
Tableau entrées-sorties mondial
Le Tableau entrées-sorties (TES) a de multiples finalités : calculer le l’évolution du PIB en volume, étudier la structure de production des branches, l’utilisation des biens et des services, mesurer les échanges extérieurs par pays. Son dérivé, le TES symétrique permet d’éclairer sur les contenus en importations ou les chaînes de valeur mondiale qui mesurent la valeur ajoutée de chaque pays dans les échanges mondiaux, etc.… Au début des années 2000, Eurostat a lancé un groupe de travail pour harmoniser les méthodes d’élaboration entre pays afin de permettre les comparaisons internationales et d’avoir un TES européen. Ce travail a été poursuivi à l’ONU en 2018 par la rédaction d’un manuel.
Présenter les méthodes de chaque pays pour évaluer le PIB, élaborer des comptes de l’industrie et d’autres branches ou calculer des indices de prix et de volume, comparer les compte satellites et environnementaux, etc…, sont des objectifs de ce site. Mais il a aussi pour objet de faire des comparaisons entre pays sur des questions d’actualité telles que désindustrialisation, financiarisation, dépenses publiques, économie numérique, transition énergétique,…. L’essentiel est de rester ici en phase avec l’actualité économique.
Toute étude économique doit s’appuyer sur de telles comparaisons. Toutefois les méthodes spécifiques à chaque pays pour évaluer telle ou telle opération ou classer telle ou telle unité institutionnelle, leur interprétation particulière des manuels de comptabilité nationale, rendent parfois difficiles ces comparaisons. En outre, depuis 2009 et surtout 2020 la mondialisation s’est ralentie surtout avec la pandémie. Tandis que le repli des nations sur elle-même s’est affirmée. Mais demain le besoin d’harmoniser les méthodes et d’élaborer un TES mondial et d’autres tableaux de la comptabilité nationale reviendront peut être au premier plan. Le nombre important de formations internationales sur ces sujets en est la preuve.
Supply and Use Table (SUT) has multiple purposes :to calculate GDP in volume, to study production structure by industries and uses of goods and services, to measure external trade by countries. Its derivative, Symmetric input output table (SIOT) shed light on imports contents,the world value chains whichmeasure value added of each country in world trade, … At the early 2000s, Eurostat launched a task force to harmonize compilation methods between countries in order to do international comparisons and to get an European SUT. In 2018 this work went on at United Nation ; a guide was written.
Presenting each country’s methods to estimate GDP, compiling manufactured goods and other industry accounts ,calculating price and volume indices of each product, comparing satellite accounts or environmental accounts …, are some of the objectives of the site. But its also focuses on topical issues such as de-industrialisation, financialization, public expenditures, digital economy, energy transition…. The main issue is to keep up with the economic news.
Every economic study has to be based on such comparisons. However, specific methods used by each country to evaluate this or that transaction or classification of each institutional unitand their own interpretation of international guidesmake these comparisonssometimes difficult. Moreover, since 2009 and especially 2020due to thepandemic, globalization has slowed down. While withdrawal of nations into themselves has raised. But to morrow harmonizing methods and developping a wordwhile SUT may be a priority. The high number of international training courses on this topic seems a proof of this.
° J’ai passionnément aimé la comptabilité nationale : ses concepts, l’élaboration des comptes, les formations en France et à l’étranger, les missions dans d’autres pays pour apprendre leurs méthodes comptables, les réunions internationales pour y présenter des documents ou animer des sessions des conférences Input-Output tous les 4 ans.
° « Nul n’est prophète en son pays ». J’ai bien tenté d’orienter l’élaboration du tableau entrées-sorties (TES) selon le modèle des autres pays par secteur d’activité (regroupant les entreprises ayant la même activité principale) et non par branche (composée d’unités de production homogènes produisant un même produit), de mettre en place des outils utilisés à l’étranger pour estimer les agrégats importants de ce tableau, telle la formation brute de capital fixe (équivalent de l’investissement en comptabilité d’entreprise). Je suis économiste et pas technicien. L’informatique prend d’ailleurs beaucoup de temps aux comptables nationaux. L’idéal serait sans doute de trouver un équilibre entre l’informatique, le traitement automatisé des données statistiques et l’économie. Cet équilibre a-t-il été trouvé ?
° Et puis les comptes nationaux ont évolué au fil du temps. D’une comptabilité approfondie des branches d’activité économique au moment où la fresque historique du Système productif est publiée par l’Insee en 1974, ils ont suivi d’autres priorités : le court terme (les comptes trimestriels) et les finances publiques sous la houlette de l’Office Statistique (Eurostat) de l’Union Européenne et du respect des critères de Maastricht. Les comptes financiers et de patrimoine ont aussi été développés au fil du temps (page Comptes financiers et non financiers). Dans sa définition la plus simple, la récession correspond à deux trimestres de suite de diminution du PIB. Il est normal que ce dernier soit calculé à travers les comptes trimestriels. De même il est normal que l’outil statistique vérifie si les critères de convergence sont respectés. Mais Eurostat publie en parallèle de multiples études thématiques avec des tableaux commentés. Or c’est l’énergie (électricité, gaz, énergies renouvelables) qui arrive largement en tête des sites les plus consultés.
° La désindustrialisation sans précédent en France (le solde extérieur des échanges de biens avec les pays de l’UE atteint 130 milliards d’euros de déficit en 2021), la crise de l’énergie, les questions environnementales, la mesure de la qualité des services publics,…. sont aussi des questions économiques de premier plan. Mais les comptes nationaux n’y répondent pas vraiment soit par manque de moyens sachant qu’il faut répondre aux objectifs précédents (pour appliquer la méthode économétrique des comptes trimestriels, il vaudrait mieux soi-disant conserver un TES en branche : on estime la variation de la production de la branche automobile à partir des immatriculations de voitures neuves – voir méthode page Reprise économique fragile), soit par conservatisme, soit enfin parce que les experts diront que ce n’est pas l’objectif des comptes nationaux d’y répondre. L’Insee a aussi privilégié la rétropolation de séries longues, remontant jusqu’en 1978, voire 1949, pour améliorer la qualité des régressions. Mais à quoi sert la Comptabilité nationale ?
° Qu’est-ce qui est important ? Des statistiques des finances publiques trimestrielles que publie Eurostat ou/(et) des comptes annuels les plus parfaits possibles sur l’industrie, l’environnement, l’énergie, la santé voire d’autres branches ? Des indicateurs à court terme ou/(et) des données correctes annuelles sur les échanges extérieurs de biens et surtout de services quand on sait qu’il y a un écart de 10 milliards d’euros en 2021 entre le solde du commerce extérieur des comptes nationaux et celui de la Balance des paiements des services (qu’on ne retrouve pas de cet ampleur dans les autres pays)? Pourrait-on dire quelles sont les objectifs importants à moyen terme de l’économie (la société) française ? N’est-ce pas une priorité de rédiger une vingtaine de pages simples sur l’énergie et/ou l’industrie en présentant tous les aspects (et pas seulement les prix) et bien entendu des comparaisons internationales ?
° Ne peut-on satisfaire plusieurs objectifs économiques en même temps ? Le déficit et la dette publique (112,5% en 2021) sont suivis de près (page Dette publique). La confiance des agents économiques et des marchés financiers en dépend aussi en grande partie. La dépense publique représente 59% du PIB en 2021, ratio le plus élevé au monde hormis le Brésil (page Dépenses publiques en Europe). Mais ces deux agrégats sont liés aussi à la croissance (recettes fiscales) et au solde du commerce extérieur. Si il est positif, la dette publique est allégée. De même, une bonne situation financière des entreprises entraîne moins de dépenses de l’État (subventions, crédits d’impôts,..) et plus de recettes fiscales. On a choisi de ne pas nous limiter aux questions « prioritaires » des comptes nationaux actuels.
1/ Menu « concepts et méthodes »
° Notre propos est d’abord de définir les méthodes pour évaluer les opérations (flux et stocks) à partir des concepts de comptabilité nationale. Gardons d’ailleurs à l’esprit qu’elle n’est pas une science exacte. Il peut y avoir des discussions sur l’interprétation des manuels internationaux. On l’oublie trop souvent. Les différentes méthodes de calcul du produit intérieur brut (PIB) dans les principaux pays « pilotes » en comptabilité nationale sont là pour le montrer.
° Une fois définies une ou deux méthodes d’évaluation, on passe au chiffrage. Mais assez vite se pose la question de voir comment font les autres pays pour évaluer tel ou tel agrégat ? Aboutit-on à des résultats proches ou très différents même si chaque pays a ses spécificités économiques ? Recherchant des comparaisons internationales, on ne doit pas hésiter à se demander si celles-ci ont un sens ? Les classifications des unités institutionnelles sont-elles les mêmes ? Les tableaux sont-ils comparables ? Aussi on fait une étude approfondie des pratiques françaises et étrangères ainsi que des sources et des données. Il s’agit de les préciser avec le souci de les améliorer ponctuellement.
° On lira d’abord les « inventaires RNB » de ces pays « pilotes » qui explicitent leur calcul du PIB. On ira sur les bases de données françaises et internationales quitte à modifier certains chiffres même de manière imparfaite quand on a de bonnes raisons de le faire pour permettre les comparaisons entre pays. Les méthodes de ces modifications sont bien entendu précisées. Cette solution vaut mieux que comparer des données non homogènes ou ne rien comparer.
° Ce blog aborde d’autres aspects de la comptabilité nationale comme les comptes de secteurs institutionnels, le tableau économique d’ensemble, les comptes de patrimoine, les finances publiques, etc… Donner une formation de comptabilité nationale, c’est d’abord fournir un maximum d’exemples fictifs pour aider à mieux comprendre les concepts et méthodes.
2/ Menu « méthodes et résultats »
° Au-delà des concepts et des méthodes, la seconde partie propose des techniques de comparabilité internationale et des résultats. En effet, il existe bien des manuels internationaux pour élaborer les comptes. Mais ils ne rentrent pas dans le détail, ne tiennent pas compte des sources statistiques de chaque pays. De plus, ils doivent renvoyer vers d’autres manuels sur des questions précises comme la mesure complexe des variations de stock ou des chaînes de valeurs mondiales. Et puis, il est utile de faire le lien entre les manuels et les pratiques de chaque pays. Avant, il existait des notes de méthode (notes de base) en France. Elles ont quasiment disparu. Il est de nouveau utile de comparer les résultats (en niveau ou en ratio) des différents pays même si les structures économiques sont différentes.
° Donner une formation de comptabilité nationale, c’est présenter ses principaux tableaux et se focaliser sur les données importantes. Puisse-t-on choisir les bons ratios et nuancer les conclusions qu’on fait souvent au regard des chiffres. De nombreux ouvrages ont traité de l’intérêt et des limites des comparaisons internationales, des méthodes les plus pertinentes à propos de telle ou telle question économique et des erreurs à éviter dans les démarches comparatives.
° Cette seconde partie aborde les comptes de toutes les branches de l’économie (agriculture, énergie, industrie, construction, commerce, transport, services, environnement, recherche-développement, santé, éducation, tourisme, etc…), ceux des secteurs institutionnels (administrations publiques, ménages, sociétés financières, …). Ce sont des efforts orientés, l’un après l’autre, pour décrire à la fois les méthodes et les résultats.
° Car à quoi bon faire des comptes si ce n’est pour faire des études ? C’est en faisant des études sur ses propres comptes que l’on prend conscience de certaines fragilités. Il n’est pas nécessaire de faire des études approfondies mais de rappeler d’abord les principales évolutions et structures en France et si possible à l’étranger. Une analyse synthétique de l’énergie, si peu développée, ne se ramène pas ainsi à la hausse des prix même si c’est la question la plus préoccupante du moment. Il faut y préciser des notions comme le taux de dépendance énergétique, le mix énergétique ou les économies d’énergies et les mesurer dans chaque pays. D’autres questions comme le traitement des déchets nucléaires ou le maintien ou non du marché européen de l’énergie sont essentielles.
3/ Menu « résultats et études économiques »
° La troisième partie aborde des questions économiques actuelles : comment la désindustrialisation s’est opérée dans les différents pays (page Désindustrialisation par pays et page Diversité tertiaire) ? Quel est le solde du commerce extérieur ? Comment la financiarisation a-t-elle évolué ? Comment le revenu des ménages a-t-il varié par niveau de vie ? Quelle est la part du secteur tertiaire ou du numérique dans l’économie ? La dépense publique a-t-elle augmenté dans tous les pays ? Quelle est la proportion de l’investissement incorporel ? Les schémas des chaînes de valeurs mondiales sont-ils toujours les mêmes depuis les crises de 2009 et 2020 ? La crise économique liée à la pandémie de covid-19 devrait renforcer ce besoin d’analyse de ces questions (page Crises économiques et comptabilité nationale).
° On s’efforcera de décrire les principaux résultats en France et à l’étranger, spécifiques à chaque sujet. Mais l’économie est un tout : une dépense publique élevée en France ne peut être analysée sans oublier la spécificité du système de retraites et de redistribution, voire la désindustrialisation ou le déficit chronique des échanges extérieurs. Donner une formation de comptabilité nationale c’est décliner les évolutions économiques significatives et les analyser.
° J’ai cherché à équilibrer les thèmes plutôt que d’approfondir tel ou tel. J’ai tenté de faire un inventaire des études en France et à l’étranger sur chacun d’entre eux dans un souci de vulgarisation. Mais la démarche est aussi de vérifier les conclusions de ces études ou d’en trouver d’autres. Que ce soit une illusion, c’est possible et même probable.
° Le problème au seuil de cette troisième partie était de relier les méthodes, les résultats et les ratios pertinents. Quand on fait une étude sur la financiarisation, est-ce qu’on peut comparer les taux de marges (excédent brut d’exploitation / valeur ajoutée) des sociétés non financières de tous les pays européens ? Est-ce qu’on peut comparer les dividendes distribués par celles-ci aux ménages ?
° Certains me reprocheront ce besoin de comparabilité pour faire une analyse économique. Mais à quoi bon s’intéresser en France au ratio des dépenses publiques rapportées au PIB sans le regarder dans tous les pays du monde ? Après c’est une autre question que de savoir si la comparabilité de ce ratio a un sens ou bien si les unités sont classées de manière homogène ? Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, le salarié passe souvent par un fonds de pension pour financer ses retraites : cela représente moins d’argent comptabilisé dans les dépenses publiques qu’en France. En Allemagne et aux Pays-Bas, les hôpitaux ne sont pas classés dans les administrations publiques : raison de plus pour trouver une méthode de comparabilité.
° Mais pour le moment, je n’ai pas trouvé de moyens plus appropriés pour dégager quelques observations économiques dans ces domaines et bien d’autres. Certes la plupart des régimes sont aujourd’hui proches du modèle capitaliste, à quelques exceptions près, mais avec des nuances. On peut se demander à quoi bon étudier les inégalités par pays ? Mais justement elles ne sont pas de même ampleur dans le monde. Le choix des pays est d’ailleurs important (grands et/ou petits pays, pays pionniers en comptabilité nationale,…). Sans faire injure aux autres pays, on a extrait souvent les données de 16 pays « pilotes » en matière de TES au niveau mondial. Pour d’autres ratios (dépenses publiques ou de santé / PIB, taux de marges des entreprises), ces comparaisons ne devraient pas aussi se limiter à l’UE. En outre, elles ne peuvent à elles seules orienter la politique économique d’un pays à moins d’avoir une vision générale de l’économie. Celle-ci forme un tout. Ici aussi, ceci n’empêche pas de lire les théoriciens de la pensée économique.
I – INTRODUCTION
Au fil des pages, et d’un domaine à l’autre, prend ainsi forme le dessein de décrire les méthodes des comptes en France et à l’étranger et les principaux résultats et études économiques.
On présente ici les méthodes de confection du TES, appelé tableau de ressources-emplois (TRE) à l’étranger. On les schématise par des exemples fictifs (des tableaux excel sont insérés dans les pages) pour faciliter la compréhension. Il s’agit de les comparer aux recommandations internationales et aux comptes de chaque pays pour voir si la méthode française est plus ou moins appropriée.
L’analyse des méthodes conduit à celle du système productif : l’agriculture (page Comptes agriculture), l’industrie (page Comptes de l’industrie), l’énergie (page Comptes de l’énergie), les services marchands (page Comptes des services), la construction (page Comptes de la construction), la R&D (page Compte de la recherche développement), l’environnement (Compte Environnement), les compte satellites de la santé, l’éducation, le tourisme, etc,… (page Comptes satellites). Il s’agit ainsi de comparer les différences de ratios et d’évolutions entre les agrégats français et étrangers. Quelle est la nature exacte de telles différences? On n’en sait parfois rien.
Prenons un exemple : si la productivité du travail de la construction baisse de -0,5% par an depuis 1995 en France (comme dans d’autres pays : États-Unis, Italie, Espagne, Autriche,..) alors qu’elle augmente légèrement dans l’U.E. (+0,4% par an), c’est peut être lié à un partage volume-prix approximatif. Mais c’est peut être aussi le reflet de la réalité. Celle ci peut se situer entre ces deux évolutions. Et demain, d’autres études pourront confirmer cette baisse alors que nous avons choisi de vérifier ce chiffre. Ce sont ces comparaisons qui conduisent à s’interroger sur les chiffres même si chaque pays a ses structures productives spécifiques et ses méthodes comptables.
La productivité horaire du travail ne baisse plus (+0,1% par an entre 2010 et 2018 avec un net regain depuis 2014 : +1,8% par an). Mais elle augmente de +0,9% dans l’UE. Ceci montrerait les difficultés du partage volume-prix : chaque logement construit est différent. A moins qu’il ne s’agisse d’une mesure approximative des heures travaillées, notamment du travail dissimulé, supposé stable dans le temps en proportion du travail mesuré. On trouve une explication partielle de cette évolution : les investissements en volume par la construction sont à peine plus élevés en 2017 qu’en 2010.
Une publication de l’Insee du 9 juillet 2010 sur l’indice du coût à la construction (ICC) précise que celui-ci intègre désormais des normes énergétiques comme les réglementations thermiques car leur introduction ne correspond pas à un effet prix mais à un « effet qualité ». Cela remonte à l’abandon du métrage au profit d’un indice hédonique. Cette méthode consiste à établir à partir d’un modèle économétrique, une relation entre le prix du marché de construction et les caractéristiques de l’ouvrage, ceci permettant d’évaluer la valeur implicite de ces différentes caractéristiques. L’effet qualité est supposé être capté en mesurant l’évolution des caractéristiques entre deux périodes : toutefois, le prix des logements varie souvent en fonction d’un trop grand nombre de caractéristiques, parfois difficilement observables dans les données, si bien que la mesure de l’effet qualité dans l’évolution des prix des logements demeure un exercice délicat.
Cette question à priori anodine ne l’ est pas tant que ça :
- 75% des français rêvent de vivre en maison individuelle.
- la crise des subprimes de 2007 a pour principale raison l’endettement sans fin des ménages pour acheter sa maison,
- le secteur du bâtiment et du logement représente 43 % des consommations énergétiques annuelles françaises et il génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) français.
Certaines pages sont liées entre elles. Par exemple, pour lire l’analyse des dépenses publiques (page Dépenses publiques en Europe), on se reportera aux pages Administrations Publiques, Dette publique, Comptes satellites et Richesse et consommation.
On se réfère principalement à trois bases de données : celle de l’INSEE, d’Eurostat et de l’OCDE. Cette dernière intègre plus de pays et parfois plus d’agrégats. Ces bases sont d’autant plus utiles que de nombreuses publications d’études conceptuelles, comptables et économiques les accompagnent. On ne dira jamais assez que le travail du comptable national est certes de s’appuyer sur les fichiers de bases pour élaborer les comptes, mais aussi de confronter les sources statistiques, de faire parfois des études sur son domaine, et de connaître si possible les méthodes étrangères.
Les séries de l’INSEE remontent à 1978, voire 1949 pour certaines. Les deux bases internationales sont disponibles depuis 1995 en valeur et en prix chaînés (page Vers des prix chaînés équilibrés ?). D’autres bases de données ont été utilisées françaises ou internationales (FMI, CNUCED,…).
Le TES français n’est pas vraiment comparable aux tableaux ressources-emplois (TRE) étrangers par secteurs d’activité ou par branches d’activité principale (voir page Tableau « ressources-emplois »). Celles-ci regroupent les unités d’activité économique au niveau local exerçant la même activité économique principale : la part de la valeur ajoutée (VA) industrielle en France, déjà faible, est ainsi minorée d’un point par rapport à celle des autres pays. Certes des ratios en niveau et en évolution (productivité du travail, taux de marge,…) sont plus comparables. Seuls les ERE par produits en ligne ne changent pas en théorie quand on passe du TES français aux TRE étrangers.
Notons d’autres différences de méthode qui rendent difficiles les comparaisons internationales. On peut citer:
- un calcul erronée de la FBCF en R&D en Suède,
- l’absence de marges de transports dans quelques pays dont l’Allemagne (Marges de transport),,
- des évolutions de prix des services aux entreprises et des télécommunications surprenantes au Royaume-Uni,
- une méthode de calcul de la correction CAF-FAB particulière en France (page Correction CAF-FAB), cohérente cependant avec le Système des Comptes Nationaux de l’ONU (SCN)
- traitement différent selon les pays des services achetés pour être revendus et plus généralement des doubles comptes (billets de transport des agences de voyage, immeubles des promoteurs,..),
- une méthode différente d’estimation de la FBCF en logiciels,
- une ventilation de la correction territoriale (dépenses touristiques) par produits dans certains pays et pas dans d’autres,…
Bref, les exemples ne manquent pas. À tel point qu’on peut se demander si la préparation d’une nouvelle base des comptes nationaux ne nécessite pas de connaître les méthodes des autres pays, sans pour autant les suivre. Ceci n’est pas facile même si Eurostat (l’office statistique de la Communauté Européenne) rassemble les « inventaires RNB » qui les explicitent. Celles du TES ont été présentées dans le Manuel « Supply and Use » publié par Eurostat en 2008 [1] (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page).
Au delà de ces aspects, trois questions économiques (parmi d’autres) étaient venues sur le devant de la scène durant ces dernières années. Ces questions sont souvent traitées dans ce blog.
II – COMMENT DÉFLATER DES SERVICES COMPLEXES SOUS L’EFFET DU NUMÉRIQUE ?
Dans le calcul des indices de prix, l’effet-qualité est compris dans l’évolution du volume et non du prix (voir page Mesure des volumes et des prix). Cet effet-qualité se pose pour les biens comme pour les services. On se demande si il est bien pris en compte autant quand la qualité s’améliore que quand elle se détériore ? Le calcul des indices de prix des biens semble s’intéresser surtout à l’amélioration de la qualité comme si celle-ci ne pouvait se détériorer avec des produits manufacturés dont le cycle de vie ne cesse de se réduire. La mesure de l’inflation devrait en tenir compte.
La mesure de cet effet se pose surtout dans les activités tertiaires. L’importance qu’elles ont prises en terme économique (80% des emplois) et social, les concepts et méthodes qu’on utilise, les statistiques dont on dispose, sont-ils adaptés pour apprécier les services modernes? Certes, des progrès ont été accomplis du fait des enquêtes sur les indices de prix auprès des producteurs (page Mesure des volumes et des prix). Mais les comptes nationaux ne retiennent, ce faisant, que des améliorations de la qualité de la production (« output »), par exemple à travers une « meilleure » appréhension du volume des produits « nouveaux ». On en garde ici le principe mais en élargissant l’objet à des indicateurs de qualité, afin d’avoir une idée du résultat (« outcome ») pour l’usager. Cette qualité peut être en effet appréhendée de différente manière comme dans l’éducation, la santé, ou dans d’autres services, chaque activité tertiaire ayant ses propres indicateurs. Mais il faudrait à l’avenir des études plus développées que des réponses fragiles à travers quelques tableaux et graphiques.
À cette complexité croissante, ne doit-il pas correspondre une diversité des approches statistiques ? Ne faudrait-il pas aussi mesurer la valeur des services « modernes » par la quantité de travail qui y est incorporée ou tout autre indicateur réel de leur activité, tel le résultat ? Les difficultés conceptuelles et pratiques que soulèvent ces approches alternatives ne peuvent empêcher que, au moins pour ces services, la question actuellement se pose.
Cette question est différente de la mesure du bien-être : le PIB ne tiendrait pas compte des dommages sur l’environnement : pollution et épuisement des ressources naturelles (page Compte Environnement). Il n’intègre ni le travail domestique, ni le travail bénévole. Il ne déduit pas les pertes correspondant à la destruction des richesses naturelles. Le résultat d’un service est, lui, beaucoup plus ponctuel et peut être plus chiffrable que la notion de bien-être plus vague : que signifie le bien-être d’une nation ? On dispose d’ailleurs d’une batterie d ‘indicateurs pour le quantifier, comme l’indice de développement humain (I.D.H.) (page PIB et bien-être). Le résultat d’un service, à travers la qualité, peut être intégré dans l’évolution du volume de ce service. Mais comment mesurer l’évolution de cette qualité dans chaque service (éducation, santé, services numériques, commerce, etc… ) ?
Il faut distinguer les services aux entreprises et ceux aux particuliers. Pour ceux-ci, le résultat est tout aussi important que la productivité. S’est-il amélioré malgré les hausses de la productivité du travail dans certains services privés aux particuliers (activités financières, assurances, mutuelles, téléphonie, …) ou dans les services administratifs? Des innovations, présentées comme telles par les entreprises ou les administrations, le sont elles vraiment pour l’usager? La plupart des services « modernes » aux particuliers (ceux dont la demande croît fortement, parfois de façon exagérée) ne sont plus personnalisés, avec un émiettement des responsabilités.
Le numérique a-t-il ainsi vraiment permis une amélioration de la qualité des services en France? Certes le numérique apporte des avantages appréciables comme des services quasi-gratuits (page économie numérique). Il développe des services informatiques très performants comme le « cloud-computing » : il permet notamment à une société, un ménage,… d’accéder à des ressources informatiques sur Internet (stockage, puissance de calcul, logiciels) plutôt que via sa propre infrastructure informatique.
Mais comment a évolué la qualité des services et des biens, depuis 20 ans? les erreurs de gestion, mêlées à des critères financiers ou des besoins d’économie, ne sont-elles pas en augmentation ? Les vérifications sont-elles moindres du fait de la numérisation (contrôle automatisé)? L’économie numérique, dont on vante tant les mérites, ne profite-t-elle pas à une minorité qui sait s’en servir, les autres se débrouillant comme ils peuvent? Les exemples ne manquent pas de services qui fonctionnent imparfaitement :
- modification d’adresse d’un usager sans changement de numéro de téléphone que l’opérateur gère mal,
- changement perpétuel de trop nombreux logiciels alors que l’usager n’a pas eu le temps de s’adapter au précédent,
- difficultés pour ceux qui n’ont pas internet de répondre aux demandes de l’administration et d’obtenir satisfaction,
- réponse très lente des entreprises privées et des administrations aux questions simples des usagers,
- distributions tardives voire inexistantes des proclamations électorales dans les boîtes aux lettres,
- temps anormalement élevé passé par l’usager devant l’ordinateur pour faire avancer un dossier,
- plusieurs mois d’attente pour refaire des papiers d’identité,….
D’ailleurs, certains économistes sont dubitatifs : dans certains produits numériques, les problèmes de mesure de la productivité seraient moins importants que ce que l’on suppose. Ils estiment que son ralentissement reflète probablement une véritable diminution du taux de croissance technologique plutôt qu’une erreur de mesure. En outre, les prix des activités numériques aussi bien les matériels informatiques que les télécommunications ont plus baissé en France que dans les autres pays entre 2000 et 2019. De même, les prix des logiciels évoluent moins vite que dans d’autres pays. Autrement dit si il y a un problème de mesure des évolutions des prix de ces activités, il n’est pas spécifique à la France. Sans compter que les prix de tous ces services, qui ne fonctionnent pas très bien, ne prennent pas en compte un effet-qualité négatif alors qu’ils le devraient.
Pourtant d’autres avancent que la croissance du PIB en volume serait sous-évaluée ou du moins non significative, allant pour certains jusqu’à rejeter ce calcul, considérant que la mesure des revenus est la plus correcte (approche « revenus » du PIB). D’une part, les évolutions de prix à qualité constante des services modernes ou des biens faits sur mesure seraient difficiles à connaitre, sous l’effet des produits de l’économie numérique.
D’autre part, les comparaisons internationales montrent de fortes divergences des prix de ces produits alors même que la diffusion de ces technologies laisserait supposer une certaine convergence des prix entre pays. Ces économistes pointent alors des divergences de méthode pour mesurer les changements de qualité de ces produits et se servent de l’écart entre pays dans la dynamique de prix comme étalon de l’erreur de mesure du partage volume‑prix.
Il est vrai que le partage volume-prix est devenu difficile dans une économie numérique et dans une économie où les biens se vendent en même temps que des services. Ainsi la production réelle des services de télécommunications aurait été largement sous‑estimée au Royaume Uni. La quantité de données transmises par réseau de télécommunications affiche une croissance exponentielle entre 2010 et 2017. Logiquement, cette forte amélioration devrait générer une forte hausse des volumes. Or la VA en volume de ces services a diminué de 8% sur cette période. La hausse des prix est de 3%. Des méthodes alternatives, prenant en compte la croissance de la consommation de données, aboutiraient à une forte baisse des prix.
On rappelle d’abord que l’indice de prix des biens ne prend en compte que les améliorations de la qualité, jamais leur détérioration. En outre une amélioration de la qualité d’un bien sous forme d’un produit nouveau ne donne souvent pas le choix au consommateur d’acheter le bien ancien.
Mais ne serait ce pas plus complexe que cela ? Qu’en est-il des autres pays qui continuent de calculer le PIB en valeur selon les approches « demande » et « production » puis à le calculer en volume voire en même temps qu’en valeur ? La crise de 2020 conduit certes à se poser des questions sur le calcul prioritaire d’un PIB en volume dans une économie qui produit de plus en plus de biens jetables et polluants, etc… . Les débats restent ouverts : calcul du PIB en terme de revenus uniquement en valeur ou bien calcul du PIB en volume selon les méthodes classiques, évaluation de la production des services non marchands en période de confinement, calcul de la productivité du travail dans une économie de télétravail, etc… (voir page Crises économiques et comptabilité nationale).
Sur les années précédant la crise de 2007-2009, on n’a pas assez fait le rapprochement qui s’impose entre la théorie et les évolutions des prix, notamment à travers les comparaisons internationales. Il apparaît ainsi que ces questions délicates de partage volume-prix existent dans tous les pays. Aussi, pour avoir une idée de la qualité du partage volume-prix en France, ne faut-il pas comparer les indices de prix avec ceux des autres pays? C’est ce qu’on fait pour les produits de l’économie numérique, la construction et les services (pages économie numérique, Partage Volume Prix).
Pour ces derniers, les prix relatifs de la valeur ajoutée (VA) des branches tertiaires par rapport à la VA des branches qui produisent des biens augmentent en France 2 fois plus vite que dans l’UE entre 1995 et 2018 (écart de 0,7% par an). Maiscette divergence provient en grande partie, non des prix des services, même si certains sont assez mal mesurés jusqu’en 2010 (éducation, services aux entreprises), mais des évolutions fortes des prix des consommations intermédiaires (CI) des produits industriels, qui sont consommés pour l’essentiel par les branches industrielles. Du coup, le prix de la VA (production – CI) de l’industrie-agriculture diminue de – 0,1% par an de 1995 à 2018 en France, évolution qu’on ne retrouve pas dans la majorité des pays : + 0,9% par an dans l’UE.
La question du partage volume-prix ne serait pas spécifique à la France. La croissance n’y serait pas sous-estimée relativement aux autres pays. Le calcul du PIB en volume à partir des approches « demande » et « production » est fait dans tous les pays, ce qui montre l’importance du PIB en volume dans les autres pays (voir page Calcul du PIB dans plusieurs pays). Il est admis que ce calcul a un sens. Mais il est aussi reconnu que le PIB n’est pas un indicateur de bien-être social et environnemental (page PIB et bien-être).
III – MESURER LA VALEUR AJOUTÉE DE CHAQUE PAYS DANS LES ÉCHANGES MONDIAUX ?
On schématise aussi à travers plusieurs pages (page Chaînes de valeur mondiales, page TES méthode mondiale) les différents projets (FIGARO pour Eurostat, TIVA pour l’OCDE) d’élaboration d’un TES mondial dont le but principal est notamment d’évaluer les chaînes de valeur mondiales (CVM), (« valeur ajoutée de chaque pays dans les échanges mondiaux de biens et services« ). Ceci n’est pas toujours facile : les données du commerce extérieur de chaque pays sont souvent insuffisantes quand elles ne se contredisent pas d’un pays à l’autre (asymétries).
De plus, les pratiques des multinationales qui créent des filiales dans des pays à fiscalité faible avec un ou deux salariés, mais avec une forte valeur ajoutée, modifient le PIB en valeur : cas irlandais en 2015, +34% (page PIB irlandais). Les salaires des informaticiens et des chercheurs sont bien enregistrés aux États Unis (approche « revenu » du PIB) mais les redevances de brevets et licences de reproduction de logiciel le sont en Irlande (approche « production »). Cette question illustre d’ailleurs celle de la mesure délicate du PIB par l’approche « production ». Certains lui préfèrent le calcul par l’approche « revenu ». Mais celle-ci ne permet pas de mesurer le PIB en volume.
La mondialisation économique a ainsi conduit à un monde plus connecté ayant des répercussions profondes sur les modes de production, le commerce international, les investissements étrangers, la croissance économique, le marché du travail et de nombreux autres secteurs de l’économie. L’augmentation des interactions transfrontalières et l’ouverture croissante des nations posent également des problèmes de mesure aux fournisseurs de données micro- et macroéconomiques, tandis que l’interprétation et l’application des statistiques deviennent elles aussi plus difficiles.
Du fait de la mondialisation, l‘importance des frontières légales nationales tend à s’estomper et il pourrait devenir plus difficile d’appliquer les définitions classiques distinguant entre les activités économiques internes (domestiques ou nationales) et externes (étrangères). Il est, dès lors, plus problématique, dans certains cas, de définir la ligne de démarcation entre les unités économiques résidentes et non résidentes — une distinction majeure pour les statistiques macroéconomiques. Une mutation permanente de la balance des paiements est ainsi requise, afin de pouvoir lire et dire les évolutions économiques contemporaines, et poser le cadre général des voies et moyens de la mondialisation.