présente que la dernière qui permet des comparaisons des pays de l’UE. mais pour des comparaisons hors UE, il est intéressant de publier les données de l’OCDE
La dette publique nette est obtenue en soustrayant certains actifs de la dette brute telle que définie précédemment, c’est-à-dire au sens des comptes nationaux ou du traité de Maastricht. Les actifs ainsi soustraits sont différents selon les organismes qui publient une dette nette des APU.
b) La dette au sens de Maastricht s’établit à 110,6 % du PIB fin 2023
La dette des administrations publiques au sens de Maastricht, soit la dette brute consolidée en valeur nominale, augmente de 147,6 Md€ en 2023 pour s’établir à 3 101,2 Md€. Exprimée en pourcentage du PIB, la dette publique diminue, à 110,6 % après 111,9 % fin 2022 et 113,0 % fin 2021. Le besoin de financement des APU est principalement financé par une hausse de son endettement, mais aussi par une diminution de sa trésorerie (-44,4 Md€). Ainsi, la dette publique nette s’accroît plus que la dette brute, de 187,4 Md€, et s’établit à 102,4 % du PIB.
L’augmentation de la dette publique en 2023 résulte essentiellement de la hausse de la contribution de l’État (+149,5 Md€), qui s’endette via des titres de court et de long terme (+152,1 Md€). En parallèle, l’État rembourse des crédits de long terme (-1,6 Md€) et les dépôts diminuent (-1,0 Md€).
La contribution des APUL à la dette publique augmente également (+5,8 Md€), principalement sous la forme de titres de long terme (+5,1 Md€). C’est particulièrement le cas pour Île-de-France Mobilités et la Société des grands projets (anciennement Société du Grand Paris, +3,5 Md€).
En revanche, la contribution des ASSO diminue (-7,0 Md€). La Cades s’endette en titres de court terme (+9,0 Md€), notamment en reprenant la dette de l’Urssaf Caisse nationale (ex-ACOSS), dont l’encours de titres diminue de 13,0 Md€. Au total, l’encours de dette en titres de créances négociables diminue de 5,5 Md€ et celui des crédits de 1,6 Md€.
La dette des ODAC baisse également (-0,7 Md€). SNCF Réseau réduit sa dette en titres (-2,6 Md€) tandis qu’Action Logement Services émet des obligations pour 2,2 Md€. Au total les titres de long terme diminuent de 0,4 Md€ et les crédits de court terme 0,3 Md€.
Dette publique et dette publique nette en milliards d’euros
Dette des administrations publiques au sens de Maastricht par sous-secteur en % du PIB
La dette publique au sens du traité de Maastricht est principalement portée par l’Etat dont l’endettement s’élevait à 2 229 Md€, soit 89,4 % du PIB, à la fin de 2021, après 2 034 Md€ et 88,1 % du PIB fin 2020. Ce montant est différent de celui qui figure dans la comptabilité générale de l’État dont les méthodes ne sont pas toujours les mêmes (2 047 Md€ pour les seules dettes financières, 281 Md€ pour les dettes non financières et 2 705 Md€ pour le total du passif avec notamment les provisions à fin 2020).
La dette des ASSO, portée principalement par la CADES et l’ACOSS, était de 275 Md€, soit 11,0 % du PIB et celle des APUL de 245 Md€, soit 9,8 % du PIB à la fin de 2021. La dette des ODAC (64 Md€ ou 2,6 % du PIB) comprend surtout une partie de celle de SNCF Réseau, la plupart des autres ODAC n’ayant pas le droit de s’endetter.
La répartition de la dette publique en France 2021 (% du total)
2/ La répartition par instrument
La dette des administrations publiques au sens du traité de Maastricht est constituée pour 80 % par des titres à long terme (les « obligations assimilables du trésor » ou OAT s’agissant de l’État). Les titres à court terme (les « bons du trésor » s’agissant de l’Etat) en constituent 8 % et les emprunts bancaires à long terme 10 %. Les dépôts auprès du trésor public, c’est-à-dire de l’État, et les emprunts bancaires à court terme ont un rôle résiduel.
La répartition de la dette par instrument présente quelques différences notables selon les catégories d’administrations publiques.
L’État recourt plus à l’émission de titres obligataires à long terme et nettement moins aux emprunts bancaires. Les APUL, à l’inverse, émettent très peu de titres et recourent surtout au crédit bancaire. La part des titres à long terme dans leur endettement a toutefois fortement augmenté depuis 2009. La part des titres à long terme dans le financement des ASSO est inférieure à la moyenne et ils se financent pour une plus grande part à court terme.
La répartition de la dette par instrument en % de la dette de chaque secteur fin 2021
Source : Insee ; Fipeco ; dette au sens du traité de Maastricht.
3/ À législation inchangée, le déficit public baisserait à l’horizon 2025, mais resterait supérieur à 4 % du PIB, et le ratio de dette publique ne diminuerait pas contrairement à la zone Euro
Selon la Banque de France et confirmant le le dernier graphique du chapitre 3, le déficit public risque de repasser au-dessus de 5 % du PIB en 2023 (après 4,7 % en 2022). Cette hausse en 2023, malgré la réduction des mesures d’urgence et de relance, et la stabilisation du coût net du bouclier tarifaire, proviendrait essentiellement d’une normalisation des recettes exceptionnelles de 2022 et, dans une moindre mesure, de l’impact retardé sur les dépenses publiques de la forte inflation passée. Le ratio des recettes publiques baisserait d’un point de PIB, en 2023, partiellement compensé par une baisse de 0,5 point de PIB du ratio de dépenses publiques. Du côté des recettes, la normalisation progressive des impôts sur les sociétés et la suppression en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) contribueraient à une diminution de 0,5 point de PIB du taux de prélèvements obligatoires. Par ailleurs, les autres recettes (en particulier du fait du reflux du soutien du fonds européen au plan de relance) diminueraient dans les mêmes proportions.
Dans le même temps, le ratio de dépenses publiques baisserait de 0,5 point de PIB, en raison de l’extinction des mesures liées à la crise sanitaire et de la fin du plan de relance, même si elles sont en partie relayées par de nouveaux dispositifs tels que France 2030, le fonds vert et le soutien à l’apprentissage. L’impact retardé de la forte hausse de l’inflation en 2022 viendrait un peu augmenter les dépenses publiques hors mesures discrétionnaires de consolidation budgétaire. En particulier, la charge d’intérêt resterait assez stable en pourcentage du PIB par rapport à 2022, l’effet de la hausse des taux d’intérêt étant cette année compensé par le repli des indices d’inflation servant de référence pour la dette indexée.
En 2024-2025, à législation constante, le déficit public devrait diminuer pour atteindre environ 4,5 % du PIB à la fin de la période de prévision. Cette baisse progressive serait portée par celle du taux de dépenses publiques, tandis que les recettes en pourcentage du PIB demeureraient stables. Le poids des dépenses publiques diminuerait d’1 point de PIB environ, tiré à la baisse par la disparition du bouclier tarifaire, ainsi que par les réformes des retraites et de l’assurance chômage. Le ratio des dépenses publiques serait encore supérieur d’environ 2 points à celui de 2019. Cette augmentation serait due pour un tiers à la hausse de la charge de la dette, et pour les deux autres tiers à celle des dépenses primaires. Cet alourdissement durable des dépenses primaires s’expliquerait à la fois par des mesures en cours (France 2030, soutien à l’apprentissage, réforme du lycée professionnel) et par le fait qu’à dépenses inchangées en volume, leur ratio est majoré par un effet dénominateur dû à la perte durable de PIB potentiel. Ces éléments ne seraient que partiellement compensés par la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage, qui continueraient de monter en charge après 2025.
Le ratio de la dette publique ne diminuerait pas et resterait proche de 111 % du PIB sur tout l’horizon de prévision (graphique suivant). Après avoir davantage augmenté lors de la crise Covid (+ 15 points de PIB en France entre 2019 et 2021, contre + 11 points dans la zone euro dans son ensemble), le taux d’endettement public français ne se replierait que de – 1 point entre le pic de 2020-2021 et 2025, à comparer à une baisse de – 8 points pour l’ensemble de la zone euro (à 87 % du PIB en 2025 selon les projections de l’Euro-système) qui effacerait ainsi la quasi-totalité de la hausse antérieure. D’où un creusement durable de l’écart entre la France et la zone euro.
Dette publique en France et en zone euro (en % du PIB)
À côté des données des comptes nationaux de chaque pays, l’enquête lancée par Eurostat sur la structure de la dette publique contient un ensemble de cinq tableaux avec des données sur la dette brute des administrations publiques et de ses sous-secteurs (État, ODAC administrations locales, sécurité sociale) pour 2021 et les trois années précédentes, détaillant la dette brute par instrument financier, secteur de détenteur de la dette et échéance initiale, et un tableau avec des classifications supplémentaires de la dette publique (par échéance résiduelle, monnaie d’émission, coût apparent de la dette, valeur de marché de la dette brute et garanties).
1/ La dette publique dans l’UE
a) La dette publique en % du PIB
La dette de Maastricht a suivi une tendance à la hausse après la crise financière de 2008. Depuis un point haut fin 2014 (87,2 % du PIB), au niveau de l’UE, le ratio dette/PIB a diminué de manière continue pour atteindre 77,8 % du PIB fin 2019. Puis, le ratio a fortement augmenté en 2020 pour atteindre 90,0 %. du PIB, principalement en raison des effets de la pandémie de COVID-19. L’augmentation de 2020 représente l’augmentation la plus forte observée dans la série chronologique depuis 1995, et le niveau le plus élevé de dette brute des administrations publiques en pourcentage du PIB enregistré.
Entre fin 2020 et fin 2023, la dette brute des administrations publiques de l’UE a diminué de -8,3 points de pourcentage (pp) pour atteindre 81,7 % du PIB. Par rapport à fin 2022, le ratio en 2023 a diminué de -1,7 pp du PIB. Dans la zone euro, la dette brute des administrations publiques a diminué, passant de 90,8 % du PIB fin 2022 à 88,6 % fin 2023 (soit de -2,3 points de pourcentage).
Entre fin 2022 et fin 2023, 18 pays de l’UE ont enregistré une diminution de leur ratio dette/PIB, et 9 pays de l’UE et la Norvège ont enregistré une augmentation. Les baisses les plus importantes ont été enregistrées au Portugal (-13,3 pp), en Grèce (-10,8 pp), à Chypre (-8,3 pp), en Croatie (-4,8 pp) et en Espagne (-4,0 pp), tandis que des augmentations ont été enregistrées en Finlande (+2,3 pp). pp), Lettonie (+1,8 pp), Roumanie (+1,3 pp), Estonie (+1,1 pp), Luxembourg et Belgique (tous deux +0,9 pp), Bulgarie (+0,5 pp), Pologne (+0,4 pp) et Lituanie ( +0,2 pp), ainsi que la Norvège (+7,8 pp).
Fin 2023, 13 des 27 pays de l’UE ont déclaré un ratio dette/PIB supérieur à 60,0 %, tandis que cinq pays de l’UE ont enregistré un ratio dette/PIB supérieur à 100,0 % : la Grèce a enregistré le ratio dette/PIB le plus élevé, avec 161,9 %, suivi par l’Italie (137,3 %), la France (110,6 %), l’Espagne (107,7 %) et la Belgique (105,2 %).
Fin 2023, le ratio dette/PIB le plus faible a été enregistré par l’Estonie, à 19,6 % du PIB, suivie par la Bulgarie (23,1 %), le Luxembourg (25,7 %), le Danemark (29,3 %), la Suède (31,2 %), la Lituanie ( 38,3 %) et la Norvège (44,3 %).
Dette des administrations publiques, 2022 et 2023 (dette brute consolidée des APU, % du PIB)
Source : Eurostat
Tableau-30-dettes-et-deficits-publics-Eurostat
Dette brute consolidée des administrations publiques en % du PIB de 2009 à 2021
Intérêts, à payer des administrations publiques en % du PIB de 2009 à 2021
b) Ventilation par sous-secteur des administrations publiques
Le secteur des APU (S.13) est divisé en quatre sous-secteurs.
Le graphique suivant donne une vue d’ensemble de la ventilation des sous-secteurs, en pourcentage de la dette totale pour tous les sous-secteurs, c’est-à-dire non consolidé entre les différents niveaux des APU.
Pour 25 des 27 pays de l’UE, l’administration centrale représentait plus de 75 % de la dette publique (non consolidée entre sous-secteurs) à la fin 2023, tandis que d’autres sous-secteurs de l’administration publique détenaient une part relativement importante en Suède (41 %). et en Allemagne (30 %), ainsi qu’en Norvège (33 %).
La dette des collectivités locales a joué un rôle important en Suède (40 %), au Danemark (21 %), en Finlande (17 %), en Estonie (13 %) et en Lettonie (11 %). La part de la dette des collectivités locales (non consolidée entre sous-secteurs) était également importante en Norvège (33 %).
En Allemagne (23 %), en Espagne (17 %) et en Belgique (16 %), les gouvernements des États représentaient une part importante de la dette brute totale (non consolidée entre sous-secteurs). L’administration publique en tant que sous-secteur des administrations publiques n’existe que dans quatre pays de l’UE, à savoir la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne et l’Autriche. La part de la dette du gouvernement de l’État était de 7 % en Autriche.
L’impact des fonds de Sécurité Sociale sur la dette publique reste relativement faible: des cotisations inférieures à 5 % ont été enregistrées dans 23 pays (sur les 25 pays déclarants comportant un sous-secteur de fonds de sécurité sociale). Seuls deux pays présentaient des taux d’endettement légèrement plus élevés pour les caisses de sécurité sociale : la France (8,2 %) et l’Espagne (6,1 %).
Dette publique brute par sous-secteur, pourcentage de la dette brute totale, non consolidée entre sous-secteurs, 2023
Source : Eurostat
c) Répartition par instrument financier
La dette de Maastricht est composée du stock de passif des instruments financiers suivants selon la classification SEC 2010 :
Les données pour 2023 montrent que pour l’UE, les titres de créance représentaient 82,9 % de la dette brute des administrations publiques, les prêts 14,4 % et les devises et dépôts 2,7 % (graphique suivant). Pour la zone euro, les titres de créance représentaient 83,4 % de la dette brute des administrations publiques, les prêts 13,8 % et les numéraires et dépôts 2,8 %.
Pour 25 des 27 pays de l’UE, l’instrument de dette le plus utilisé était les titres de créance à la fin de 2023. La part des titres de créance dans la dette brute des administrations publiques variait entre 25,8 % en Grèce et 48,9 % en Estonie, à 91,2 % en Tchéquie.
La Grèce (72,2 %), l’Estonie (49,9 %) ainsi que la Norvège (66,6 %) ont enregistré des parts élevées de prêts. Des ratios prêts/dette totale importants ont également été enregistrés à Chypre (39,2 %), en Suède (36,7 %) et en Croatie (29,1 %). Les pays déclarant une part de prêts plus élevée étaient généralement ceux qui avaient un niveau relativement faible de dette publique brute (par exemple l’Estonie), une part relativement élevée de la dette des secteurs sous-centraux de l’État (par exemple la Suède) ou qui avaient bénéficié ces dernières années d’une prêts du FESF, du MES, du FMI et d’autres financements institutionnels internationaux (par exemple la Grèce et Chypre).
Fin 2023, les devises et les dépôts représentaient moins de 5 % de la dette totale de 23 pays. En revanche, les numéraires et les dépôts représentaient 18,4 % de la dette brute totale des administrations publiques au Portugal (en raison des bons de caisse), 11,7 % en Irlande (en raison des structures de défaisance), 7,0 % en Italie et 6,7 % en Suède (en raison des bons de caisse). ).
Dette brute des administrations publiques par instrument financier, 2023
Source : Eurostat
d) Ventilation par secteur du détenteur de la dette
Le graphique suivant présente la dette publique brute par secteur institutionnel du titulaire de la dette: résidents non financiers (sociétés non financières, ménages et institutions sans but lucratif au service des ménages), résidents financiers (sociétés financières) et non-résidents (reste du monde).
Fin 2023, parmi 26 pays de l’UE, la dette publique était principalement détenue par le secteur des sociétés financières résidentes dans 12 pays de l’UE. Sa part était la plus élevée en Suède (74,6 %), suivie par le Danemark (72,3 %), la Tchéquie (69,9 %) et la Croatie (64,6 %). À l’autre extrémité de l’échelle, la plus faible proportion de dette détenue par des sociétés financières résidentes a été enregistrée à Chypre (2,8 %), devant l’Estonie (18,9 %), la Lettonie (30,2 %), l’Irlande (34,1 %), la Lituanie (35,4 %). %), l’Autriche (35,7 %) et la Belgique (37,7 %) ainsi que la Norvège (37,1 %). La France se situe dans le mileiu de ces deux groupes.
La part de la dette détenue par les non-résidents (secteur du reste du monde) était importante dans 14 pays de l’UE et en Norvège, avec des parts de 42,0 % et plus. Parmi les pays ayant la part la plus élevée de secteur non-résident comme détenteur de dette figurent : Chypre (95,7 %), l’Estonie (79,8 %), la Lettonie (66,6 %), l’Autriche (64,1 %) et la Lituanie (63,2 %), ainsi que Norvège (60,6 %). En revanche, cette proportion n’était que de 16,9 % en Suède, 21,8 % à Malte, 23,7 % en Tchéquie, 27,2 % au Danemark, 27,6 % en Italie et 29,5 % en Croatie.
Les secteurs non financiers résidents (sociétés non financières, ménages et institutions sans but lucratif au service des ménages) ont joué un rôle majeur en tant que détenteurs de dette à Malte (23,6 %), en Hongrie (23,4 %), au Portugal (18,0 %), en Italie (13,4 %). %) et l’Irlande (11,7 %).
Dette brute des administrations publiques par secteur de détenteur de dette, 2023
Source : Eurostat
e) Répartition par maturité originale/initiale
L’enquête sur la dette vise à fournir des informations détaillées sur la structure temporelle de la dette publique en fonction de son échéance initiale . La maturité est subdivisée en plusieurs tranches de maturité : moins d’un an, un à cinq ans, cinq à sept ans, sept à dix ans, dix à quinze ans, quinze à trente ans et plus de trente ans, ainsi que le récapitulatif catégorie de plus d’un an. Pour certains pays, qui n’ont pas fourni la ventilation complète, seules deux catégories sont présentées : moins d’un an (court terme) et plus d’un an (long terme). Pour les 19 autres pays, une ventilation détaillée des échéances de la dette est disponible.
La classification de la dette brute des administrations publiques par échéance révèle une tendance commune : entre 69,5 % (en Suède) et près de 100 % (en Lituanie) de l’encours de la dette a été contracté sur une base à long terme. Des niveaux d’endettement à court terme inférieurs ou égaux à 1 % ont été enregistrés en Lituanie (0,0 %), en Bulgarie (0,3 %), en Slovaquie (0,6 %) et à Chypre (0,8 %).
Le taux d’endettement à court terme était important en Suède (30,5 %), suivi du Portugal (19,5 %), de la Finlande (13,0 %) et de l’Italie (12,5 %), ainsi qu’en Norvège (28,6 %).
f) Ventilation par échéance restante
Alors que l’échéance initiale ou initiale de la dette mesure le temps écoulé entre la date d’émission et la date de remboursement, la maturité restante de la dette mesure le temps restant jusqu’à la date de remboursement.
Le graphique suivant montre la part de la dette brute de l’État dont l’échéance résiduelle est inférieure à un an, fin 2022 et fin 2023, soit la part de la dette de l’État qui devait être remboursée en 2023 et qui doit l’être au cours de l’année 2023. 2024.
Fin 2023, les parts les plus élevées d’échéances résiduelles à court terme dans la dette totale de l’administration centrale étaient enregistrées par la Suède (37,9 %), devant l’Estonie (28,4 %), le Portugal (26,4 %), l’Allemagne et l’Italie (23,3 % chacun). , estimé pour l’Allemagne) et la Lettonie (22,1 %), tandis que les parts les plus faibles ont été observées en Bulgarie (8,5 %) et en Slovénie (9,8 %).
Les réductions les plus importantes de la part de l’échéance résiduelle à court terme de la dette entre fin 2022 et fin 2023 ont été observées en Suède (-10,0 pp), en Roumanie (-3,6 pp) et à Malte (-3,4 pp), alors que Les plus fortes augmentations des parts ont été enregistrées en Irlande et en Lituanie (chacune +3,4 pp) ainsi qu’en Slovénie (+3,0 pp).
Part de la dette brute de l’administration centrale dont l’échéance résiduelle est inférieure à un an, 2022-2023
Source : Eurostat
e) Coût moyen apparent de la dette publique
Le coût apparent de la dette publique (c’est-à-dire le ratio des dépenses d’intérêts courus en pourcentage de la dette moyenne sur l’année) montre les conditions passées et présentes auxquelles les pays sont confrontés lorsqu’ils accèdent aux marchés financiers. En général, tant que la dette émise n’est pas indexée sur des mesures d’inflation, cette mesure du coût de la dette dépend des taux d’intérêt en vigueur au moment de l’émission dans le passé, et elle est normalement peu sensible aux tendances les plus récentes du marché. à condition que la composition de la dette soit principalement à long terme. L’analyse du coût moyen apparent de la dette de l’administration centrale est présentée au graphique suivant.
En 2023, le coût apparent de la dette brute des administrations publiques le plus élevé a été signalé par la Hongrie (6,8 %), suivie de la Pologne et de la Roumanie (4,5 % chacune). Le coût apparent de la dette brute des administrations publiques le plus faible a été observé au Luxembourg (1,2%), suivi des Pays-Bas et de l’Allemagne (tous deux 1,4%).
Dans tous les pays de l’UE, à l’exception de l’Italie, du Danemark et de la France, le coût apparent de la dette publique a augmenté entre 2022 et 2023, principalement en raison des nouvelles émissions portant des intérêts plus élevés que la dette remboursée. Le ralentissement des mesures d’inflation dans certains pays en 2023 a eu un effet inverse.
Les augmentations les plus importantes ont été observées en Hongrie (+2,7 pp.), suivie par l’Estonie (+1,8 pp.), la Pologne (+1,2 pp.) ainsi que la Roumanie et la Finlande (chacune +1,1 pp.). Au Danemark (-0,6 pp.), en Italie (-0,3 pp.) et en France (-0,2 pp.), une diminution du coût apparent est observée.
Coût moyen apparent de la dette brute de l’administration centrale, 2022-2023
Source : Eurostat
2/ La dette publique dans le monde
Au niveau mondial, la plupart des membres du G20 avaient un déficit public en 2018 ; seules la Corée du Sud et la Russie ont enregistré des excédents, comme le montre le graphique suivant. Des déficits inférieurs à 3,0 % du PIB ont été observés au Canada, dans l’UE-27 (et la zone euro), en Australie, en Indonésie, au Mexique et au Royaume-Uni. Les déficits les plus importants ont été enregistrés en Inde (6,4 % du PIB) et au Brésil (7,2 % du PIB).
On se réfère aux données de l’OCDE où la dette publique n’a pas le même sens qu’au niveau de l’UE (non consolidée).
En outre, le traitement des engagements des APU résultant des systèmes de retraite de leurs agents diffèrent selon les pays, ce qui rend difficile la comparaison internationale. Ainsi, selon le SCN 1993, seule la composante capitalisée des systèmes de retraite du personnel des administrations publiques devait apparaître dans leurs passifs. Toutefois, le nouveau SCN 2008 reconnaît l’importance des engagements des employeurs au titre des régimes de retraite, qu’ils soient capitalisés ou non. S’agissant des retraites offertes par les administrations publiques à leurs personnels, les pays disposent d’une certaine flexibilité pour comptabiliser les engagements non capitalisés dans l’ensemble des tableaux principaux.
Quelques pays de l’OCDE, comme l’Australie, le Canada, l’Islande, la Suède et les États-Unis, inscrivent les engagements au titre des retraites capitalisées, dans la dette des administrations publiques qui pourraient avoir une influence de taille sur le ratio dette brute/PIB. Pour rendre la comparaison des pays plus transparente, l’OCDE publie à la fois la dette des administrations publiques incluant et excluant les engagements au titre des retraites non capitalisées. On compare ici le second ratio (dette ajustée)
le Japon avait de loin la dette publique la plus élevée par rapport au PIB en 2018, 234,2 % (graphique suivant). Les États-Unis sont loin derrière avec un niveau de dette publique supérieur au PIB, son ratio étant de 105,7 % (120,8% en 2023). On n’oublie pas que certains pays de la zone Euro (Italie, Grèce, France, Espagne,..) affichaient souvent des pourcentages supérieurs ou proches (tableau suivant). Le Canada avait un niveau de dette publique par rapport au PIB de 95 % en 2018, suivi du Brésil, de l’Argentine, et de l’UE-27, tous avec des ratios supérieurs à 75%. Les ratios dette publique/PIB les plus faibles ont été enregistrés au Danemark, Suisse, en Arabie saoudite et en Russie,ces deux derniers étant inférieurs à 36,0 % du PIB.
Les ratios du déficit public (besoin de financement) sont mauvais en France (-5,5% du PIB en 2023) même si le ratio italien est pire (-7,4%). En fin de période, il apparaît un déficit constant et important en France.
Excédent ou déficit et dette des administrations publiques au niveau mondial, 2018 (% du PIB)
Dette publique « ajustée » des comptes nationaux en % du PIB (définition OCDE)
Capacité (+) / besoin (-) de financement des administrations publiques en % du PIB
La « présentation intégrée des statistiques de finances publiques (SFP) » est un modèle de présentation dédié aux comptes publics de l’UE qui montre les activités économiques des APU d’une manière adaptée à l’analyse budgétaire. Elle regroupe l’ensemble des statistiques publiques collectées par Eurostat spécifiquement pour le secteur institutionnel des APU (c’est-à-dire hors entreprises publiques) dans le cadre des comptes nationaux , complétées par des informations statistiques collectées à des fins administratives.
La présentation SFP montre de manière intégrée :
Cette présentation est similaire à celle de la comptabilité d’entreprise où le compte de résultat et le bilan sont présentés ensemble, de manière liée. Ce type de présentation SFP convient également à l’analyse budgétaire des différents niveaux des APU (central, régional, local, caisses de sécurité sociale
La présentation intégrée des SFP rassemble une analyse du déficit et et de la dette de leurs principales composantes. Plus généralement, les liens entre les variables de stock et de flux ainsi que le lien entre les comptes financiers et non financiers sont rendus transparents. Cela permet d’avoir un aperçu complet et concis des positions financières et non financières des gouvernements. En raison de l’importance du suivi budgétaire, la présentation intégrée des SFP est un outil statistique important qui a été développé afin d’améliorer l’évaluation des positions budgétaires.
La présentation SFP permet ainsi une analyse détaillée des performances budgétaires des APU grâce à une meilleure compréhension des opérations financières et non financières entreprises par les APU. Elle permet des comparaisons inter-pays, de suivre l’évolution des principales composantes dans le temps, et de mieux comprendre les liens entre les différentes variables. Elle montre comment un gouvernement finance un éventuel déficit, et quels sont les principaux instruments utilisés. Pour une analyse plus approfondie des composantes spécifiques, les tableaux détaillés également publiés sur le site d’Eurostat fournissent des ventilations supplémentaires : classification fonctionnelle des dépenses publiques suivant la nomenclature COFOG (protection sociale, éducation, santé, défense, etc.), ventilation des impôts et cotisations sociales, et ventilation supplémentaire pour les instruments financiers.
Les tableaux annuels du modèle SFP présentent des données pour tous les États membres de l’UE, pour l’Union européenne et la zone Euro des 19 ou 20 pays. Des tableaux annuels sont actuellement disponibles pour l’UE et la ZE-20 à partir de 1995 respectivement, tandis que les données annuelles pour la plupart des pays individuels commencent en 1995.
On ne revient pas ici sur les notions de dépenses et recettes publiques et lsur les opérations qui les composent (voir page Administrations Publiques).
1/ les principaux comptes et soldes
a) le Déficit public
Le solde comptable des administrations publiques dans les comptes non financiers est la capacité de financement (signe positif) ou le besoin de financement (signe négatif), c’est-à-dire l’excédent ou le déficit des APU dans la présentation intégrée des SFP, c’est-à-dire le total des recettes des administrations publiques moins le total des dépenses des administrations publiques. Le besoin/besoin net calculé selon les données transmises dans le cadre du programme de transmission du SEC 2010 est conceptuellement identique au déficit dit de Maastricht utilisé pour la procédure de surendettement, qui fait l’objet d’une vérification approfondie par Eurostat, ainsi que d’éventuels ajustements introduits par Eurostat sur les chiffres communiqués.
b) Financement des APU
À l’instar d’autres unités institutionnelles et sociétés privées, le compte financier des administrations publiques enregistre les opérations sur actifs et passifs financiers et est inclus dans la présentation intégrée des SFP.
Le poste « transactions financières nettes » décrit le financement net (c’est-à-dire l’acquisition nette d’actifs financiers moins l’accroissement net des passifs) des APU et est conceptuellement égal à la définition du SEC 2010 de la capacité de financement ou de l’emprunt net de l’État calculée dans les comptes non financiers, puisqu’un excédent doit être investi ou un déficit doit être financé.
L’écart entre les deux soldes comptables des comptes financier et non financier est un écart statistique dû à l’utilisation de sources de données différentes pour l’établissement des comptes financier et non financier (voir page Comptes financiers et non financiers). Cet écart statistique constitue une position dans la présentation GFS intégrée et est un moyen de rendre transparente la cohérence des données. C’est aussi un indicateur de qualité important. Il ne s’agit cependant pas d’une indication définitive, car certains pays masquent cet écart par des ajustements de certains instruments financiers (traditionnellement dans les catégories « autres comptes »). Bien que cet écart statistique montre une volatilité relativement élevée au fil des ans, il est resté inférieur à 0,1 % du PIB de l’UE toutes les années, un indicateur de la bonne qualité des données et de la cohérence des sources de données. Mais il est plus ou moins important quand on le rapporte au besoin de financement des APU (voir ci-dessous).
Sous la rubrique « financement public » – les transactions des comptes financiers – les détails de « l’acquisition nette d’actifs financiers » et de « l’accroissement net des passifs financiers » sont également présentés.
La catégorie « acquisition nette d’actifs financiers » est ventilée en sous-catégories, ou instruments financiers, numéraire et dépôts, titres de créance, prêts, actions et autres actions et autres actifs financiers, tandis que la catégorie « accroissement net des passifs financiers » comprend le numéraire et les dépôts, les titres de créance, les prêts et autres passifs.
c) Compte de patrimoine des APU
Le compte de patrimoine des APU est l’équivalent en stock de la présentation du financement public décrite ci-dessus, contenant des sous-catégories cohérentes avec l’analyse des flux. Pour le moment, seuls les actifs et passifs financiers sont collectés, même si des efforts sont actuellement en cours pour collecter des données sur les actifs non financiers. La présentation des actifs non financiers des APU (principalement des immobilisations amorties et des actifs non produits principalement constitués de terrains) permet de calculer la valeur nette des APU. Les actifs et passifs sont évalués à leur valeur de marché, notamment pour les titres de créance, les instruments financiers dérivés et les actions et autres participations. Les gains/pertes de détention sur ceux-ci (réalisés ou non) n’entrent pas dans les recettes (ou les dépenses) de l’État, mais sont déclarés dans les « autres flux économiques ».
d Dette publique et lien avec le déficit
Le tableau B de la présentation intégrée (voit tableaux ci dessous) comprend l' »ajustement stock-flux » (SFA) et la dette publique brute à la valeur nominale (selon la définition de Maastricht). Le SFA est la différence entre la variation de l’encours de la dette publique et le flux du déficit/excédent annuel. Il est bien connu que les déficits contribuent à augmenter les niveaux d’endettement, tandis que les excédents les réduisent.
Cependant, la variation de la dette publique reflète également d’autres éléments que l’excédent/le déficit. Les déficits peuvent également être financés par la vente d’actifs financiers, ou alternativement, la dette peut être utilisée pour financer l’acquisition d’actifs financiers. Par conséquent, en plus de l’excédent/du déficit, il existe un fort co-mouvement d’acquisition nette d’actifs financiers avec la variation de la dette. La survenance d’engagements non couverts par la définition de la dette de Maastricht telle que stipulée dans la procédure concernant les déficits excessifs (principalement « autres comptes à payer »), ainsi que les différences et les écarts d’évaluation, jouent un rôle moins important dans l’explication de l’évolution de la dette. Un SFA positif signifie que la dette publique augmente plus que le déficit annuel (ou diminue moins que ce qu’implique l’excédent). L’importance du SFA a été soulignée à maintes reprises, car un suivi statistique efficace de la performance budgétaire nécessite de comprendre les cohérences entre les deux indicateurs budgétaires clés : déficit et dette publics.
2/ La présentation SFP en France et dans la zone Euro
Voici les comptes des APU en France et dans la zone Euro à 20 pays. En France, le ratio « ajustement statistique / besoin de financement » était relativement élevé en 2000 : 30% contre 5% dans l’UE. Mais c’est le contraire en 2023 : 2;8% contre 3,5 % dans la zone Euro. Ceci peut traduire un effort de cohérence des comptes français à moins que les comptables français masquent cet écart par des ajustements de certains instruments financiers (voir ci-dessus).
S’agissant de « l’ajustement stock-flux (SFA), / besoin de financement », il est lui aussi plus faible en France que dans la zone Euro en 2023 : 4% contre 10% en 2022. La dette publique brute au sens du traité de Maastricht a augmenté de 166 Md€ entre les 31 décembre 2020 et 2021, soit plus que le déficit public (162 Md€) et l’écart entre ces deux agrégats a été plus important notamment jusqu’en 2020. On a vu que nombreux facteurs peuvent expliquer cette différence, dans un sens ou dans l’autre, entre la variation de la dette publique et le déficit public sur une même période. Signalons aussi que les recettes et dépenses qui sont à l’origine du déficit public sont comptabilisées en « droits constatés » et non en « encaissements et décaissements ». Or par exemple, si une dépense de fonctionnement est constatée sans être décaissée, le déficit public est accru en contrepartie de la constatation d’une dette commerciale. Celle-ci est enregistrée dans la dette brute au sens des comptes nationaux mais pas dans la dette brute au sens du traité de Maastricht qui n’augmente donc pas.
Présentation SFP dans la zone Euro en milliards d’euros entre 2000 et 2023
Présentation SFP en France en milliards d’euros entre 2000 et 2023
Pour financer la dette publique, l’État émet des titres de créances négociables sur les marchés financiers sur une durée plus ou moins longue. Plus précisément, deux types de titres sont émis par l’État : les Bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF) et les Obligations Assimilables du Trésor (OAT). Les OAT constituent la forme privilégiée du financement à long terme de l’État (échéances pouvant dépasser dix ans). Créés en 1985, les Bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN) ne sont plus proposés et ne circulent plus sur le marché depuis 2017 [6].
La répartition de la dette des APU par créanciers est toutefois mal connue, notamment parce que les détenteurs des obligations émises par l’État, qui en forment presque les trois quarts, sont eux-mêmes mal connus. Si l’agence France Trésor (AFT), qui en assure la gestion, connait les acheteurs de ces titres à l’émission, c’est-à-dire sur le « marché primaire », elle ne sait pas toujours à qui ceux-ci les revendent sur le « marché secondaire ». L’article L. 228-2 du code de commerce dispose que seuls les émetteurs d’actions, de bons de souscription d’actions ou d’instruments de taux donnant immédiatement ou à terme accès au capital ont accès à ces informations. Dès lors, même (l’AFT ne peut pas identifier précisément les détenteurs des obligations assimilables du Trésor (OAT), des bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN) et des bons du trésor à taux fixe (BTF).
1/ Qui sont les créanciers de la France ?
En recoupant plusieurs sources d’information, l’AFT établit la répartition figurant sur le graphique suivant qui concerne la dette négociable de l’État en valeur de marché. Selon les chiffres publiés par l’AFT, parmi les détenteurs de la dette publique, on trouve 48 % de non-résidents à la fin 2022 (même pourcentage que dans le chapitre précédent), tous titres de créances négociables confondus émis par l’État. Une proportion en hausse sensible depuis la fin du XXe siècle, mais en baisse par rapport à 2010 (graphique suivant) : 70% était alors détenu par des non-résidents dont plus de la moitié hors de la zone euro. Ce taux de détention par les non-résidents avait beaucoup augmenté entre 2000 et 2010 : il était passé de 35% à près du double en 2010. Ce reflux tient pour une grande part aux achats d’obligations du trésor par la Banque de France pour le compte de la BCE.
Pour l’essentiel il s’agit d’investisseurs institutionnels (fonds de pensions et fonds d’assurance notamment), mais aussi de fonds d’investissements souverains, de banques, voire de fonds spéculatifs.
Le rapport annuel d’activité de la Banque de France montre qu’elle détenait environ 740 Md€ de titres publics français à la fin de 2021 dans le cadre des « public sector purchase programme » et « pandemic emergency purchase programme », soit près de 26 % de la dette au sens du traité de Maastricht, mais ces titres ne sont pas comptabilisés comme la dette maastrichtienne et peuvent être émis par des organisations internationales. Leur part de la dette publique française au sens du traité de Maastricht est plus faible.
Sur ces 48 % des détenteurs non-résidents (50% en 2023), il est difficile de savoir plus précisément qui détient la dette de l’État car, si les souscripteurs à l’émission sont connus, les acheteurs sur le marché secondaire ne sont pas facilement identifiables. En outre, les publications des principaux détenteurs de dettes publiques et les statistiques nationales des autres pays ne distinguent généralement pas le montant de la dette publique française qu’ils détiennent. Des informations parcellaires laissent néanmoins penser que les non-résidents créanciers des administrations publiques françaises sont pour moitié européens et pour moitié non européens.
Pourtant la nationalité des détenteurs de la dette publique est importante. Certains pays, comme par exemple le Japon, détiennent l’essentiel de leur dette publique : environ 90 % des obligations émises ont été achetées par des personnes ou des organismes japonais. Cela signifie que, malgré un endettement s’élevant à 264 % de son PIB, le Japon dispose en la matière d’une visibilité largement supérieure à celle que la France peut mesurer avec une dette publique qui atteint environ plus de 111 % de son PIB.
Il reste que les États se financent depuis la crise de 2008 de moins en moins avec l’apport d’épargne étrangère. Par exemple, la part des détenteurs non résidents de la dette publique est passée en France d’un plus haut de 71 % en 2010 à 48 % à la fin 2021 (graphique suivant). Et pour le plus grand marché de dette publique au monde, celui des Etats-Unis, la part des détenteurs étrangers se situe à environ 45 % du total, contre près de la moitié en 2008.
Détention par les non-résidents de la Dette Négociable de l’État français en %
Source :Banque de France
L’État français emprunte environ un tiers de sa dette auprès des banques et des sociétés financières nationales Les compagnies d’assurance, principalement d’assurance-vie, en détiennent environ 16 % et les établissements de crédit 6 %. La Banque de France est le plus important des « autres détenteurs français ». Les particuliers sont donc indirectement détenteurs d’une partie significative de la dette publique française.
La détention des titre de la dette négociables de l’État en % du total à la fin de 2021
Source : Agence France trésor; FIPECO
2/ La composition de la dette publique dans les différents pays
Selon le FMI, si la part des non-résidents dans la dette publique Française (toutes administrations publiques confondues) était de 43 % en France fin 2022 (47% selon la source Eurostat), elle était seulement de 26 % dans les pays du G7 ou du G20. Pour l’ensemble des principaux pays de la zone euro, le pourcentage de la dette publique détenue par des étrangers a atteint 39 % fin 2022. On peut ajouter que 25 % de la dette américaine est détenue par des étrangers, 24 % de la dette du Royaume-Uni et 13 % de celle du Japon. Elle n’était plus élevée que dans des pays plus petits, l’Allemagne ayant le ratio le plus proche de celui de la France (41% selon Eurostat). Mais ce ratio a nettement diminué en Allemagne depuis plusieurs années.
Depuis 2015, la détention de la dette publique française par la Banque de France (+21 %) a fait presque autant diminuer la part détenue par les autres résidents (-8 %) que la part détenue par les étrangers (-12 %). On note par ailleurs, avant même l’action de la Banque de France, un recul lent, mais régulier de la part de la dette française détenue par les résidents (passée de 45 % en 2004 à 30 % en 2022). La détention par la Banque de France n’explique que la moitié de la chute de cette part (voir ci-dessous).
Nous sommes plus proches de la situation allemande qu’italienne (la part de dette détenue par les étrangers demeure supérieure à celle détenue par les nationaux hors Banque centrale). La question des années à venir est la façon dont, avec le recul de la part détenue par les Banques centrales, vont évoluer les parts de dette détenues par les étrangers et nationaux (hors banques centrales).
Part de la dette publique détenue par des non résidents fin 2022 (en % (en % de la dette publique totale))
Part de la dette publique détenue par des non résidents depuis 2004 (en % de la dette publique totale)
Les non-résidents sont attirés pour la dette française (il y en a beaucoup et elle n’est pas jugée trop risquée mais jusqu’à quand ?). C’est ce qui peut expliquer la part relativement élevée de la dette publique détenue par des étrangers. Si cette part a baissé, comme partout dans le monde, elle reste à un niveau relativement élevé. Les non-résidents détiennent environ 1 400 milliards € de dette publique française, que ceux-ci soient des entités officielles (Fonds souverains, BCE…) qui en détiennent 580 milliards €, des banques étrangères (135 milliards €) ou d’autres étrangers (680 milliards €).
Dette publique détenue par des non résidents en milliards d’euros
Un fort taux de détention de la dette publique par les non-résidents peut constituer un élément de risque dans les périodes de tensions sur les marchés des emprunts publics, car les non-résidents pourraient être plus enclins que les résidents à des revirements soudains et extrêmes provoqués par des informations partielles, voire erronées. Dans de telles périodes de tension, le biais domestique s’accroît, comme on l’a vu dans les années 2011-2013 dans la zone euro où les investisseurs des pays du cœur de la zone se sont retirés des pays de la périphérie.
En tout état de cause, qu’un taux élevé de détention de la dette publique par les non-résidents soit réellement ou non un facteur de risque, il est parfois perçu ainsi, y compris dans les publications d’institutions comme l’OCDE, le FMI et la Banque centrale européenne, ce qui constitue en soi un élément de fragilité.
Les marges de manœuvre de l’État dépendent en partie du type de créanciers détenant sa dette : les non-résidents sont des investisseurs moins captifs que les résidents. Ils échappent à ce titre aux contraintes que peuvent faire peser les États sur eux. Ceux-ci disposent de fait d’un pouvoir de coercition sur les créanciers domestiques – à travers la fiscalité et la régulation financière par exemple – qui ne s’applique évidemment pas aux non-résidents. Ceux-ci sont d’ailleurs les premiers à vendre leurs titres en période de crise et constituent ainsi une source de financement plus instable. La composition actuelle de la dette publique rend ainsi difficilement envisageable les scenarii de répression financière qui ont engendré une réduction de l’endettement au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, la détention de la dette publique par les institutions domestiques n’est pas non plus sans risque, elle renforce la possibilité d’un cercle vicieux entre risque souverain et risque bancaire.
La composition de la dette publique a également un impact sur la dynamique de la dette. La libéralisation des flux de capitaux et la demande croissante de titres de dette publique par des agents non résidents a pu contribuer à la baisse des taux d’intérêt de ces mêmes titres : cela a encouragé le gonflement des dettes publiques et le creusement des déséquilibres courants. Dans le contexte d’une intégration européenne croissante, les pays périphériques de la zone euro ont pu s’endetter dans des conditions plus avantageuses qu’avant l’introduction de la monnaie unique.
À partir de 2009, les banques centrales ont lancé des programmes d’achats d’actifs, afin de renforcer le caractère expansionniste de la politique monétaire dans un contexte où leur taux directeur atteignait un niveau proche de 0 %. L’objectif annoncé était principalement d’assouplir les conditions de financement en pesant sur les taux d’intérêt de marché de long terme. Il en a résulté une forte augmentation de la taille de leur bilan. Celui-ci représente plus de 53 points de PIB dans la zone euro et 35 points aux États-Unis, le record étant détenu par celui de la Banque du Japon qui s’élève à 133 points de PIB (graphique suivant).
Avec la crise de la Covid, la question de la soutenabilité de la dette est revenue fortement dans le débat [8]. Les dettes publiques ont franchi un palier à la hausse et les divergences entre pays de la zone euro se sont accentuées. Leur capacité à faire face à leurs engagements sans en accroître le coût, en préservant leur potentiel de croissance, ne semble pas menacée à court terme. Mais les sources de risque sur la soutenabilité varient d’un pays à l’autre. En Italie, elles tiennent principalement à l’empreinte du passé en termes de montant annuel de dettes à rouler. La croissance potentielle y est très faible, ce qui est aussi un point de vigilance pour le Portugal. Le déficit public est le point faible de l’Espagne et de la Grèce.
Taille du bilan des Banques centrales en % du PIB
Source : https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/dettes-publiques-les-banques-centrales-a-la-rescousse/
1/ Monétisation des dettes publiques : une mutation dans le mécanisme de création monétaire
a) De la La politique monétaire conventionnelle…..
Traditionnellement, les banques centrales créent de la monnaie centrale à la demande du secteur bancaire en la lui prêtant à court terme à un taux d’intérêt qu’elles fixent dans le cadre de leur politique monétaire. Ce taux d’intérêt directeur – ou prix de l’argent – constitue leur principal instrument de politique monétaire et leur bénéfice. Cela reste le cas lorsqu’elles endossent le rôle de prêteur en dernier ressort dans les situations de turbulences financières.
La BCE a défini la stabilité des prix comme une inflation, mesurée par un « indice des prix à la consommation harmonisé », comprise entre 0 et 2 %, qui a d’abord été plutôt proche de zéro et qui est désormais proche de 2 %.
Pour atteindre cet objectif, elle s’est d’abord donné un objectif intermédiaire de croissance annuelle de la masse monétaire. Celle-ci pose toutefois en pratique des problèmes de définition et de frontière avec des actifs financiers facilement substituables à la monnaie. Il est apparu que la croissance de la masse monétaire, telle que définie par la BCE, était assez erratique, difficilement contrôlable et peu corrélée à court terme à l’inflation.
En conséquence, la BCE s’est ensuite attachée, comme les autres banques centrales, à orienter les taux d’intérêt nominaux vers des niveaux compatibles avec son objectif de stabilisation des prix compte-tenu de la situation économique. Ces taux, comme ceux visés par les autres banques centrales, dépendaient souvent de ses objectifs de taux d’intérêt réel et d’inflation et des écarts entre l’inflation prévue et l’inflation visée, d’une part, et entre la production effective et la «production potentielle», d’autre part comme le modélise la formule dite « règle de Taylor ». Le PIB potentiel est défini comme le volume de production pouvant être réalisé sans entraîner de tensions sur les prix, compte-tenu des facteurs de production (travail et capital) disponibles.
b) …. aux politiques monétaires non conventionnelles
La crise de 2008-2009 a remis en cause certains des fondements analytiques des politiques monétaires conventionnelles. La faillite de la banque Lehman Brothers en 2008 a entraîné une paralysie du marché des prêts interbancaires et mis en évidence les problèmes de liquidité mais aussi de solvabilité de nombreux établissements financiers. Il en est résulté dans tous les pays de l’OCDE une diminution des crédits à l’économie, une récession et une montée de l’endettement public qui ont fragilisé encore plus le système bancaire. D’abord pour arrêter ce cercle vicieux, puis pour relancer l’activité économique et éviter que des faillites de très grandes banques ne provoquent des « crises systémiques », les banques centrales ont fortement réduit les taux d’intérêt à court terme, devenus pendant longtemps négatifs, et mis en œuvre des politiques non conventionnelles consistant d’abord à admettre des actifs de moins bonne qualité en garantie et à allonger la durée de leurs prêts, jusqu’à trois ou quatre ans, pour réduire plus sûrement les taux à long terme.
Les règles prudentielles qui visent à prévenir les faillites bancaires ont ensuite été renforcées dans tous les pays, mais les banques centrales ont maintenu ces mesures non conventionnelles de politique monétaire pour parer un autre danger, celui d’une « déflation », c’est-à-dire d’une inflation durablement négative et donc éloignée de leur objectif.
Les « mesures non conventionnelles » des dernières années dérogent à cette tradition et vont au-delà du prêt en dernier ressort. Elles sont de deux types : le rachat de gros volumes de titres financiers, et l’octroi au secteur bancaire de prêts à long terme et à taux bas, voire négatifs. Les mesures de politique monétaire non conventionnelles sont utilisées par les Banques centrales, lorsque les taux d’intérêt directeurs qu’elles fixent sont déjà bas. Sans possibilité de les baisser davantage, elles ont recours à d’autres outils, comme les achats de titres, pour relancer l’activité et l’inflation.
Les règles relatives à la politique monétaire européenne et au fonctionnement du « système européen de banques centrales » (SEBC), dont la BCE est la tête de réseau (Eurosystème), sont fixées par les articles 127 et suivants du traité sur le fonctionnement de l’UE. Cet article interdit aux banques centrales, européenne et nationales, d’accorder tout type de crédits aux organismes publics des Etats membres de l’Union et d’acquérir « directement » auprès d’eux des « instruments de leur dette ».
Or à l’exception de la BCE dans un premier temps, les banques centrales ne se sont pas contentées de prêter aux banques sur une plus longue durée avec de moins bonnes garanties ; elles ont également acheté des titres émis par des entreprises privées ou par les États en principe pour rééquilibrer leurs portefeuilles de titres. La BCE n’a pas tout de suite suivi les autres banques centrales, parce que le traité 127 lui interdit l’acquisition directe d’instruments de dette des États de la zone euro. La crise des dettes publiques de plusieurs pays membres, qui a frappé la zone euro en 2010-2012 et fortement fragilisé le secteur bancaire, l’a cependant conduite à intervenir dès 2010 pour acheter des obligations d’État sur leur « marché secondaire » alors que ces achats sur le marché secondaire sont économiquement équivalents à des achats sur le marché primaire (les obligations sont émises et souscrites sur un « marché primaire » puis échangées sur un marché secondaire).
Les titres publics pouvant être achetés par la BCE dans ce cadre étaient toutefois en quantité limitée car les craintes des marchés financiers relatives à la soutenabilité des dettes de certains pays n’ont pas diminué. Aussi la BCE a-t-elle lancé en août 2012 un nouveau programme d’achat de titres publics sur le marché secondaire, cette fois pour des quantités illimitées, qui a concrétisé le « whatever it takes » de Mario Draghi.
Ainsi depuis que les banques centrales recourent à ces mesures d’achats d’actifs, ce n’est plus seulement en répondant aux demandes de liquidités des banques commerciales qu’elles créent de la monnaie (centrale), mais de plus en plus en achetant, sur les marchés financiers, des titres, que les banques ou d’autres institutions financières veulent revendre. Avec ce mode acquisitif de création monétaire (la monnaie est créée en contrepartie d’une acquisition de titre et non en contrepartie d’un crédit octroyé par une banque commercial), l’instrument de la politique monétaire devient le volume de monnaie centrale plutôt que son prix.
Contrairement au taux d’intérêt (du prêt de monnaie centrale) qui peut varier à la hausse comme à la baisse, cet instrument quantitatif (l’achat de titres) est largement asymétrique. La banque centrale peut aisément augmenter le volume de monnaie qu’elle crée en déclenchant l’achat de titres, mais plus difficilement le diminuer en les revendant. Parfois, elle est amenée à conserver les titres jusqu’à leur terme. Ce serait donc un instrument structurel, la monnaie qui en est issue est plus persistante qu’avec l’instrument du taux d’intérêt associé à des prêts de monnaie centrale à courte échéance qui en font un instrument conjoncturel.
2/ L’assouplissement quantitatif (« quantitative easing »)
Ainsi est né l’assouplissement quantitatif ou « quantitative easing« (QE). Il est défini comme un outil de politique monétaire non conventionnelle. Utilisé pour lutter contre le risque de déflation et de récession, il consiste, pour une banque centrale, à intervenir de façon massive, généralisée et prolongée sur les marchés financiers en achetant des actifs (notamment des titres de dette publique) aux banques commerciales et à d’autres acteurs. Ces achats massifs entrainent une baisse des taux d’intérêt. Afin d’injecter de l’argent dans l’économie et de stimuler la croissance, cela permet aux ménages, aux entreprises et aux États de continuer à se financer à de bonnes conditions, favorisant la croissance économique et la remontée du taux d’inflation à un niveau compatible avec la stabilité des prix.
Une dette publique est monétisée quand elle est achetée par la Banque Centrale, qui paye en créant de la monnaie. Cette opération ne change ni l’épargne, ni la richesse. Elle remplace seulement, dans la richesse des agents économiques privés (ménages, entreprises, intermédiaires financiers), la dette publique par la monnaie. Cette politique est donc efficace seulement si la détention de monnaie conduit à des comportements différents de ceux qui résultent de la détention d’obligations. Détenir davantage de monnaie peut pousser les ménages à consommer davantage, pousser les banques à distribuer davantage de crédit. C’est la condition de l’efficacité des politiques de « quantitative Easing » des Banques Centrales.
La monétisation des dettes publiques permet d’éviter l’éviction de la dépense privée. Selon la Théorie Monétaire Moderne, l’État ramène l’économie au plein emploi en mettant en place le déficit public qui est nécessaire, quel que soit sa taille, et la Banque Centrale monétise les dettes publiques correspondantes pour éviter la hausse des taux d’intérêt à long terme qui réduirait l’investissement des entreprises et la dépense des ménages. Il est clair que les pays de l’OCDE, dans la crise du coronavirus, ont adopté la Théorie Monétaire Moderne : déficit public massif, achat par la Banque Centrale contre création monétaire des obligations des États émises.
C’est ainsi que la BCE a racheté massivement des titres de dettes privées et publiques aux investisseurs qui veulent les vendre. Sur l’ensemble de l’année 2020, la BCE a acquis pour près de 1000 milliards d’euros de titres émis par les gouvernements des pays de la zone euro en 2020 (voir ci-dessous). Dans ces conditions, les banques centrales détiennent une fraction de plus en plus élevée du stock de dette organisant une coordination de facto des politiques monétaire et budgétaire. Les gouvernements ont financé en 2020 le chômage partiel des salariés qui ne pouvaient plus travailler : ils ont émis des obligations qui ont été achetées immédiatement par la Banque Centrale du pays (pour le compte de la BCE) contre création monétaire.
Formellement, les rachats de titres de dette publique par la BCE ne financent pas directement les États de la zone euro mais facilitent leur financement, car ils rassurent les investisseurs. Les États dans ce contexte n’ont pas de mal à se financer, d’autant que les taux d’intérêt étaient très bas jusqu’en 2021. Cela venait au bon moment en 2020, car les besoins de dépenses ont été énormes.
Les montants détenus par les banques centrales apparaissent dans les trois graphiques suivants. Le fait nouveau depuis 2015 est la détention d’une part importante de la dette publique par les banques centrales nationales dans le cadre du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE. La Banque de France détient 25% de la dette publique en 2023. En Allemagne le ratio est de 30% contre 1% en 2015. Avec la mise en œuvre d’une politique monétaire non conventionnelle par la BCE, la Banque de France a acquis une part importante de la dette négociable sur le marché secondaire depuis 2015. À la fin du second trimestre 2023, l’encours de titres de dette publique détenue par la Banque de France atteignait 719 milliards €.
Détention de la dette publique française en pourcentage de la dette publique totale
Détention de la dette publique allemande en pourcentage de la dette publique totale
Encours de la dette publique détenue par la Banque de France en milliards d’euros
Stock de dettes publiques détenus par les banques centrales en % de la dette publique
Source : https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/dettes-publiques-les-banques-centrales-a-la-rescousse/
1/ La dette publique et la politique de la BCE face à la pandémie de Covid-19
Le programme d’achats de titres d’urgence (PEPP pour pandemic emergency purchase programme) a été lancé par la Banque centrale européenne (BCE) en mars 2020 pour lutter contre les conséquences de la pandémie de Covid-19. Il s’agit encore d’une mesure de politique monétaire dite « non conventionnelle ».
Plus précisément, l’Eurosystème, c’est-à-dire la BCE et les Banques centrales nationales (BCN) des pays membres de la zone euro, dispose d’une enveloppe globale de 1 850 milliards d’euros à la fin 2020 pour acheter des titres, comme des obligations, directement sur les marchés financiers avec une clé de répartition entre les états qui dépend de leur contribution au capital de la BCE mais qui peut être appliquée avec une certaine flexibilité de sorte de limiter les primes de risque sur les obligations des états les plus fragiles (schéma suivant). Ces titres, achetés sur le marché secondaire, ont préalablement été émis par des entreprises ou des États. Les achats nets de titres ont pris fin en mars 2022. La BCE a toujours la possibilité de réinvestir les sommes collectées lors du remboursement des obligations arrivant à échéance. Les traités européens interdisent à la BCE d’acheter des titres de dette publique directement auprès des États. En revanche, il est possible pour la BCE d’acheter des obligations souveraines sur le marché secondaire.
Selon une étude de l’OFCE, les banques centrales de la zone euro ont acheté 58 % des emprunts publics émis en 2020 (73 % pour la France) et ce qui les a amené à détenir 25 % du stock de dettes publiques à la fin de l’année (23 % pour la France) (voir ci-dessus).
Mise en oeuvre du PEFP
Le PEPP vise donc à injecter des liquidités au sein des systèmes bancaires et financiers de la zone euro. Pour cela, la BCE achète les titres grâce à de la création monétaire – il s’agit ici de la création de « monnaie banque centrale » – et crédite les comptes courants que les établissements de crédit détiennent auprès d’elle (schéma suivant).
Fonctionnement du PEFP
Les titres ainsi acquis apparaissent donc à l’actif du bilan consolidé de l’Eurosystème. En contrepartie, les engagements de la BCE envers les établissements de crédit, figurant au passif de ce bilan, augmentent. Depuis la mise en place en mars 2020 du PEPP, le montant de titres financiers détenus par l’Eurosystème dans son ensemble a augmenté de 35 %. Ils représentaient début 2021 environ 3 900 milliards d’euros. Dans le même temps, les comptes courants des établissements de crédit passaient de 1 884 à 3 489 milliards d’euros, soit une augmentation de 85 % (schéma suivant).
Évolution de l’Eurosystème
En dépit de la quantité considérable de monnaie mise en circulation par les banques centrales, qui s’est traduit par le gonflement de la taille de leurs bilans, l’inflation est restée proche de zéro et les risques de déflation n’étaient pas nuls jusqu’à 2021. La monnaie ainsi créée était pour l’essentiel conservée par les banques sur leurs comptes courants auprès des banques centrales, en partie parce que les nouvelles règles prudentielles les y incitent.
Mais pour F. Ecalle du site FIPECO, la croissance de la masse monétaire et la faiblesse des taux d’intérêt peut se traduire par une hausse, parfois de nature spéculative, du prix des actifs tels que les actions, les devises, les biens immobiliers, les matières premières, voire les obligations publiques. La faiblesse des taux d’intérêt incite en effet les investisseurs à choisir des placements présentant des rendements plus élevés sans toujours en mesurer les risques. Or l’explosion de ces « bulles spéculatives » peut entraîner des crises très dommageables à l’économie réelle comme sur les prix de l’immobilier aux États-Unis lors la crise de 2008-2009 , qui se sont formées sous l’effet de la politique monétaire expansionniste de la réserve fédérale américaine au cours des années précédentes. La hausse du prix des actifs a en outre pour effet de renforcer la concentration du patrimoine et d’accroître les inégalités.
Le financement, direct ou indirect, des administrations publiques par les banques centrales à des taux négatifs peut en outre inciter les gouvernements à toujours repousser les efforts nécessaires pour stabiliser la dette publique et en assurer la soutenabilité. Il reste en effet à savoir comment rembourser ces nouvelles dettes? En augmentant les impôts ? En pariant sur la croissance, et donc sur les futurs excédents budgétaires ? En faisant «rouler la dette», c’est-à-dire en empruntant pour rembourser ce que l’on doit déjà ? Ou, tout simplement, en en annulant une partie (voir ci-dessous) ?
D’ailleurs le retour de l’inflation de près de 10% en 2022 dans la zone euro a amené les banques centrales à réagir en prenant deux types de mesures : d’une part, le relèvement des taux à court terme qu’elles contrôlent (les taus d’intérêt réel restent toutefois négatifs); d’autre part, l’arrêt de leurs achats de titres (fin du « quantitative easing »). Mais La BCE a créé un nouvel instrument de protection de la transmission » (IPT) de la politique monétaire. Il lui permettrait en pratique d’acheter, sans limite, des titres émis par un Etat confronté à une dégradation de ses conditions de financement non justifiée par les « fondamentaux » du pays. Mais les pays du nord de l’Europe ne pouvaient pas accepter que la BCE apporte un soutien illimité à un État au seul motif que ses conditions de financement se détériorent sans que ce soit justifié par ses « fondamentaux », notion trop floue. En conséquence, ils ont obtenu que la BCE prenne en considération un ensemble de critères macroéconomiques et budgétaires.
2/ Vers la monnaie volontaire ?
« Par certains aspects, ces turbulences monétaires ressemblent à l’effervescence du XIXe siècle pendant lequel les innovateurs de l’époque, hérauts du banking principle, réclamaient un système monétaire adapté aux besoins d’une économie en forte croissance, qu’ils voulaient libérer de la contrepartie en or de la monnaie, alors que les conservateurs, défenseurs du currency principle, s’accrochaient à la traditionnelle définition métallique de la monnaie. Finalement le banking principle a triomphé, aboutissant au mode bancaire de création monétaire et au désencastrement définitif de la monnaie vis-à-vis de sa contrepartie en or ou en argent » (voir J. Couppey-Soubeyran et P. Delandre, 2021 https://laviedesidees.fr/La-monnaie-volontaire#:~:text=%E2%80%93%20Le%20mode%20volontaire%20serait%20r%C3%A9serv%C3%A9,et%20sociale%20du%20d%C3%A9veloppement%20durable.).
« Aujourd’hui, la politique monétaire se trouverait dans une nouvelle situation où le mode bancaire de création monétaire par le crédit reste la référence officielle mais où, en réalité, c’est le mode acquisitif (de titres) qui est en action (voir ci-dessus). Avec la prépondérance du second sur le premier, n’assiste-t-on pas à un désencastrement progressif de la monnaie vis-à-vis de la dette au sens où le crédit bancaire (contrat de dette) n’est plus la source exclusive de la monnaie des banques commerciales de même que le prêt de liquidité centrale (contrat de dette) n’est plus la source exclusive ni même principale de la monnaie centrale ? »
» Le paysage monétaire est ainsi agité. Les banques centrales ont radicalement transformé leurs modalités d’action depuis le milieu de la décennie 2010 en recourant massivement à ces pratiques d’assouplissement quantitatif dans le cadre de leurs «politiques non-conventionnelles» Des nouveautés monétaires comme les cryptomonnaies ou les monnaies locales ont fait leur apparition, tandis que certains économistes développent différentes propositions (comme la monnaie hélicoptère, les dons de monnaie centrale, …) visant à réformer le système monétaire, notamment pour faire face aux nouveaux enjeux – et nouvelles urgences! – sociaux et environnementaux ». Telle est le cas de la transition énergétique estimée à minima à 2% du PIB mais probablement plus. Certains investissements liés à cette transition ne seront toutefois pas rentables et donc ne pourront donner lieu à l’octroi de prêts aux agents privés ».
« Les défis de l’humanité se multiplient. Réaliser la transition écologique, restaurer la biodiversité, adapter les infrastructures publiques, vaincre l’injustice sociale, garantir l’emploi et assurer un minimum vital seraient autant de priorités et de besoins auxquels l’ordre marchand ne saurait pas répondre. Pour les partisans de cette réforme monétaire, la transformation du mode d’émission de la monnaie le pourrait en revanche ».
« La monnaie émise serait libérée de toute contrepartie financière (ni remboursement à effectuer ni titre à posséder pour y avoir accès) et serait donc permanente. Ce serait un don monétaire. Le secteur bancaire et financier n’en serait plus le seul bénéficiaire direct, car cette monnaie serait directement distribuée aux ménages, aux entreprises ou aux États, et servirait à donner à la société les moyens de sa transformation écologique et sociale (création de monnaie, dite « démocratique » ou « volontaire ») – ce que la monnaie actuellement encastrée dans la dette bancaire, et de ce fait temporaire, échouerait à faire. La gouvernance d’un tel mode d’émission serait très différente de celle des banques centrales, rompant avec leur indépendance, et installant un dialogue entre toutes les parties prenantes (banque centrale, trésor, parlementaires, ONG, scientifiques, etc.). Mais l’institut d’émission gouverné par ce dialogue ne remplacerait pas la banque centrale, il la compléterait, car son mode d’émission viendrait s’ajouter à ceux qui existent et non pas s’y substituer totalement ».
Le nouveau mode d’émission proposé n’est donc ni le fait de banques privées refinancées par une banque centrale indépendante comme c’est aujourd’hui le cas, ni étatique comme le voudraient les partisans de la théorie monétaire moderne. Mais ce nouveau mode d’émission de monnaie, sous forme de don peut-il lui aussi augmenter sans limites ? Les économistes (notamment de la Banque de France) pointent du doigt le fait que cette création de monnaie volontaire s’apparente plus à une politique budgétaire que monétaire : la Banque centrale disposant d’actifs gouvernementaux à faible rendement et de fonds propres en diminution, devrait être nécessairement renflouée par l’État. N’est ce pas typiquement une politique budgétaire? De plus assurer le financement d’investissements environnementaux non rentables est une chose. Créer de la monnaie « gratuite » certes en petite quantité (mais que veut dire « petite quantité »?) pour satisfaire les autres objectifs mentionnés ci-dessus est un programme beaucoup plus vaste même si les défenseurs de la théorie de la monnaie volontaire précisent que les impôts doivent continuer d’être payés ne serait-ce que pour assurer une certaine redistribution.
En 2021, la charge d’intérêts de la dette publique, c’est-à-dire la dette consolidée de l’ensemble des « administrations publiques », s’est élevée à 34,5 Md€ en France hors frais bancaires (38,1 Md€ avec ces frais), soit 2,6 % des « recettes publiques » (2,9 % avec frais) ou 1,4 % du PIB (1,5 % avec frais). En 2022, la charge d’intérêts est de 53,2 Md€ soit une croissance de 39,8% par rapport à 2021.
Les économistes surveillent le spread entre la France et l’Allemagne. Un spread de taux mesure l’écart, exprimé en points de base, entre deux taux ou deux rendements. Il est, par exemple, très utilisé pour étudier l’évolution des conditions de financement de différents États, en particulier la France. Il s’agit alors de comparer le taux d’intérêt effectivement exigé d’un pays par les investisseurs à celui d’un étalon de référence. Dans le cas de la zone euro, du fait de l’importance de l’économie allemande et de la stabilité de ses finances publiques, ce sont les obligations allemandes qui jouent ce rôle de benchmark. Cette comparaison à un étalon de référence présente l’intérêt d’éclairer sur les changements en ce qui concerne les conditions de financement propres à l’économie étudiée.
Par exemple; à la date du 9 juin 2022, les taux d’intérêt exigés par les prêteurs sur les obligations à 10 ans allemandes et italiennes (ils sont les instruments les plus utilisés par les États pour se financer). étaient respectivement de 1,4 % et de 3,6 % . Prêter à l’Italie était donc considéré comme plus risqué par les investisseurs, qui exigaient donc une rémunération plus élevée. Le spread était de : 2,2 (3,6 – 1,4), soit 220 points de base. L’augmentation de la valeur de ce spread s’interprète, quant à elle, comme une dégradation plus marquée des conditions de financement de l’Italie que de celles de l’Allemagne.
Mais l’écart de rendement entre les obligations françaises et allemandes à long terme a grimpé vendredi 14 juin 2023 à 80 points de base (pb), en réaction aux incertitudes liées aux élections législatives anticipées décidées par Emmanuel Macron dimanche 9 juin. Le rendement de l’OAT française à 10 ans ressort à 3,174%, tandis que son équivalent allemand recule fortement, de plus de 12 pb, à 2,366%. En comparaison, le rendement des obligations souveraines de même échéance de la Grèce , un pays qui était l’épicentre de la crise des dettes en Europe en 2009, s’affichait à 3,64%.
1/ L’évolution de la charge d’intérêts et ses déterminants
Le « taux apparent » de la dette publique au cours d’une année N est le rapport entre la charge d’intérêts des administrations publiques (APU) constatée cette année N et le montant de la dette publique à la fin de l’année N-1 [7]. Par définition du taux apparent, la charge d’intérêt en N est donc égale au produit de celui-ci par la dette à la fin de N-1.
Le taux apparent de l’année N dépend du taux auquel les emprunts de l’année N sont émis mais aussi, et surtout, des taux de tous les emprunts émis au cours des années antérieures et qui n’ont pas encore été totalement remboursés. En conséquence, l’impact d’une baisse (ou d’une hausse) des taux d’intérêt des nouveaux emprunts sur la charge d’intérêt de la dette publique est très progressif. Plus précisément, il est immédiat sur la charge de la dette à court terme et sur celle de la dette qui couvre le déficit de l’année en cours, mais le taux des dettes à long terme émises dans le passé, et donc le taux apparent, n’est modifié que progressivement au fur et à mesure de leur renouvellement. Or la durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État en octobre 2022 est de 8,6 ans et certains emprunts ont des échéances à 50 ans.
Au total, une hausse au 1er janvier de 100 points de base de tous les taux d’intérêts, c’est-à-dire sur toute la « courbe des taux » qui donne à chaque instant le taux d’intérêt en fonction de la durée de l’emprunt, entraînerait une augmentation de la charge d’intérêt de la seule dette négociable de l’État (76 % de la dette publique), en comptabilité nationale, de 2,4 Md€ la première année, de 6,0 Md€ la deuxième, de 16,3 Md€ la cinquième et de 31,4 Md€ la dixième. Une baisse des taux a des effets symétriques.
Impact d’une hausse de 100 points de base de tous les taux sur la charge d’intérêt de la dette négociable de l’État (en milliards d€)
Le taux apparent de la dette dépend aussi de l’inflation car le capital d’une partie des emprunts de l’Etat (10 % de la dette négociable en octobre 2022) est indexé sur l’inflation constatée en France ou dans la zone euro. Chaque fois que les prix à la consommation augmentent de 1 %, le capital de ces emprunts est majoré de 1 %, de même que les intérêts dus, ceux-ci étant égaux à un pourcentage fixe du capital indexé. La comptabilité nationale, comme la comptabilité budgétaire, provisionne dès l’année N l’impact de l’inflation de l’année N sur le capital et les intérêts dus jusqu’au remboursement de la totalité du capital.
En conséquence, si le taux d’inflation augmente de 1 point en France et dans la zone euro une année N, la charge d’intérêts de l’État augmente de 2,5 Md€ (5,0 Md€ pour une hausse des prix de 2 %…).
Le projet de loi de finances pour 2023 explique ainsi la hausse de 13,1 Md€ de la charge d’intérêts de l’État (en comptabilité budgétaire) prévue pour 2022 :
– une hausse de 1,3 Md€ du fait de l’augmentation de l’encours de la dette ;
– une diminution de 0,8 Md€ du fait de la baisse du taux d’intérêt apparent (hors inflation) ;
– une hausse de 12,6 Md€ due au fait que l’inflation prévue, et donc la charge d’indexation, est plus forte en 2022 qu’en 2021.
2/ L’évolution des intérêts de la dette en France en % du PIB jusqu’en 2021
a) Quelle est la quantité de dette publique ? Comment la mesurer ?
La difficulté peut se résumer ainsi : si l’État emprunte 100 aujourd’hui et s’il doit rembourser 105 dans un an (à un taux d’intérêt de 5 %, donc) la dette publique est-elle de 100 ou de 105 ? Le chiffre 100 est le montant emprunté, le chiffre 105 est le montant qu’il faudra rembourser. La mesure de la dette publique actuelle, notamment celle retenue par le Traité de Maastricht1, repose sur le choix assumé de considérer 100 et non 105. Il faut s’arrêter sur les arguments en faveur de 100 puis ceux en faveur de 105 [9].
Si le rôle de l’estimation de la dette publique est de mesurer les désajustements budgétaires de l’État, c’est-à-dire ses besoins de financements, alors le choix de 100 est le plus pertinent. On mesure alors le déficit public (qui peut inclure le remboursement de dettes passées) sans tenir compte des évolutions futures des taux d’intérêt, qui peuvent varier dans le temps et entre les pays. Dans le cas européen, il permet d’introduire des règles d’endettement (le critère de 60 % de dette rapportée au PIB).
Le choix des 105 est un choix différent, basé non pas sur les déséquilibres budgétaires de chaque année mais sur les besoins de financement futurs. Si l’on veut prévoir les impôts, les charges d’intérêt dans le budget de l’État, en un mot le coût de la dette publique, le montant de 105 est bien plus pertinent que le montant à l’émission de 100.
En effet ce qui serait essentiel pour les finances publiques est le coût de la dette, pas son montant. Pour bien représenter cette différence, les deux graphiques suivants présentent la dette de la France, au sens de Maastricht (graphique gauche), et les charges d’intérêt de la dette publique rapportées au PIB (graphique droite) qui représentent le coût pour les finances publiques de la dette publique. Ce coût est la charge d’intérêt totale sur la dette publique payée par l’État français. Le graphique gauche représente un stock de dettes rapporté au PIB, qui est un flux de richesse annuel. Cette mesure ne donne aucune indication du coût effectif de la dette publique. Le graphique droite est le coût des intérêts sur la dette publique rapporté au PIB. C’est donc un ratio de deux flux, ce qui est bien plus cohérent. Ce second graphique distingue l’effet de la détention de dettes publiques par le système européen des banques centrales.
La difficulté révélée par les deux graphiques est manifeste : la mesure de la dette au sens de Maastricht est croissante, alors que le coût effectif de la dette, qui est l’élément pour mesurer la charge fiscale de la dette publique est décroissant. La divergence entre les deux mesures provient de la baisse tendancielle du taux d’intérêt sur la dette publique. Cette baisse des taux d’intérêt est un argument puissant pour repenser la mesure de la dette publique. Il faut se concentrer sur le graphique droite et non le
graphique gauche.
Dette publique de la France rapportée au PIB en pourcentage (graphique gauche). Charges d’intérêt sur la dette publique en France rapportée au PIB en pourcentage (graphique droite)
On peut calculer deux taux :
La maturité moyenne (nombre d’années moyen entre l’émission de l’obligation et son remboursement) de la dette française serait entre 7 et 8 ans. Il faut plusieurs années pour que les taux bas sur les nouvelles émissions se transmettent au taux apparent. Le taux des nouvelles émissions étant bien inférieur au taux apparent, une baisse du taux apparent est à attendre.
En effet, le coût pour les finances publiques de la dette n’est pas la dette elle-même, mais d’abord les charges d’intérêt sur la dette. Si un État veut stabiliser sa dette à 100 et que le taux d’intérêt est 5 %, il devra émettre 100 euros de dette chaque année et payer seulement 5 % d’intérêt : il rembourse 105 chaque année en émettant 100 de dettes et paie 5 euros avec des recettes fiscales. Le coût de la dette pour les finances publiques est donc indéfiniment de 5. Qu’en est-il quand les taux d’intérêt baissent et deviennent négatifs. Si le taux d’intérêt est -1 %, l’État emprunte 100 et doit rembourser 99. Il gagne donc 1 euro chaque année . Cela a t-il un sens de considérer de la même manière 100 euros de dette quand les taux d’intérêt sont de 5 % et quand ils sont de -1 % ?
b) Les différents ratios de la charge d’intérêt
Le tableau ci-dessus de la dette représentait un stock de dettes rapporté au PIB, qui est un flux de richesse annuel. Cette mesure ne donne aucune indication du coût effectif de la dette publique. Le graphique suivant représente le coût des intérêts sur la dette publique rapporté au PIB. C’est donc un ratio de deux flux, ce qui est bien plus cohérent.
La mesure de la dette au sens de Maastricht est croissante (60,5% du PIB en 1999; 99% en 2019 et 112,5% en 2021), alors que le coût effectif de la dette, qui est l’élément pour mesurer la charge fiscale de la dette publique est décroissant du moins jusqu’en 2020. La divergence entre les deux mesures provient de la baisse tendancielle du taux d’intérêt sur la dette publique.
Comme le montrent les deux graphique suivants, le rapport entre la charge d’intérêts des APU et le PIB a nettement décru depuis 1996, (alors qu’il a progressé de 1978 à 1996) et la décision de faire entrer la France dans la zone euro, malgré une augmentation quasi-continue, et particulièrement forte depuis 2008, du ratio dette publique / PIB. En effet, le taux apparent de la dette publique a enregistré une très forte baisse sur cette période, de 6,6 % en 1996 à 1,25 % en 2020. De 2010 à 2020, la charge d’intérêt a baissé de 20 Md€ alors que la dette a augmenté de 770 Md€ de fin 2009 à fin 2019.
En 2021, la charge d’intérêts s’est accrue toutefois de 5,0 Md€, principalement en raison de l’impact d’une inflation plus forte sur la charge d’indexation des OAT indexées. En conséquence, le rapport de la charge d’intérêts au PIB est remonté à 1,4 % et le taux d’intérêt apparent de la dette est revenu à 1,30 %.
La charge d’intérêts de la dette publique en %
3/ Solde primaire et solde primaire stabilisant
Le graphique suivant montre la charge d’intérêts de la dette publique dans les principaux pays européens en pourcentage du PIB en 1997 et 2021. Cette charge a partout diminué (moins au Royaume-Uni) grâce à une forte réduction du taux apparent de la dette publique et, le plus souvent, malgré une forte augmentation de cette dernière.
En 2021, la charge d’intérêts de la France est légèrement inférieure à la moyenne de la zone euro ou de l’Union européenne grâce à un taux apparent plus faible, son endettement étant supérieur à la moyenne de ces pays.
Après quelques hésitations, la BCE s’est engagée dans la bataille contre l’inflation. Depuis le mois de juillet 2022, l’augmentation cumulée des taux directeurs s’élève à 250 points de base. Cette progression est la plus forte constatée depuis la création de l’euro en 1999 sur une période aussi courte. Ce processus s’est poursuivi en 2023.Les taux des obligations d’État à dix ans qui ont été négatifs de 2010 à 2021 sont remontés à plus de 2,5 % en 2022. La remontée des taux pose pour certains États, notamment ceux d’Europe du Sud, la question de la soutenabilité de leur dette publique. Celle-ci est assurée quand le taux d’intérêt réel à long terme, calculé avec le prix du PIB, est inférieur à la croissance potentielle.
L’écart entre la croissance potentielle et le taux d’intérêt réel à long terme est positif pour les Pays-Bas (3,10), la Belgique (2,55) l’Allemagne (1,92) et la France (1,16). Il est négatif pour l’Italie (-1,49), la Grèce (-0,28) et pour l’Espagne (-0,05). La poursuite de la hausse des taux par la BCE peut donc poser des problèmes pour l’Italie et la Grèce. Ces dernières doivent dégager des excédents primaires importants (solde budgétaire avant imputation des intérêts de la dette publique) pour éviter une dérive des taux.
Plus les taux progressent, plus les pays confrontés à un problème de solvabilité de leurs dette publique devront réduire leur déficit primaire voire dégager des excédents primaires. Ils sont contraints de mettre en œuvre des politiques budgétaires restrictives.
La charge d’intérêts de la dette publique dans l’UE en % du PIB
La dette publique, rapportée au PIB, augmente si le solde public, également rapporté au PIB, est inférieur à un certain niveau appelé « solde stabilisant » (voir encadré).
En outre, quand le taux d’intérêt moyen du stock de dette est supérieur au taux de croissance du PIB en valeur, la dette s’accroît indéfiniment sous le poids des charges d’intérêt si le « solde public primaire », c’est-à-dire hors charge d’intérêt, reste inférieur à un certain solde primaire appelé « solde primaire stabilisant ». La dette gonfle alors à la manière d’une boule de neige qui se transforme en avalanche, d’où l’appellation « effet de boule de neige » pour désigner ce phénomène.
Le solde primaire public désigne la situation budgétaire des APU pour une période donnée hors paiement des intérêts pour l’encours de sa dette durant cette période. il est utilisé en particulier dans l’analyse de la dynamique économique de l’endettement public pour connaître le solde budgétaire permettant de stabiliser ou de diminuer l’endettement.
Le solde primaire constitue un indicateur important de la situation budgétaire d’un pays et des risques d’évolution non contrôlée de l’endettement public. Il dépend de l’évolution des recettes (impôts et prélèvements) et des dépenses décidées par les pouvoirs publics. Le montant des intérêts dépend, pour sa part, des taux d’intérêt sur la dette passée et du montant de celle-ci.
Le taux d’endettement (c’est-à-dire la dette publique exprimée en pourcentage du PIB) augmente lorsque la somme du déficit primaire et des intérêts versés augmente plus vite que la croissance du PIB. Tant que le taux d’intérêt moyen sur la dette est inférieur au taux de croissance du PIB, un déficit primaire reste compatible avec le maintien du niveau d’endettement public stable. Mais si le taux d’intérêt est supérieur à la croissance, il faut un excédent primaire pour maintenir au même niveau le taux d’endettement public (encadrés suivants).
Lorsque le taux d’intérêt apparent de la dette est égal au taux de croissance du PIB, ce qui est le cas dans certains modèles théoriques de croissance à long terme, le solde primaire stabilisant est nul.
Si son taux d’intérêt apparent est supérieur au taux de croissance du PIB, la dette augmente indéfiniment si le solde primaire reste inférieur au solde primaire stabilisant. C’est l’effet de boule de neige de la dette : elle s’auto-alimente du fait de l’accumulation des charges d’intérêt.
Pour arrêter cette croissance auto-entretenue de l’endettement, il faut relever le solde primaire jusqu’au niveau du solde primaire stabilisant mais, plus la dette est déjà élevée, plus le solde primaire stabilisant est important.
En conséquence, lorsque l’endettement est entré dans un processus d’emballement auto-entretenu, plus les mesures nécessaires pour l’arrêter sont prises tardivement, plus elles doivent être de grande ampleur.
En 2020, la croissance nominale du PIB a été négative et le solde stabilisant était un excédent de 4,7 % du PIB alors que le solde publict a été un déficit de 9,0 % du PIB. En conséquence, la dette a fortement augmenté.
En 2021 et 2022, la valeur du PIB a fortement rebondi et le solde stabilisant était un déficit de 9,0 % puis 6,2 % du PIB alors que le solde public était un déficit de 6,5 % puis 4,7 % du PIB. En conséquence, la dette a diminué sur ces deux années.
Le solde des administrations publiques et le solde stabilisant la dette en % du PIB
4/ La remontée des taux d’intérêt en 2022-2023
Jusqu’à l’automne 2021, certains économistes pensaient qu’un montant élevé de la dette n’est pas trop perturbant tant que les taux d’intérêts sont bas, voire négatifs. Une hausse de 30 points du ratio de dette sur PIB, par exemple de 65 % à 95 % comme pour la France lors de la crise des subprime de 2007 à 2015, auraient dû conduire à une hausse des taux d’intérêt réels de 1 point (qui est 30*0,033 %). Cependant les taux d’intérêt réels ont baissé de 2,8 % à 0,8 % pendant cette période. Cette baisse des taux d’intérêt réels indique que la hausse de l’épargne privée mondiale a plus que compensé la hausse des dettes publiques, malgré leur hausse spectaculaire. Ainsi, il y a eu une tendance mondiale à la hausse du taux d’épargne et à une baisse du taux d’intérêt depuis 2000.
On montre que l’accroissement du déficit public se fait soit par un accroissement de l’épargne privée du pays (des ménages et des entreprises), soit par une chute de l’investissement privé, soit par l’endettement du pays auprès du reste du monde et une dégradation de la balance courante. Ce dernier effet est connu sous le nom de « théorie » des déficits jumeaux : un déficit public primaire conduirait à un déficit de la balance courante, c’est-à-dire un endettement international du pays (voir page échanges extérieurs). Cet aspect n’est d’ailleurs pas le seul : le déficit public entraîne souvent une hausse de la consommation donc des importations. En outre, la relation peut être dans l’autre sens : un excédent commercial comme en Allemagne permet de financer les dépenses publiques.
La baisse des taux d’intérêt jusqu’en 2021 indique que c’est la hausse de l’épargne mondiale qui a plus que compensé l’accroissement de l’endettement public. De nombreux pays ont un accroissement de l’épargne nette supérieur à l’investissement sur la période 2008-2017. En d’autres termes, la hausse de l’épargne domestique est un phénomène mondial. Elle provient des phénomènes structurels comme le vieillissement des populations, l’augmentation des inégalités dans certains pays, l’émergence de classes moyennes à taux d’épargne plus élevé, l’incertitude macroéconomique, entre autres.
La crise de la Covid-19 a conduit à une croissance de l’épargne des ménages (voir page Reprise économique fragile). Le revenu des ménages a été relativement stabilisé en France par une hausse importante de l’endettement public et des mécanismes comme le chômage partiel, le fonds d’indemnisation des indépendants, entre autres. L’épargne des ménages s’est accrue de quelques 90 milliards et l’investissement global a décru de 7,5 % en 2020. En 2021, la première n’a baissé que de 31 Mds tandis que le second augmentait de 14%.
Cette baisse tendancielle des taux d’intérêt et leur très faible niveau jusqu’en 2021 ne garantissaient pas pour autant qu’un mouvement de défiance envers certains titres souverains ou un phénomène de panique ou surtout un retour de l’inflation en 2022 ne conduisent à une augmentation soudaine des taux, et à un retour d’une crise des dettes souveraines comme cela s’est produit en 2009-2012 [10].
Les taux d’intérêt ont commencé à remonter en 2022.
a) Les éléments fournis dans le Programme de stabilité
Le Gouvernement avait prévu à l’été 2022 que les charges d’intérêts sur la dette des APU, qui étaient de 29,5 milliards d’euros en 2020 et 34,7 milliards d’euros en 2021, atteindraient 46,3 milliards d‘euros en 2022. Il est précisé dans le programme de stabilité : « La hausse de la charge d’intérêt serait particulièrement marquée en 2022 du fait de l’impact de la hausse de l’inflation sur les titres indexés. L’impact de la hausse des taux se matérialiserait à partir de 2023 et serait graduel. »
La chronique d’évolution des taux d’intérêt serait la suivante pour le Gouvernement :
Niveau de fin d’année des taux d’intérêt
En conséquence, la charge d’intérêt sur la dette, d’après le programme de stabilité, augmenterait de 35 milliards d’euros en 2021 (1,4 point de PIB) à 46,3 milliards d’euros en 2022 (1,8 point de PIB) avant de légèrement baisser en 2023 pour s’établir à 43,9 milliards d’euros (1,6 point de PIB) puis augmenterait régulièrement pour atteindre 65,7 milliards d’euros en 2027 (2,1 points de PIB). L’explication du fléchissement en 2023 est double : (1) le taux d’intérêt moyen sur la dette arrivant à échéance est élevé pour cette année-là et le différentiel avec le taux d’intérêt à long terme qui prévaudra à ce moment-là est relativement faible, (2) le reflux de l’inflation (en zone euro et en France) devrait aboutir à une baisse du surcoût des obligations indexées sur l’inflation.
Évolution de la charge d’intérêt sur la dette publique selon le programme de stabilité
Le Gouvernement a donné également quelques éléments sur les effets d’une hausse de 1 point de l’ensemble des taux d’intérêt à court et moyen terme sur la charge d’intérêt de la dette de l’État
Effet de la hausse de 1 point des taux d’intérêt début 2022 sur la charge d’intérêt (en milliards d’euros)
b) Quelques projections à l’horizon de fin 2027
Dans l’hypothèse d’un épisode inflationniste provisoire en résultant totalement de la hausse des prix de l’énergie et de la guerre en Ukraine, un retour rapide à la normale dès 2024 est envisagé. L’inflation reviendrait aux alentours de 2% par an pour le reste de la période. La hausse des taux d’intérêt courts serait donc limitée et les taux longs n’auraient pas besoin d’augmenter très sensiblement pour présenter un rendement réel acceptable. Avec ce scénario, la dette publique atteindrait 3554 milliards d’euros en 2027 (113,7% du PIB) et les charges d’intérêt seraient légèrement inférieures à 71 milliards d’euros (2,3% du PIB). Alors que les charges d’intérêt ont progressé de plus de 12 milliards d’euros entre 2021 et 2022, avec notamment un supplément de charges d’intérêt de 9 milliards d’euros provenant de l’indexation d’une partie de la dette sur l’inflation, elles ne progresseraient que de 0,4 milliard d’euros entre 2022 et 2023 (le programme de stabilité envisage même une légère baisse en 2023).
Taux d’intérêt à 3 mois et à 10 ans avec l’hypothèse d’une inflation sous contrôle
Dans le scénario d’une inflation « persistante », (l’épisode inflationniste a été amplifié par la hausse des prix de l’énergie et la guerre en Ukraine mais a également des racines plus profondes, notamment de la politique monétaire ultra expansionniste menée partout dans le monde pendant de nombreuses années), le retour à la normale serait donc plus long et nécessiterait une intervention plus forte de la BCE en matière de taux directeurs. L’inflation reviendrait aux alentours de 3% par an en fin de période, comme si la BCE avait acté que sa cible d’inflation de 2% était désormais une contrainte trop forte pour les économies européennes. La hausse des taux d’intérêt courts serait donc assez prononcée et rapide et les taux longs augmenteraient un peu plus sensiblement que dans le scénario d’une inflation « sous contrôle », pour présenter un rendement réel acceptable.
Taux d’intérêt à 3 mois et à 10 ans avec l’hypothèse d’une inflation persistante
Avec ce scénario d’une inflation persistante, la dette publique atteindrait 3658 milliards d’euros en 2027 (110% du PIB) et les charges d’intérêt seraient légèrement supérieures à 93 milliards d’euros (2,8% du PIB). On peut même imaginer que la trajectoire de redressement du déficit public est assez optimiste et qu’une charge de la dette à 120 milliards d’euros pourrait tout à fait être atteinte. Dans ce scénario, on ne constate pas le fléchissement de la hausse de la charge d’intérêt en 2023. La baisse des charges d’intérêt pour la dette indexée est plus faible et le taux d’intérêt moyen sur la dette arrivant à échéance en 2023 (2,32%) reste inférieur au taux long que nous retenons (3%).
1/ Pourquoi la dette publique devrait rester un sujet économique de premier plan ?
Les français seraient moins préoccupés par la dette publique avec les hausses des prix. Beaucoup de nos concitoyens, de bonne foi, ne comprennent pas pourquoi le gouvernement refuserait des dépenses d’un milliard, alors qu’on a su facilement en trouver soudain des centaines pendant la crise du Covid 19. La dette serait devenue sans limites et sans coût.
« Selon le directeur de la Banque de France, cette double illusion, si séduisante, est aujourd’hui notre plus grand danger : ce qui était une réponse exceptionnelle à des circonstances exceptionnelles ne doit pas devenir un « nouveau normal » https://www.banque-france.fr/intervention/la-soutenabilite-de-la-dette-francaise-entre-hausse-des-taux-et-regles-europeennes ».
La trajectoire de la dette serait quasi stable sur toute la période, à un niveau élevé (112,5 points de PIB en 2027). Mais ne risque-t-elle pas d’atteindre 120% en 2027 ? « La situation des finances publiques de la France continuerait ainsi de se dégrader par rapport aux autres pays comparables de la zone euro ».
La trajectoire prévue de la dette publique française en % du PIB
Or selon les projections de la Banque de France, « la dette publique française resterait au mieux quasi-stable autour de 110% du PIB d’ici à 2032 à politique budgétaire inchangée. Clairement, ce n’est pas suffisant pour assurer durablement la soutenabilité budgétaire. Il faudrait se fixer un objectif plus ambitieux : un retour d’ici dix ans nettement sous 100% du PIB, et sous le niveau pré-Covid. Ceci devrait notamment passer par une augmentation des dépenses en volume ramenée chaque année à 0,5%, contre plus de 1% sur la décennie précédente ; ceci permettrait une réduction du ratio d’endettement d’une quinzaine de points sur dix ans (graphique suivant). Ceci serait pleinement compatible avec le jeu des stabilisateurs automatiques, pour tenir compte de la conjoncture. Ceci s’entend bien entendu sans nouvelle baisses d’impôts, que nous n’avons guère les moyens de financer ».
2/ Quelle politique face à l’explosion de la dette publique ?
a) Peut on laisser la dette augmenter ?
Ainsi, la dette publique ne peut pas augmenter indéfiniment car, à partir d’un certain niveau d’endettement, les créanciers de l’Etat commencent à douter de sa capacité à emprunter suffisamment pour pouvoir toujours rembourser ses dettes anciennes et financer son déficit. Dans ses conditions, ils estiment prendre un risque en continuant à souscrire à ses emprunts et ajoutent une « prime de risque » au taux d’intérêt qu’ils exigent pour continuer à y souscrire. Cette hausse des taux d’intérêt ne peut cependant qu’aggraver le déficit et la dette et renforcer les craintes des créanciers.
La prime de risque est donc de plus en plus forte ; la dette s’emballe et devient incontrôlable ; certains créanciers finissent par refuser de prêter à l’État , même à des taux très élevés. La crise financière se termine par un défaut de paiement, L’État ne trouvant plus les financements nécessaires pour rembourser ses dettes, ce qui renvoie aux observations précédentes.
Le seuil d’endettement au-delà duquel se déclenche une crise des finances publiques est impossible à déterminer précisément parce qu’il dépend de nombreux paramètres mal connus et souvent spécifiques à chaque pays et à chaque période.
Le Japon n’a jamais éprouvé de difficultés pour financer son déficit et rembourser une dette publique atteignant 235 % du PIB fin 2019 (données de l’OCDE), alors que l’Espagne a connu une grave crise de ses finances publiques avec un endettement public de 120 % du PIB. L’explication en est, pour partie, que l’Espagne était fortement endettée vis-à-vis du reste du monde en 2010 alors que le Japon détient des actifs nets considérables sur les autres pays. La position globale de l’ensemble des agents économiques du pays vis-à-vis de l’extérieur importe autant que celle de l’État ou des administrations publiques. C’est la théorie des déficits « jumeaux » (ou doubles déficits). Ils ne sont pas totalement liés (exemple du Japon),mais quand même.
Que se passe-t-il en France ? La dette publique peut grimper, mais ce qui compte réellement pour l’État, c’est la charge annuelle d’intérêts qu’il doit décaisser. Les intérêts à payer sur la dette, il faut les sortir, c’est du concret, et cette charge est en train d’exploser avec la remontée des taux d’intérêt. Les temps bénis des taux zéro sont finis,; ils se sont achevés en 2020 (moins de 30 milliards d’euros à payer), la charge d’intérêts sur la dette atteindrait 75 milliards d’euros en 2027 selon le ministère de l’Économie.
À ce niveau, la charge d’intérêts engloutit plus de 20% des recettes, rendant ainsi le retour à l’équilibre budgétaire impossible et la simple maîtrise du budget extrêmement difficile. Le dérapage devient incontrôlable. Cette réalité n’échappe pas aux agences de notation qui devaient rendre leur verdict. Une dégradation de la note de la France renforcerait la défiance des investisseurs, obligeant le pays à proposer des taux d’intérêt encore plus élevés pour écouler sa dette…
Les 10 milliards d’économie annoncés le 19 février 2024 (d’ailleurs assez vaguement documentés) seraient déjà insuffisants, il faudrait donc aller beaucoup plus loin. Comment ? En diminuant quels postes ? Pour le gouvernement, tout est « prioritaire » : l’éducation, l’agriculture, l’aide à l’Ukraine, la transition écologique,….. Mais le gouvernement aurait peut-être une idée : puiser dans l’épargne des ménages dont le taux reste très élevé. « L’argent des Européens dort au lieu de travailler ». Il faudrait le mobiliser pour la croissance de l’économie et – c’est aussi l’idée – celle des rentrées fiscales.
b) Mutualiser les dettes publiques nationales ?
Il existe un débat important entre les pays européens pour savoir si l’Europe peut émettre une dette européenne qui finance des investissements de reconstruction des économies après la crise du coronavirus. Pour comprendre ce débat, il faut aussi comprendre la différence entre mutualisation et mutualisation avec solidarité.
Si l’Europe émet une dette commune quel que soit l’émetteur (la Banque Européenne d’Investissement, le Mécanisme Européen de Stabilité, l’Union Européenne) et que les pays se financent à partir de cette dette commune en fonction de leur poids en Europe, il y a simplement mutualisation. Les pays en plus grande difficulté (l’Italie par exemple) ne peuvent pas obtenir davantage de financement; ils bénéficient simplement d’un taux d’intérêt plus faible que s’ils émettaient de la dette de leur pays.
S’il y a mutualisation avec solidarité, ce qui déplait à plusieurs pays du Nord de l’Europe, les pays plus en difficulté peuvent se financer davantage que les autres à partir de cette dette commune, ce qui leur permet par exemple de rattraper leur retard d’investissements, publics ou privés.
c) Certains économistes (dont ceux de la Banque de France) optent pour le remboursement des dettes
Comme l’indique le site de FIPECO, « si un État ne rembourse pas ses dettes ou n’en paye pas les intérêts à ses créanciers (autres que la banque centrale, traitée plus loin), il risque de ne trouver plus personne pour lui accorder de nouveaux prêts. Si son solde primaire (hors charge d’intérêt) est déficitaire, ce qui est généralement le cas des États qui font défaut sur leur dette, il ne peut alors plus payer son personnel, ses fournisseurs, les prestations sociales… sauf à augmenter très vite les prélèvements obligatoires ».
« Il doit alors souvent faire appel à des institutions internationales qui jouent le rôle de prêteur en dernier ressort, comme le FMI ou le mécanisme européen de stabilité (MES) dans la zone euro (l’intervention de la banque centrale est traitée plus loin). Leur aide financière n’est cependant pas illimitée et elle n’est pas sans contrepartie, la principale étant la mise en œuvre de mesures de rééquilibrage des comptes publics souvent douloureuses pour la population et traduisant une perte de souveraineté. Celle-ci réside en effet pour une large part dans le pouvoir de lever l’impôt et d’en affecter le produit aux dépenses votées par le Parlement ».
« Les créanciers de l’État considéré peuvent néanmoins restructurer leurs créances (en différant le remboursement du principal et/ou en réduisant le taux d’intérêt) et continuer à le financer s’il arrive à les convaincre que cela leur coûtera moins cher que de perdre la totalité de leurs créances. Un créancier qui a des objectifs de court terme peut préférer éviter une perte immédiate importante et se contenter d’une faible probabilité de récupérer son capital à long terme si ses créances sur cet État représentent une part importante de ses actifs. Or les entreprises privées ont souvent des objectifs de court terme et les états ont souvent pour horizon les prochaines élections. L’ampleur de la restructuration dépend aussi de la crédibilité des mesures de redressement annoncées et des mécanismes de coordination entre les créanciers, chacun d’eux ayant intérêt à laisser les autres restructurer leurs créances et à ne faire aucune concession ».
« Il est donc très difficile de prévoir le résultat de ces négociations et l’importance des mesures de redressement imposées à l’État défaillant, d’une part, et des pertes des créanciers, d’autre part. En outre, ces pertes sont souvent largement répercutées par les créanciers (banques, compagnies d’assurances, fonds de pension ou autres états) sur leurs clients ou contribuables. Comme les établissements financiers d’un pays ont souvent beaucoup de créances sur leur propre État , les ménages de ce pays peuvent beaucoup y perdre. Si les créanciers de l’État sont étrangers, ce sont les ménages des autres pays qui perdent ».
« L’État défaillant ne peut se financer de nouveau normalement que lorsque sa politique économique rassure les acteurs des marchés financiers ou lorsque ceux-ci oublient son défaut de paiement, ce qui peut prendre beaucoup de temps ».
Tant que des créanciers prêtent de l’argent, le problème du remboursement ne se pose pas. Mais une annulation de la dette ne pourrait-elle pas engendrer un scénario « à l’argentine », avec une inflation incontrôlable, c’est-à-dire une perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix, telle que celle qu’avait connue le pays au début des années 1990 ?
d) Annuler la dette ?
L’annulation de la dette est la suppression unilatérale ou concertée d’une partie ou de la totalité d’une dette publique ou d’une dette privée. Les pays qui se sont trouvés dans l’impossibilité de rembourser leur dette publique au cours de l’Histoire ont parfois eu recours à l’annulation de leur dette. La prégnance des enjeux liés à la tenue des finances publiques aux xxe et xxie siècles a conduit à la mise en place de mécanismes de négociation et de rééchelonnement de la dette publique.
Une dette est contractée par un individu, une institution ou un État en vue d’effectuer des paiements (de consommation, d’investissement) que l’entité n’aurait pas pu réaliser sans l’apport supplémentaire de monnaie. Des pays dont les finances publiques ne sont pas à l’équilibre budgétaire doivent ainsi lever des fonds, auprès de sa population ou auprès d’institutions financières, afin de financer son déficit public , souvent très élevé comme durant la crise du Covid.
Un État qui ne peut ou ne veut bénéficier de dispositifs spéciaux – des clubs de coordination de créanciers, comme le Club de Paris, ont ainsi été créés pour aider à la restructuration des dettes des pays du tiers monde au xxe siècle -, à leur rééchelonnement, peut décider une annulation de dette, c’est-à-dire de ne pas rembourser la dette qu’il doit aux créditeurs. La puissance publique étant souveraine, nul ne peut le contraindre légalement à rembourser des emprunts qui ont été contractés. L’État décide ne pas rembourser aix banques les obligations qu’elles ont souscrites auprès de lui.
De très nombreux économistes ou hommes politiques sont intervenus pour réclamer soit l’annulation de la dette publique détenue par les Banques Centrales, soit l’émission par les États de dette publique de maturité très longue ou même perpétuelles, l’idée étant de réduire autant que possible le champ de la dette publique après la crise du coronavirus.
Ils reprennent l’argument précédent que les dettes publiques européennes sont détenues par des créanciers privés. Mais la BCE en a racheté une partie, environ 25%, ce qui correspond à 2.600 milliards d’euros. Or, la BCE est au même titre que les États une institution publique. «La BCE et les États seraient la main droite et la main gauche d’un même corps. Donc, devoir de l’argent à la BCE quand on est un État, ce serait comme si on se devait de l’argent à soi-même. Ce serait absurde». Et si c’est absurde, autant l’annuler. La suppression de cette dette permettrait de soulager en partie les finances des membres de l’Union Européenne. La BCE s’engagerait à effacer les dettes publiques qu’elle détient (ou à les transformer en dettes perpétuelles sans intérêt), tandis que les États s’engageraient à investir les mêmes montants par exemple dans la reconstruction écologique et sociale.
Mais on peut se demander si ces propositions ont un ’intérêt puisqu’une dette publique irréversiblement achetée par une Banque Centrale est de facto annulée? L’annuler explicitement serait une complication inutile et de plus pourrait créer un mouvement de panique chez les investisseurs. Les Banques Centrales reversent tous leurs profits aux États. Si une Banque Centrale détient de la dette publique du pays (pour la France, c’est bien la Banque de France qui achète la dette publique de la France pour le compte de la BCE), elle reverse à l’État les intérêts sur cette dette publique qu’elle reçoit : la dette publique détenue par la Banque Centrale est gratuite pour l’État. De plus, si la Banque Centrale s’engage à ne jamais réduire la taille de son bilan, cette dette publique devient non remboursable. En effet, la Banque Centrale ne revend jamais la dette détenue et la renouvelle à l’échéance. Une dette publique gratuite et non remboursable est évidemment de fait annulée.
Annuler la dette écarterait deux risques : celui d’un retour à l’austérité. Ensuite, cela couperait cours à la crainte que pourraient avoir les contribuables, d’impôts nouveaux ou augmentés pour rembourser la dette. Autrement dit, une annulation de dette supprimerait les deux tensions qui risquent de prolonger la dépression économique et d’approfondir la déflation.
Mais l’annulation de la dette signifie surtout, pour le créancier, la perte pure et simple de l’argent prêté, et donc une baisse de la confiance de la banque ou de l’institution prêteuse vis-à-vis de celui qui a failli au remboursement. L’annulation de la dette trahit la confiance des prêteurs vis-à-vis de l’État qui annule ses créances. L’annulation de la dette peut aussi pousser les États semblables à celui ayant reçu l’exonération à augmenter leurs créances, se sachant possiblement couvert à l’avenir.
En Europe, il existe une ligne de fracture sur ce sujet entre les États membres. Les pays du Nord, au premier rang desquels figure l’Allemagne, s’opposent à cette annulation de dette (voir ci dessous). Un pays fortement endetté est plus facile à contraindre, à soumettre, qu’un pays qui ne l’est pas. Annuler une dette, c’est perdre l’usage de cette pression.
Michel Braibant
[3] https://fipeco.fr/fiche/Le-montant-et-l%C3%A9volution-de-la-dette-publique, voir aussi https://www.fipeco.fr/fiche/Les-d%C3%A9finitions-du-d%C3%A9ficit-et-de-la-dette-publics voir aussi https://www.fipeco.fr/commentaire/La%20situation%20des%20finances%20publiques%20en%202021, voir aussi https://www.fipeco.fr/commentaire/Les%20solutions%20du%20probl%C3%A8me%20des%20dettes%20publiques, voir aussi https://www.fipeco.fr/fiche/Leffet-de-boule-de-neige-et-le-solde-stabilisant-la-dette
[5] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6447748, voir aussi https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-datasets/-/SDG_17_40,
[8https://www.insee.fr/fr/statistiques/2830286, voir aussi https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/dettes-publiques-les-banques-centrales-a-la-rescousse/ voir aussi https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/analyse-des-47-de-la-dette-publique-francaise-detenue-par-des-etrangers#:~:text=La%20dette%20publique%20d%C3%A9tenue%20par%20la%20Banque%20de%20France&text=%C3%80%20la%20fin%20du%20second,France%20atteignait%20719%20milliards%20%E2%82%AC, voir aussi https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/crises-economiques/crise-economique-covid-19/la-dette-publique-et-la-politique-de-la-bce-face-a-la-pandemie-de-covid-19/, voir aussi https://fipeco.fr/fiche/Larticulation-des-politiques-budg%C3%A9taire-et-mon%C3%A9taire
[9] Plus ou moins de dette publique en France? OFCE, 27 janvier 2021, https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2021/OFCEpbrief84.pdf
[10] https://www.economie.gouv.fr/cedef/dette-publique, voir aussi https://www.fipeco.fr/fiche/Pourquoi-faut-il-r%C3%A9duire-la-dette-publique-%3F, voir aussi https://www.fipeco.fr/fiche/Pourquoi-faut-il-r%C3%A9duire-la-dette-publique-%3F