Le PIB mondial

Le PIB est un des agrégats clés du SEC 2010. Il est un indicateur de l’activité économique totale sur un territoire économique ou même mondial (PIB mondial). Le PIB aux prix du marché peut être mesuré de trois façons:

1) selon l’optique de la production, en faisant la somme des valeurs ajoutées de toutes les activités de production de biens et de services et en y ajoutant les impôts moins les subventions sur les produits;

2) selon l’optique des dépenses, en faisant la somme de toutes les dépenses finales (consacrées à la consommation de la production finale de l’économie ou à l’accroissement de la richesse) et des exportations, dont on déduit les importations de biens et services;

 3) selon l’optique du revenu, en faisant la somme de tous les revenus obtenus dans le processus de production de biens et de services et en y ajoutant les impôts sur la production et les importations moins les subventions sur les produits.

Ces trois optiques reflètent également les différentes façons d’analyser le PIB en termes de composantes. La valeur ajoutée peut être ventilée par secteur institutionnel et par type d’activité ou branche d’activité, par exemple l’agriculture, l’industrie manufacturière, la construction, les services, etc. Les dépenses finales peuvent être ventilées par type: dépenses des ménages, dépenses finales des ISBLSM, dépenses finales des administrations publiques, variation des stocks, formation de capital fixe et exportations moins importations. Le total des revenus obtenus peut être ventilé par type de revenu: rémunération des salariés et excédent d’exploitation.

Une question est celle de la mesure du PIB à partir de 3 approches : « demande », « production » et « revenus » et de l’arbitrage entre celles-ci. Que ce soit en France ou dans les autres pays, l’arbitrage de la valeur ajoutée est essentiel lors de l’élaboration des 2 principaux tableaux de la comptabilité nationale, le TES en France appelé TRE (tableau ressources-emplois) dans le SEC 2010 et le TEE (tableau économique d’ensemble) des comptes des secteurs institutionnels ou CEI (comptes économiques intégrés) dans la SEC 2010. La valeur ajoutée (VA), variable sous-jacente au PIB, est la mesure de la création de valeur.

Le PIB mondial représente la valeur totale de tous les biens et services produits dans le monde sur une période donnée. Les chiffres du PIB mondial peuvent varier d’une année à l’autre en raison de divers facteurs économiques. Malgré la crise sanitaire qui avait fait chuter son niveau à 85.000 milliards de dollars en 2020, le PIB mondial a franchi la barre des 100.000 milliards de dollars pour la première fois en 2022.

 

GDP is one of the key aggregates in the ESA 2010. GDP is a measure of the total economic activity taking place on an economic territory, or even global (i.e. global GDP). There are three ways of measuring GDP at market prices:

(1) the production approach, as the sum of the values added by all activities which produce goods and services, plus taxes less subsidies on products;

(2) the expenditure approach, as the total of all final expenditures made in either consuming the final output of the economy, or in adding to wealth, plus exports less imports of goods and services;

(3) the income approach, as the total of all incomes earned in the process of producing goods and services plus taxes on production and imports less subsidies.

These three approaches to measuring GDP also reflect the different ways in which GDP can be considered in terms of  components. Value added can be broken down by institutional sector, and by the type of activity or industry which is contributing to the total, e.g. agriculture, manufacturing, construction, services, etc. Final expenditures can be broken down by type: household expenditure, NPISH final expenditure, government final expenditure, change in inventories, fixed capital formation and exports, less the cost of imports. Total incomes earned can be broken down by type of income — compensation of employment, and operating surplus.

 One question is that of the measurement of GDP from 3 approaches : « expenditure », « production » and « income » and the balanving between these. Whether in France or in other countries, tbalancing of value added is essential when compiling the two main tables of the national accounts, Tableau entrée sorties (TES) in France called supply and use table (SUT) in Economic system of Accounts (ESA 2010) and tableau économique d’ensemble (TEE) of institutional sector accounts, i.e. integrated economic accounts (IEA) in ESA 2010. Value added (VA), underlying variable of GDP, is the measure of value creation.

Global gross GDP represents the total value of all goods and services produced worldwide over a given period of time. Global GDP figures may vary from year to year due to various economic factors. Despite the health crisis which caused its level to fall to 85,000 billion dollars in 2020, global GDP crossed the 100,000 billion dollar mark for the first time in 2022,

 

 

 

«Bien qu’il soit difficile de trouver quelqu’un qui considère explicitement le PIB comme une mesure globale de la valeur , de nombreux projets ou politiques ont été justifiés par leur contribution à la productivité économique , ce qui est une façon de se référer à leur effet sur la croissance du PIB. C’est une manière implicite de proclamer cette mesure comme l’indicateur ultime d’une de la réussite d’une société», Clifford Cobb.

«La valeur ajoutée, la base du calcul du PIB donc, mesure la création de richesse lorsqu’une entreprise ou une administration produit un bien ou délivre un service. En additionnant toutes ces « valeurs », les statisticiens parviennent à montrer qui contribue à la production de richesse nationale et dans quelle mesure. Cela donne un gâteau (le PIB) découpé en 88 parts inégales, à savoir les branches d’activité économique recensées par l’Insee, comme la métallurgie, la construction ou encore l’édition.» Les Echos — Quel PIB, demain, en France ? | Les Echos

 

 

 

 

Sommaire

I – LES TROIS APPROCHES DU PIB

II – L’ARBITRAGE DU PIB EN FRANCE

III – DISCUSSION DE LA MÉTHODE FRANÇAISE PAR RAPPORT AUX AUTRES PAYS

IV – LE CALCUL DU PIB DANS LES COMPTES TRIMESTRIELS

V – LES AJUSTEMENTS DU PIB POUR EXHAUSTIVITÉ PAR PAYS

VI – COMMENT LE SEC 2010 A MODIFIÉ LES PRINCIPAUX AGRÉGATS DU PIB ?

VII – ÉVOLUTION DU PIB DANS L’UE : L’APPROCHE DEMANDE ET L’APPROCHE REVENU

VIII – DU PIB MONDIAL PAR HABITANT À L’INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN (IDH)

IX – LE PIB MONDIAL : MÉTHODE DE CALCUL À PARTIR DES TES INTERNATIONAUX

X – LES ÉVOLUTIONS DU PIB MONDIAL ET PAR PAYS

 

 

 

 

Résumé

° La comptabilité nationale est née du besoin des pays à disposer d’indicateurs conjoncturels lors de la crise des années 30. De nombreux économistes comme Alfred Sauvy ou François Perroux ont montré l’incapacité des gouvernements de l’époque de savoir si leurs mesures avaient un effet bénéfique sur la croissance de l’économie. Le produit intérieur brut (PIB) est l’indicateur le plus utilisé pour mesurer la croissance et effectuer des comparaisons internationales. Aujourd’hui, les comptes nationaux trimestriels, dont la première estimation est livrée dès 30 jours après la fin du trimestre, sont une construction indispensable pour mettre en cohérence les indicateurs de court terme. Sans les comptes, il n’y aurait que foisonnement d’informations sans interprétation globale comme dans ces années 30.

° Le PIB est l’indicateur phare d’une économie d’un pays. Il mesure la création de richesses.  le PIB et surtout l’architecture du Système de Comptabilité Nationale qui le sous-tend conservent leur pertinence pour analyser un grand nombre de questions économiques, comme l’évolution du partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits, ou celle des finances publiques [1] (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page) .

° En fait, l’objectif principal des comptes nationaux est bien plus vaste que de calculer le PIB. Il s’agit d’un cadre pour mesurer l’économie sous ses différents angles et rassembler un ensemble de données macroéconomiques cohérentes entre elles et dans le temps. L’ambition est de faciliter l’appréhension de l’économie, dans son ensemble et dans ses composantes, et de fournir une information utile aux décisions de politique économique. Les comptes nationaux décrivent les interactions entre les agents économiques regroupés selon leur fonction principale (produire, financer, redistribuer, consommer, etc.) ainsi que leur situation patrimoniale et la façon dont elle évolue dans le temps.

° Un  usage essentiel du PIB  provient de la faculté de rapporter les grandeurs entre elles et de les comparer. En particulier, le PIB est fréquemment utilisé comme « dénominateur de référence » : certains ratios (taux d’endettement, taux de prélèvement obligatoire, position extérieure nette, etc.) facilitent les interprétations et permettent des comparaisons, notamment entre pays et entre périodes temporelles, qui sans cela seraient dénuées de sens. Le PIB joue ainsi un rôle particulièrement important pour mesurer les déficits et les dettes publics des États ce qui a des conséquences directes sur les politiques économiques des gouvernements et les décisions des Banques Centrales. C’est le cas dans la zone euro mais aussi dans les politiques de redressement imposées par le Fonds Monétaire International (FMI) quand un pays faisant face à des difficultés de solvabilité fait appel à son aide.

° Dans la zone euro, le Pacte de Stabilité et de Croissance adopté en 1997 a pour objectif de coordonner les politiques budgétaires. Il repose sur des indicateurs dont les deux principaux sont un déficit public qui doit être contenu dans la limite des 3 % du PIB et une dette publique ne devant pas dépasser 60 % du PIB.

 

 

 

1/ Les 3 approches du  PIB

° Le PIB est un indicateur résumé de l’activité économique. En valeur, il inclut à titre principal tous les biens et services qui sont vendus dans le cadre d’opérations monétaires ; la croissance du PIB en volume peut être comprise comme un indicateur de l’évolution de la taille de l’économie, une fois déduite l’augmentation moyenne des prix.

° La description de l’économie recouvre le processus de production des biens et des services, les revenus qui en sont tirés et leurs utilisations (consommation, investissement, etc.).

° Une propriété très forte du PIB est ainsi qu’il peut être appréhendé selon trois optiques : 1) la somme des valeurs ajoutées des différentes branches d’activité de l’économie : ce qu’elles ont produit, diminué de ce qu’elles ont consommé pour produire ; 2) la somme des revenus d’activité ; 3) la demande finale en biens et services (graphique suivant). En 2021 , le PIB est de 2501 milliards d’euros selon ces 3 approches.

Les trois optiques du PIB (en milliards d’euros, France 2021)

 

°  La valeur ajoutée (VA) est essentiel lors de l’élaboration des deux principaux tableaux de la comptabilité nationale, le TES (tableau entrées-sorties) en France appelé TRE (tableau ressources-emplois) dans le SEC 2010 et le TEE (tableau économique d’ensemble) des comptes des secteurs institutionnels ou CEI (comptes économiques intégrés) dans la SEC 2010. La VA variable sous-jacente au PIB, est la mesure de la création de valeur. On peut obtenir le PIB selon trois approches complémentaires à partir de ces deux tableaux. Il faut les mettre en cohérence  [2] , [3], [4] :

  • Les comptes de secteurs institutionnels affichent dans le TEE la séquence complète des comptes des agents économiques, de la production à la capacité/besoin de financement. Ils fournissent la VA dite de « l’approche revenus» car le compte d’exploitation décrit la distribution de la valeur ajoutée créée : – rémunération du travail (salaires + cotisations sociales) + EBE (excédent brut d’exploitation) + Revenu mixte brut des entreprises individuelles + + impôts sur la production – subventions sur la production.
  • Le compte des biens et services s’inscrit dans le TES, qui contient les ERE, (équilibres ressources-emplois par produits). Il fournit « l’approche demande » (appelée aussi «approche dépenses» : somme des emplois finals (consommation des ménages, des administrations publiques, FBCF, variations de stocks, exportations) diminuée des importations.
  • Enfin « l’approche production », somme des productions moins somme des consommations intermédiaires (CI), plus les impôts net des subventions sur les produits,  est celle qui met en cohérence les comptes de secteurs institutionnels et de biens et services, via l’utilisation de sources communes.

° Les PIB de «l’approche production» et de «l’approche revenus» sont identiques dans la plupart des pays [5] (voir page Calcul du PIB dans plusieurs pays). Mais on peut concevoir d’estimer le PIB de «l’approche revenus» de manière indépendante à celui de «l’approche production» en estimant directement les revenus, disposant d’informations sur les revenus (rémunérations, EBE, revenu mixte,…). Rien n’indiquerait alors que les deux PIB « production » et « revenus »  sont spontanément égaux. Dans ce cas, ce sont les éléments du compte d’exploitation qui seraient arbitrés (rémunérations, EBE, revenu mixte,..) pour se caler sur l’approche « production ».

° Aucun pays ne calcule l’excédent brut d’exploitation directement car cet agrégat inclut la consommation de capital fixe (CCF), évaluée selon des modèles et non selon des sources administratives. La décomposition entre ces trois approches (au lieu de deux) trouve ainsi  sa justification dans l’analyse économique : la production est également l’occasion d’une décomposition de la richesse produite entre les salariés, les entreprises et l’État. «L’approche revenus » met en évidence cette répartition. Il s’agit de présenter et analyser le partage de la valeur ajoutée entre ses composantes, notamment les rémunérations et l’EBE des sociétés/revenu mixte des entreprises individuelles.

 

 

 

2/ PIB ou PIN (Produit intérieur net)

° Une question est de savoir si le produit intérieur doit être mesuré « brut » ou « net » ?   Le  PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées nouvellement créées par les unités productrices résidentes au cours d’une période donnée, évaluées au prix du marché. Le produit intérieur net (PIN) s’obtient en déduisant du PIB la consommation de capital fixe, qui correspond au coût d’usure du capital au cours de la même période.

° La production économique comprend l’utilisation intégrale d’actifs immobilisés productifs – la « consommation » de capital. Comme les actifs immobilisés sont très durables, cette utilisation intégrale est un processus progressif, qui s’échelonne habituellement sur de nombreuses années. La consommation de capital fixe (CCF), souvent appelée amortissement, représente la réduction de la valeur des actifs fixes utilisés dans la production au cours de la période comptable, qui résulte de la détérioration physique ou de l’obsolescence normale. Cette convention est parallèle à la comptabilité financière, puisque les entreprises habituellement attribuent aux frais d’exploitation de chaque période des frais de dépréciation destinés à couvrir l’usure des actifs immobilisés durant la période en question. Par conséquent, l’amortissement représente un coût à la fois économique et opérationnel, qui est inclus dans le prix marchand des biens et services vendus aux utilisateurs finals.

° Les actifs (et l’amortissement) sont généralement évalués au coût historique dans la comptabilité privée, c’est-à-dire aux prix en vigueur au moment de l’acquisition; les changements ultérieurs de la valeur de ces actifs sont ignorés. Dans la comptabilité nationale, les actifs (et les amortissements) sont évalués aux coûts courants, c’est-à-dire aux prix du marché qui prévalent au moment de leur évaluation. Lors de l’élaboration des comptes nationaux, divers ajustements, tels que l’ajustement de l’évaluation des stocks et l’ajustement de la CCF, sont effectués afin que les estimations reflètent les coûts actuels plutôt que les coûts historiques.

° Par conséquent, le PIB comprend les provisions pour consommation de capital. Le terme « brut » est employé pour indiquer que la CCF fait partie de la mesure. Le terme « net » signifie que la CCF est exclue de la définition de la production, ce qui donne le produit intérieur net (PIN). Certains analystes soutiennent que la mesure brute est plus utile aux fins de certaines analyses puisque le remplacement des immobilisations peut être reporté à court terme. Par conséquent, c’est le produit brut qui est utilisé pour la consommation finale. Toutefois, la consommation continue du produit brut, sans remplacement des actifs utilisés, réduirait graduellement la richesse du pays. d’autres analystes préfèrent le produit national net, affirmant qu’il brosse un tableau plus exact des progrès économiques du pays puisqu’il mesure la quantité de production qui reste après le maintien du stock de capital productif.

 

 

 

3/ La mesure du PIB mondial selon les deux approches « production » et « demande » : un exemple fictif

° Il y a une méthode pour calculer le PIB mondial à partir des TES internationaux (TIES) comme celle de l’OCDE qu’on reprend ici ( chapitre 9). Pour comprendre cette méthode, il convient de construire un exemple fictif avec 3 pays et 2 produits  en vérifiant que le PIB mondial selon l’approche « production  » est le même que celui calculé selon l’approche « demande » ainsi que pour les 3 pays.

° Le PIB mondial est égal à la somme des PIB des pays. En pratique, une fois résolues les asymétries du commerce extérieur, différences entre les exportations de B vers A et les importations de A en provenance de B, et ce pour chaque produit (voir page Chaînes de valeur mondiales). le PIB mondial est calculé à partir de la somme :

  • des emplois finals de tous les pays (y.c. les exportations),
  • des impôts nets des subventions sur les produits des emplois finals,
  • des achats directs des touristes résidents lors de leurs séjours à l’étranger (voir page Tableau ressources emplois),

° Au niveau mondial, une fois ces asymétries corrigées, les exportations mondiales devraient être égales aux importations mondiales alors qu’elles ne le sont pas si on les prend directement dans les TES (TRE) de chaque pays du monde et qu’on en fait la somme.

 

° Le tableau suivant se lit ainsi :

  • La CI du produit 1 par la branche 1 dans le pays A produit par le pays A est de 50; celle du produit 1 par la branche 1 dans le pays A importé du pays B est de 10; celle du pays produit 1 par la branche 1 dans le pays B importé du pays A est de 15, etc…. Le total des CI des 3 pays importés et produits intérieurement est de 1201 dont 625,3 en produit 1 et 575,8 en produit 2.
  • Les emplois finals du pays A en produit 1 sont de 41,8; ceux du pays A en produit 1 exportés vers le pays B sont de 20; les emplois finals du produit 1 exportés du pays B vers le pays A sont de 13; le total  des emplois finals des 3 pays est de 1244  dont 462,8 en produit 1 et 781,7 en produit 2.
  • Les dépenses des touristes résidents du pays A dans le pays B sont de 2.
  • Les impôts totaux  (nets des subventions) sur les produits en CI sont de 61,7. Ceux sur les emplois finals sont de 248,9 et ceux sur les dépenses des touristes sont de 5,9. On suppose que la TVA est le seul impôt sur les produits. Le taux de TVA sur les emplois finals des 3 pays est supposé le même, soit 20%. Celui sur les CI est calculé dans le fichier ci joint avec des taux faibles mais variables selon les produits et selon les pays.
  • La valeur ajouté total des 3 pays est de 1212,3,
  • La production des 3 pays est de 2475,
  • le PIB mondial de l’approche « production » est de 1528,8. C’est aussi le PIB mondial de l’approche « demande ».
  • Le PIB du pays A de l’approche « production » est de 273,5. C’est aussi celui de l’approche « demande ». Pour y parvenir, il convient de faire la somme des emplois finals, y compris les impôts sur les produits sur ces emplois, ajouter aussi les exportations sur les CI (82,5) qui sont des emplois finals du pays A. Mais il faut retirer les importations sur les CI (94,0) pour être cohérent avec le calcul du PIB selon l’approche « demande ». En revanche il ne faut pas retirer les importations sur les emplois finals car ce faisant on ne les compterait pas dans le calcul du PIB selon l’approche « demande » des 3 pays.
  • Le calcul du PIB mondial a un sens. Mais dans la pratique le calcul du PIB de chaque pays a partir des TIES peut donner des résultats différents du commerce extérieur de chaque pays. Les importations et les exportations des TIES ne sont pas égales de celles des comptes nationaux des pays pour de multiples raisons ; correction territoriale, corrections CAF-FAB, résolutions des asymétries du commerce extérieur (voir l’exemple de la France page Chaînes de valeur mondiales)

tableau 11 Tiva exemple numérique 2 branches 3 pays

Exemple fictif simplifié avec 2 branches d’activité et 3 pays; calcul du PIB mondial et des 3 pays

 

 

 

 

4/ Le PIB « mesurerait mal l’activité économique et le bien-être»

 ° On étudie le PIB mondial (résultats, méthode de calcul, comparaisons entre pays,…). Certaines évolutions liées à la mondialisation sont toutefois difficiles à prendre en compte, c’est le cas notamment de la localisation des actifs immatériels liés à la propriété intellectuelle  qui est l’une des causes parmi d’autres (tel  le travail à façon et le négoce international) de  croissance très forte du PIB irlandais en 2015 (voir page PIB irlandais).

° D’autres questions doivent être mentionnées : mesure des actifs incorporels (voir page Investissement incorporel pays) tels que les logiciels, les bases de données ou la recherche et développement, prise en compte des effets « qualité » (positifs suite aux technologies de l’information et de la communication mais aussi parfois négatifs, ces derniers étant mal mesurés), prise en compte de l’activité domestique, traitement des services numériques gratuits, etc.

° Le PIB présente surtout des limites inhérentes aux concepts qui le fondent, et il ne véhicule pas d’informations sur certains sujets cruciaux, comme ceux relatifs aux inégalités et à l’environnement (voir page PIB et bien-être). La liaison entre la croissance du PIB et ce qui importe du point de vue du bien-être collectif est ainsi fréquemment questionnée. La prochaine révision du Système de comptabilité nationale, reste très prudente : les externalités négatives de la croissance sur le climat par exemple ne seront pas prises en compte (voir page Compte Environnement).

° Il existe une tension entre la nécessité d’innover pour répondre aux enjeux économiques et écologiques et le besoin de conserver la comparabilité des résultats entre les pays dans le calcul du PIB mondial. Il faut que les innovations puissent être mises en œuvre par le plus grand nombre, sinon on perd une des grandes forces des comptes nationaux : leur comparabilité. À quoi bon calculer un Produit intérieur net  ajusté des dommages environnementaux si il ne l’est pas par tous les pays ou si il est évalué selon des méthodes très différentes.

° Les instituts statistiques nationaux (INS) et les manuels de comptabilité nationale mettront-ils en avant ces derniers aspects ou bien ceux-ci resteront très secondaires comme c’est le cas jusqu’à présent car l’économie prime encore sur l’écologie? Il faudrait au moins compléter les comptes nationaux par la construction d’agrégats de synthèse (PIN ajusté des dommages environnementaux, épargne ajustée, dette écologique, distribution des revenus par tranches de revenus, etc… ).

° Quels sont les objectifs prioritaires  compte tenu des moyens des INS ? Suivi de la croissance du PIB (et des ratios des finances publiques) ou bien suivi des émissions de CO2 (neutralité carbone en 2050 souhaitée par l’UE), suivi des inégalités de revenus, indicateur de développement humain (IDH) ? Certains pensent que les second sont essentiels.  Pour le moment, sur le site des comptes nationaux de l’Insee, on trouve une multitude de données monétaires dont en premier lieu le PIB et les ratios des finances publiques, mais rien sur ces aspects nouveaux. Est-ce l’objet de la comptabilité nationale de fournir des données sur l’environnement qui recouvrent d’ailleurs une multitude de comptes?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I – LES TROIS APPROCHES DU PIB

 

1/ Le PIB (le PIB mondial aussi) peut être évalué selon 3 optiques:

– l’approche de la production;

– l’approche des dépenses;

– l’approche des revenus.

Selon l’approche de la « production », le PIB est évalué comme la somme de la valeur ajoutée de toutes les branches d’activité, où la valeur ajoutée par branche d’activité est obtenue en faisant la différence entre la production et la CI. Étant donné que la production dans les comptes nationaux est évaluée aux prix de base et la consommation intermédiaire aux prix d’acquisition, la valeur ajoutée est évaluée aux prix de base. Le PIB est cependant évalué aux prix d’acquisition. Cela signifie que le total des impôts moins les subventions sur les produits doit être ajouté à la somme des valeurs ajoutées par branche d’activité pour obtenir le PIB [7].

L’approche des dépenses (ou « demande ») évalue le PIB en sommant toutes les catégories de dépenses (excepté la consommation intermédiaire) diminuées des importations.

L’approche des « revenus » du PIB, enfin, est obtenue en additionnant les composantes de la valeur ajoutée, à savoir la rémunération des salariés, les autres impôts moins les subventions sur la production et l’excédent brut d’exploitation (ou le revenu mixte brut) dans le cas d’unités de production sans personnalité juridique). L’approche « revenus » est calculée à partir du TEE contrairement aux deux autres approches. Étant donné que la valeur ajoutée est évaluée aux prix de base, tout comme pour l’optique de la production, les impôts moins les subventions sur les produits sont additionnés pour obtenir le PIB aux prix d’acquisition.

 

 

 

 

 

 

L’encadré suivant donne le PIB à partir des 3 approches en 2017 au compte semi-définitif.

 

 

2/ Deux exemples fictifs du calcul du PIB selon les approches.

a) approche « production » et approche « demande »

Un commerçant achète du bois 100 (achat de marchandises) à un producteur de bois pour le revendre 145 (ventes de marchandises) à des ménages. La consommation finale des ménages (CFM) est 145 dont 15 de TVA, soit une consommation hors TVA de 130. On suppose que les ménages seuls paient la TVA.

La production du commerçant est sa marge commerciale (MC), soit 30 = 130 – 100.

La CI du commerçant est de 10 (par hypothèse, il n’y a qu’une seule CI : l’électricité). La VA du commerçant est donc 20 = 30 – 10.

Le producteur de bois a une production de 100; il achète du bois « brut » à une scierie pour un montant de 75. Sa VA est donc de 25. La scierie n’a pas de CI. Sa VA est égale à sa production (75).

La production totale de l’économie est 75 + 100 + 30 + 10 = 215.

Il y a en effet 10 de production d’électricité (en supposant aussi que le producteur d’électricité n’a pas de CI).

La CI totale de l’économie est : 75 + 10 = 85

La VA globale de l’économie est 215 – 85 = 130. C’est aussi la somme des VA des branches, soit :

75 (scierie) + 25 (entreprise bois) + 20 (commerçant) + 10 (électricien).

Le PIB de l’approche production est égal à la somme des VA + la TVA, soit 130 +15 = 145;

Le PIB de l’approche demande (consommation finale des ménages en bois) est aussi de 145.

Il y a égalité du PIB entre les 2 approches.

 

 

 

 

b) approche « revenu » et approche « demande »

Cet exemple est repris de l’inventaire RNB des États-Unis [8] (voir page Calcul du PIB dans plusieurs pays). On considère une économie simple avec un produit, le pain, qui est produit en trois étapes :

  • Le blé est cultivé, récolté et vendu pour 1 $ par un l’agriculteur (pour simplifier, on suppose que le blé est produit sans produits intermédiaires) ;
  • Le blé est utilisé par un meunier pour produire de la farine, qui est vendu à 3 $ ; et
  • La farine est utilisée par un boulanger pour produire du pain, qui est vendu à un consommateur au prix de 7 $.

Ces informations sont résumées dans le schéma suivant 1 :

 

Lorsque le meunier achète pour 1 $ de blé pour produire de la farine et la vendre ensuite au boulanger pour 3 $; ce prix comprend le prix du blé à 1 $ (un produit intermédiaire)  plus la valeur ajoutée de 2 $ (par exemple, son travail). Lorsque le boulanger transforme la farine et vend le pain à un consommateur pour 7 $; la production du boulanger comprend la valeur de 3 $ de la farine (CI) et la valeur ajoutée de 4 $. La valeur du produit final – le pain – est le prix payé par le consommateur (7 $) ; le pain est le produit final parce qu’il est consommé par le consommateur et non utilisé dans un autre processus de production . Si les ventes totales de blé, de farine et de pain étaient toutes comptabilisées dans le PIB, la valeur globale (1 $ + 3 $ + 7 $, ou 11 $) surévaluerait celui-ci du fait d’un triple compte de la valeur du blé et d’un double compte de la valeur de la farine.

Le PIB peut être mesuré de trois manières différentes.

  • Premièrement, le PIB peut être mesuré comme la somme des dépenses par les utilisateurs finaux. C’est ce que l’on appelle l’approche « demande ».
  • Deuxièmement, le PIB peut également être mesuré comme les ventes moins la valeur des CI ou comme la somme des « valeurs ajoutées » à chaque étape du processus de production (approche « production »).
  • Enfin, parce que le prix du marché d’un bien ou d’un service reflète l’ensemble des revenus gagnés et les coûts de production, le PIB peut également être mesuré comme la somme de ces revenus. C’est ce que l’on appelle l’approche « revenu ».

Les deux premières approches peuvent être illustrées à l’aide de du schéma suivant :.

 

Le PIB correspond :

  • À la somme des dépenses finales pour le pain, soit les 7 dollars dépensés par les consommateurs,
  • Il peut être calculé comme la valeur ajoutée, soit la production totale moins CI, c’est-à-dire le dollar de la production de l’agriculteur, plus les 3 $ de la production du meunier, plus les 7 $ de la production du boulanger moins le 0 $ de CI par l’agriculteur, moins le 1 $ de CI du meunier, moins les 3 $ de CI du boulanger (11 $ – 4 $ = 7 $).
  • Il peut être calculé comme la somme des revenus gagnés dans la production de pain, c’est-à-dire, comme la somme des 1 dollars gagnés par l’agriculteur pour son travail, des 2 dollars gagnés par le meunier pour son travail, et des 4 dollars gagnés par le boulanger pour son travail.

 

 

3/ Relations entre les approches « production » et « revenu »

Il s’agit de vérifier si il y a deux ou trois approches du PIB, l’approche « revenu » et l’approche « production » étant étroitement liées ?

 

a) Conditions pour une approche « revenu » authentique

L’approche « revenu », qui soit une véritable alternative à l’approche « production », partirait du point de vue des unités qui bénéficient du revenu, et non de celles qui le génèrent.  Par exemple, on pourrait commencer par les salaires perçus par les employés résidents et passer aux salaires payés par les producteurs résidents.

Une approche « revenu » autonome pourrait prendre comme point de départ le revenu primaire reçu par les agents économiques, et pour certains même leur revenu disponible, pour calculer le revenu primaire généré dans l’économie, puis en « remontant » la séquence des comptes estimerait la valeur ajoutée et le PIB.

Une telle approche suppose notamment l’existence d’informations fiables sur les revenus des ménages, provenant des sources fiscales par exemple. Elle suppose également que les informations sur les producteurs soit suffisamment complètes pour que le passage  conceptuel du profit non distribué à l’excédent brut d’exploitation de la comptabilité nationale puisse  être précisé.

 

b) Une approche « revenu » moins ambitieuse

Une approche « revenu » moins ambitieuse consisterait à envisager la situation sous l’angle des unités qui versent des revenus. Une telle approche pourrait être considérée comme concurrente de l’approche « production » lorsque les unités statistiques sont différentes entre les 2 approches.

L’unité statistique qui est généralement utilisée dans l’approche « production » est l’établissement, ou unité d’activité économique locale (UAEL). À partir des informations collectées auprès des établissements, on devrait, en principe, pouvoir estimer une première version du compte d‘exploitation. Un établissement a une activité principale mais peut avoir de manière faible une ou des activités secondaires. Le regroupement des UAEL ayant la même activité principale s’appelle la branche d’activité principale (« industry » en anglais).

Cependant, les statistiques sont parfois incomplètes et en plus pour certaines activités, il est nécessaire de pallier l’absence de données sur les établissements par des méthodes indirectes : on mesure ainsi la production de l’agriculture ou du logement en multipliant les quantités par le prix; on mesure la VA en appliquant des taux de VA qui sont plus ou moins exogènes, (par exemple des montants de VA par habitant rapportés à la main-d’œuvre, etc.)

Les systèmes statistiques ne sont pas toujours en mesure de fournir un compte d’exploitation de toutes les branches d’établissement (UAEL). Le PIB de l’approche « production » se limite alors à établir un compte de production pour l’ensemble de l’économie. Celui-ci est généralement obtenu en agrégeant les comptes de production des différentes branches d’activités principales (ou secteurs d’activités qui regroupent des entreprises ayant la même activité principale).

 

Un système d’information statistique sur les unités institutionnelles qui est capable de calculer directement les composantes de la VA des secteurs institutionnels peut alors fournir une évaluation alternative de la VA en élaborant le compte d’exploitation pour l’économie nationale, et ainsi évaluer de manière autonome les deux approches du PIB.

Dans un système statistique idéal, on compare une évaluation basée sur les données d’un type d’unité, – l’établissement -, avec une évaluation basée sur des informations provenant d’un autre type d’unité – l’unité institutionnelle.

Ces deux types d’unités ne sont toutefois pas indépendants. Le SCN 2008 et le SEC 2010 rappellent le lien hiérarchique qui unit une unité institutionnelle à ses établissements. L’existence de ce lien peut être constaté, par exemple, dans la mesure de la production : au final, la VA d’une unité institutionnelle est la somme des VA de ses établissements.

En conséquence, le SCN 2008 et le SEC 2010 introduisent un tableau reliant les comptes de production et d’exploitation des secteurs institutionnels à ceux des branches d’activité principale. L’élaboration d’un tel tableau nécessite souvent une synthèse globale.

Le schéma de la page Vers un Tableau entrées-sorties idéal et mondial montre un système statistique idéal où chaque unité légale (entreprise) comprend des UAEL dont les ventes sont cohérentes. Par exemple,  une société non financière  (SNF)  a deux UAEL a1 et b1 qui appartiennent à deux branches d’activité principale a et b.

Mais dispose-t-on de statistiques sur les variables telles que la CI, voire les rémunérations de ces deux UAEL ? Certainement non.  Comment les déterminer à partir des données de l’unité institutionnelle ? au prorata ?

Autrement dit, peut-on calculer l’approche « production » et « revenu » à partir du TRE par branche d’activité principale? La réponse est oui si le TRE est élaboré par secteur d’activité comme dans plusieurs pays où l’unité de base est l’entreprise. Elle l’est aussi si on fait ce genre de calcul par UAEL, auquel cas on peut estimer les comptes de production et d’exploitation par branche d’activité principale.

 

Toutefois les comptables américains nationaux, qui eux enquêtent les deux unités, ont mis an avant un autre souci, à savoir la continuité des séries temporelles.  On peut lire dans l’Inventaire RNB des États-Unis « Les salaires et traitements et les stocks sont généralement basées sur des données collectées auprès des « établissements », tandis que celles des autres composantes de la production sont généralement basées sur des données collectées auprès des « entreprises ». …  . En outre, les séries sectorielles individuelles ne sont pas entièrement comparables dans le temps. Tout d’abord, la composition des branches d’activités peut changer en raison des révisions des nomenclatures. Ce facteur affecte les estimations basées sur les données des établissements et sur les données des entreprises. En second lieu, la comparabilité historique peut être affectée par un changement dans le temps de la classification par branche du même établissement ou de la même entreprise. Par exemple, la classification d’une entreprise peut changer à la suite de changements dans le niveau de consolidation des entités pour lesquelles des rapports d’entreprise sont déposés ou à la suite de fusions et d’acquisitions. Ce facteur affecte beaucoup plus les estimations basées sur les entreprises que celles basées sur les établissements ».

Tel est bien le principal souci des TRE par secteurs d’activité (regroupements d’entreprise ayant la même activité principale) que font la plupart des pays européens : comment gérer les changements d’activité principale des entreprises beaucoup plus nombreux que les changements d’activités des établissements?

On imagine en outre la complexité de l’élaboration du tableau de liaison entre le CEI et le TRE avec le profilage d’entreprise (voir page Liaison entre TEE et TES). La question de la cohérence des deux tableaux se posera si les pays choisissent d’établir le CEI à partir des données des EP tout en  élaborant un TRE à partir des UAEL pour respecter un principe du SEC 2010, à savoir l’enregistrement de tous les flux d’échanges (voir page TES et profilage). Il sera quasi impossible de décomposer les comptes de l’EP en ceux des UAEL (ou des UL) de contour.

 

 

 

c) Indépendance limitée entre les approches « production » et « revenus »

Par ailleurs, l’indépendance entre l’approche « production » et « revenu » est faible pour un certain nombre d’activités et de secteurs institutionnels. C’est le cas des activités non marchandes des APU et des ISBLSM. Les mesures conventionnelles de production, totalisant les coûts et l’excédent brut d’exploitation, se traduisent par une unicité préétablie de la mesure de la valeur ajoutée. En outre, il n’y a pas d’approche autonome des dépenses dans ce cas, puisque les dépenses de consommation finale liées aux produits de ces activités sont égales à leur production, avec quelques ajustements. Par exemple pour les APU, leur dépense de consommation est égale à la production moins les paiements partiels.

En ce qui concerne les activités financières – intermédiation financière et assurance – il convient de noter que les informations disponibles à leur sujet, notamment lorsqu’elles proviennent des organismes de contrôle, couvrent généralement les unités institutionnelles qui les exécutent, prises dans leur ensemble. Même leurs activités secondaires, qui sont d’ailleurs limitées, peuvent être connues à ce niveau. La connaissance de leur activité n’implique pas d’observation au niveau de l’établissement. En outre, La mesure de leur production détermine étroitement, par son contenu, leur l’excédent brut d’exploitation.

  • La production, la valeur ajoutée et l’excédent brut d’exploitation des intermédiaires financiers seraient différents si, au lieu d’inclure la contribution du SIFIM, on ne retenait que la production des services facturés;
  • Il en serait de même pour les assurances si seules les primes brutes étaient utilisés pour calculer production.

Ainsi, pour ces activités, les calculs de la VA et de l’excédent brut d’exploitation sont très intégrées et exigent une connaissance des opérations qui n’apparaissent pas toujours dans le compte de d’exploitation. Cela nécessite des informations couvrant tous les comptes des unités qui ne peut être obtenue qu’au niveau institutionnel. Les deux approches  « production » et « revenu » sont ici interdépendantes.

 

d) les approches « production » et « revenu » dans les comptes nationaux français

Dès lors, ce n’est que pour les sociétés non financières et les ménages, qu’il est possible de procéder en utilisant les deux approches qui sont néanmoins plus complémentaires que concurrentes. Dans les comptes nationaux de l’économie française, ces unités contribuent pour environ 75 % à la VA totale.

Dans cet ensemble, il semblerait que les comptes français (définitifs) ne suivent pas le modèle de référence décrit ci-dessus à savoir comparer une évaluation de la VA sur la base des données de production collectées au niveau de l’établissement, et une évaluation de la VA sur la base de la connaissance des revenus primaires distribués par des unités institutionnelles. D’autant que les données sur les établissements sont largement absentes en France.

Seules l’agriculture (y compris la sylviculture et la pêche) et la location de logements appliquent une authentique approche « production » du PIB, via :

  • L’identification et l’évaluation des produits de ces activités, ce qui permet d’évaluer production ;
  • l’identification et l’évaluation des consommations intermédiaires par produits.

Dans les autres activités, celles qui impliquent des entreprises dont les données sont collectées dans ESANE, ce sont les unités institutionnelles, c’est-à-dire les entreprises qui constituent le point de départ. Leur VA est ventilée en secteurs d’activité. Elle est déduite de la production et est donc utilisée pour calculer la CI du secteur d’activité, qui peut être comparée aux CI des ERE lorsqu’elle est ventilée par produit dans le TEI. Pour les entreprises non financières couvertes par ESANE, les approches « production » et « revenu » sont liées entre elles et ne sont finalement pas autonomes l’une par rapport à l’autre en ce qui concerne le calcul de la VA.

 

 

4/ Relations entre le PIB et le RNB

Le PIB correspond aux revenus primaires versés par les unités résidentes. Le Revenu national brut (RNB) correspond aux revenus primaires reçus par les unités résidentes. Le Revenu national disponible brut (RNDB) est le RNB corrigé des transferts courants ; c’est aussi la somme des RDB des secteurs résidents (tableau suivant).

Du PIB au RNB en France en milliards d’euros en 2019

 

Le calcul du RNB est très important dans l’UE des 27 pays. L’article 2, paragraphe 2, du règlement RNB stipule que les États membres fournissent à Eurostat les chiffres du RNB et de ses composantes pour l’année précédente et toute modification apportée aux chiffres des années précédentes avant le 1er octobre de chaque année (les questionnaires RNB). L’article 2, paragraphe 3, dispose que les États membres transmettent un rapport sur la qualité des données RNB à Eurostat lorsqu’ils communiquent les données (rapport sur la qualité). L’objectif principal des rapports annuels du RNB sur la qualité est de fournir des informations sur les changements significatifs dans les sources et les méthodes utilisées et d’expliquer les révisions apportées au RNB et à ses composantes. Le rapport sur la qualité vise donc à fournir une mise à jour brève et concise de la méthodologie, des sources et des résultats d’un État membre, le cas échéant.

La structure et le format des questionnaires RNB et des rapports sur la qualité à transmettre par les pays sont approuvés chaque année par le groupe d’experts RNB. Les États membres doivent respecter les lignes directrices approuvées pour les questionnaires RNB et les rapports sur la qualité afin de garantir que des informations comparables sont notifiées.

La vérification par Eurostat est basée sur une liste de contrôle portant sur l’exactitude formelle et numérique des tableaux fournis, la cohérence des données dans le temps et leur cohérence avec les chiffres publiés des comptes nationaux. Les révisions décrites dans le rapport sur la qualité sont vérifiées, par exemple en ce qui concerne la plausibilité, la qualité des sources et des méthodes utilisées, le rapprochement de la révision totale avec les révisions individuelles, la cohérence avec les changements annoncés précédemment, etc. Les États membres peuvent être invités à fournir toute des clarifications sur les données et sur le rapport sur la qualité et d’envoyer des corrections. Ces analyses peuvent conduire à placer des points d’action ou des réserves le cas échéant.

L’article 5 du règlement RNB prévoit que la Commission examine chaque année, en étroite coopération avec le groupe d’experts RNB, les données transmises par les États membres et donne un avis sur le caractère approprié des données aux fins des ressources propres au regard à la fiabilité, la comparabilité et l’exhaustivité. Un document qui comprend les données transmises et les rapports sur la qualité ainsi que les commentaires sur les révisions est présenté en novembre de chaque année au groupe d’experts RNB pour examen et confirmation de l’exactitude. Le groupe d’experts RNB émet un avis sur le caractère approprié des données RNB pour une utilisation à des fins de ressources propres.

Le tableau suivant présente les données soumises par les États membres et le Royaume-Uni en 2022 et approuvées par le groupe d’experts RNB en novembre 2022. Les révisions des données par rapport à 2021 sont également incluses.

Questionnaire RNB 2022 – Données RNB des principaux États membres et du Royaume-Uni à utiliser aux fins des ressources propres – en milliards

 

 

 

II – L’ARBITRAGE DU PIB EN FRANCE

L’approche par la production est l’approche prédominante pour déterminer le niveau du PIB. L’approche par les revenus et l’approche par la production sont intégrées dans le TEE : elles reposent sur les mêmes sources et suivent le même processus de d’élaboration comptable. C’est-à-dire que tout ajustement de la valeur ajoutée – que ce soit via la production ou via la CI – affecte une composante du revenu. Ce sont dans la plupart des cas l’excédent brut d’exploitation ou le revenu mixte qui sont impactés, mais aussi la rémunération des salariés (dans le cas des salaires en nature), ou encore les impôts ou les subventions. Toutefois, le PIB de l’approche production est calculé aussi à partir du TES, à partir d’une définition qui a évalué au fil des bases notamment pour le compte semi-définitif (SD).

Quant à l’approche « demande », elle ne constitue pas une approche autonome pour déterminer le niveau du PIB, mais elle est confrontée à l’approche par la production dans le processus d’élaboration des comptes, afin d’affiner la mesure des différents agrégats. La comparaison entre les trois approches du PIB s’inscrit donc dans un processus de convergence ; elle n’est pas réalisée dans une étape finale qui viserait à équilibrer trois approches autonomes du PIB. En particulier, lors de l’élaboration des comptes nationaux, les problèmes rencontrés dans les ERE  par produits peuvent amener à détecter des erreurs comptables ou des sources issues de l’approche par la production, ce qui contribue d’ailleurs à la qualité de l’ensemble.

L’approche par la production contrôle le niveau agrégé du PIB, ainsi que la valeur ajoutée des secteurs institutionnels. Leurs niveaux ne sont pas impactés par l’équilibrage. Ces derniers n’affectent la répartition par branche qu’à travers les CI ; ils affectent également la répartition par branche de l’excédent d’exploitation et du revenu mixte sans impacter leur total pour l’ensemble de l’économie, ni ceux des secteurs institutionnels résidents.

Cependant, la valeur ajoutée de l’approche par la production est calibrée en toute fin de processus, lorsque le montant de l’équilibrage devient résiduel d’environ 0,01 point de PIB.

Tant que l’arbitrage n’a pas eu lieu dans le cadre de réunions de concertation, les PIB des approches « demande » et « production-produit » des ERE ne sont pas égaux « ex ante » au PIB issu du TEE. À ce stade, les « tours de TES » intègrent des modifications des données exogènes tels que les ventes de branche des ERE ou différents agrégats (consommation finale des ménages, FBCF,…) du coté des emplois.

Ce n’est qu’au moment de ces réunions, qu’un arbitrage a lieu pour caler la CI et la production des ERE sur celles du TEE. Les emplois finals sont donc modifiés et fixés. Mais les travaux ne s’arrêtent pas là. Des changements peuvent encore avoir lieu en partie pour gérer ces arbitrages. Les tours de TES continuent entraînant un nouveau TEI avec de nouvelles CI qui doivent être recalées au final sur les ERE avec les CI arbitrées et calées sur le TEE.

 

 

 

1/ Principes généraux

Grâce à la source fiscale, qui conjugue les avantages de quasi-exhaustivité et de restriction à l’activité territoriale, la valeur ajoutée (VA) dégagée par les entreprises œuvrant en France est jugée comme étant bien appréhendée par la donnée d’entreprise Esane. Le compte des SNFEI, basé sur Esane (SIE autrefois), est alors considéré comme fournissant une évaluation fiable de la valeur ajoutée résidente.

Ainsi, depuis la base 2000 la VA qui ressort des comptes de biens et services s’efforce d’être le plus proche possible de celle évaluée par les comptes de secteurs (institutionnels).

 

En pratique, les sources utilisées pour le calcul de la VA de l’approche production sont mises en commun pour la construction des comptes de secteurs (TEE) d’une part, des ERE par produits (TES) d’autre part.

Plus précisément, les chiffrages de la production et des CI sont d’emblée cohérents pour les domaines suivants :

  • Production et consommation intermédiaire des secteurs institutionnels APU, IF, ISBLSM et ménages purs,
  • production des SNFEI, cohérence assurée par l’intermédiaire du passage secteurs x branches (matrice PSB),
  • impôts moins subventions sur les produits.

Manque à la liste ci-dessus la CI des SNFEI :

  • En compte du secteur SNFEI, la CI est détaillée par secteur d’activité mais pas par produit consommé;
  • dans le TES, la CI des SNFEI découle (voir TES méthode française,) :
    • en premier lieu d’une «projection» des productions des branches SNFEI (multiplication par la matrice des «coefficients techniques»  du TEI – tableau des entrées intermédiaires)
    • en second lieu de réglages jugés nécessaires, à la fois pour équilibrer les ERE (résorption des «effets-lignes» par produits) et pour se rapprocher des CI branches déterminées par le compte SNFEI (recherche de réduction des «effets-colonnes » par branches.

Il existe plusieurs définitions des effets-ligne et des effets-colonnes.On donne ici les définitions qui nous semblent les plus pertinentes quand on regarde ces effets pendant une campagne de compte, quitte à les compléter par des ratios par la suite, le niveau et le pourcentage étant tous deux important.

 

En réalité, comme les évolutions ont plus d’importance que les niveaux en cours de base, on fait en sorte que la CI projetée après résolution des « effets lignes » évolue à peu près comme la CI des SNFEI.

Dans ce processus, la matrice PSB est nécessaire pour relier les opérations du compte des SNFEI (détaillées par secteurs d’activité) aux opérations sur biens et services SNFEI (détaillées par produits et branches).

  • Le PSB est construit sur la production, à partir de la donnée Esane et du Passage aux comptes (PAC) des SNFEI concernant l’évaluation de la production (voir page Comptabilité nationale et comptabilité privée). Ce PAC a pour objet de passer des comptes des entreprises aux comptes nationaux. Il  est très exhaustif . Il s’applique au PSB autant qu’au compte des SNFEI ;
  • Il est ensuite utilisé pour comparer les CI des SNFEI dans les deux approches (visualisation des effets colonnes) ;
  • Il sert enfin à construire le compte d’exploitation en branches (CEB) des SNFEI, à partir des ventilations en secteurs d’activité des salaires, impôts et subventions du compte SNFEI.

Il s’en suit l’arbitrage sur la valeur ajoutée. En vertu de la primauté accordée au chiffrage de l’approche « revenu », les responsables de l’approche demande œuvrent à « converger sur la VA », afin que l’écart final entre la VA issue du TES et celle fournie par l’approche revenu spontanée soit le plus faible possible. Cet écart final, (normalement d’un faible montant) absorbé par le compte SNFEI, est appelé  « arbitrage » sur la valeur ajoutée.

La cohérence de l’approche « production » et de l’approche « revenu » est concrétisée dans les CEB  (comptes d’exploitation en branches), qui font apparaître les éléments de calcul de la valeur ajoutée à la fois en approche « production » et en approche « revenu ».

Il découle de cette primauté de la donnée des comptes de secteur (en valeur) une responsabilité particulière pour l’évaluation de la valeur ajoutée des SNFEI, qui contribue à hauteur de 2/3 de la VA résidente au prix de base, soit 60 % du PIB

On se préoccupe des niveaux de la VA à l’occasion des changements de base et on contrôle principalement les évolutions en cours de base. Il faut distinguer les arbitrages en niveau au moment de l’année de base et ceux en évolution en année courante.

 

 

2/ La fiche du PIB

À l’issue de chaque « tour de TES », l’Insee calcule une fiche de PIB. Elle est un tableau synthétique qui représente l’état d’avancement du compte, les principaux écarts, les différentes «versions du PIB » en fonction des différentes approches. Elle est uniquement « HTD ». L’objectif final étant que les 4 quadrants de la fiche de PIB aboutissent au même PIB.

Il n’y a aucune raison que toutes ces approches soient spontanément identiques. Elles proviennent de sources différentes (enquête sur la consommation des ménages pour l’approche « demande », données d’entreprises pour l’approche « production », etc,…).  Si la production est exogène, les CI ne le sont pas du tout. Dès lors que tout est équilibré et calé sur les exogènes, on va pouvoir « arbitrer » le compte c’est à dire qu’il va y avoir une confrontation entre l’approche demande d’un côté et l’approche « production – revenus » de l’autre. En France c’est l’approche « production – revenus » qui fournit la cible dues PIB.

 

a) l’approche demande

Le PIB est calculé en valeur et en volume, et est constituée des différents éléments de la demande finale issue des EREs, éléments auxquels on a enlevé les importations pour parvenir au PIB. À coté des opérations « FBCF des SNFEI » et « variations de stocks », on note les données « indicatives » qui sont issues d’Esane pour ces deux opérations : cela permet de comparer facilement l’approche secteur/Esane et l’approche ERE, et ainsi de mesurer le décalage entre les deux.

 

b) l’approche production / produits

Ce PIB est également issu des EREs, et existe également en valeur et en volume. Il se contente juste de faire la différence entre la production des produits dans les EREs et la CI des produits, également issue des EREs, auxquelles on a ajouté les impôts sur les produits et retiré les subventions sur les produits. Si les marges de transport et de commerce sont nulles, ainsi que les transferts de production, sur le total des produits, et que tous les EREs sont équilibrés entre ressources et emplois, cette approche « production-produit » donne le même PIB que l’approche demande.

 

c) l’approche production-secteurs (« revenus »)

Ce PIB correspond aussi à une approche production du PIB (Production – CI + impôts – subventions), Mais la source n’est pas les EREs mais les comptes de secteurs exogènes, plus les données issues du PAC (Passage aux Comptes) pour la partie SNFEI (voir page Comptabilité nationale et comptabilité privée). Pour un compte définitif, c’est ce quadrant qui définit la cible de valeur ajoutée (VA). N’étant fondée que sur les comptes de secteurs, cette approche n’existe qu’en valeur.

 

d) l’approche production,PSB-TEI

Ce PIB représente toujours l’approche production, mais du point de vue du Passage secteur-branche (PSB) pour ce qui est de la production et du TEI pour ce qui est de la CI. Depuis la base 2010, celle-ci est calée sur Esane, alors qu’elle était auparavant projetée lorsqu’il n’y avait pas de PAC : CI retenue dans les bases 2000 et 2005 pour un compte semi-définitif (SD). Cette approche fait le lien entre l’approche production issue des EREs et l’approche production issue des comptes de secteurs. Puisque tout ce qui est récupéré des EREs par le PAC, ou inversement ce qui est récupéré par les EREs du PAC transite par ces deux tableaux (PSB et TEI) cette approche un peu factice permet de vérifier rapidement, lorsque les données des EREs et du PAC sont très divergentes, quel maillon de la chaine est déficient.

 

 

3/ Comment interpréter les différentes approches du PIB ?

a) Les deux approches issues des EREs

Initialement, les EREs sont calculés à partir d’éléments de production identiques à ceux qui servent à faire et le PSB, et le PAC. La production devrait être cohérente spontanément dans les trois approches production. Les deux approches issues des EREs ont un impact déterminant car ce sont elles qui vont déterminer le volume du PIB (l’approche « revenu » n’existant qu’en valeur) et donc la croissance en volume qui est l’agrégat le plus regardé. Néanmoins le PIB en valeur est déterminé par l’approche « revenu ». Donc à l’issue de la première synthèse, la comparaison de la VA des SNFEI entre EREs dits « spontanés » et PAC donne l’ampleur « du chemin qu’il reste à parcourir ».

Il faut voir ces 2 approches comme étant indissociables : elles fonctionnent exactement comme un ERE dont la présentation aurait été un peu modifié. En théorie, un écart sur le PIB entre ces 2 approches ne peut s’expliquer que par :

– un ou des EREs est déséquilibré entre ressources et emplois,

– la cohérence des marges de transport ou de commerce n’est pas assurée, les branches commerce et/ou transport produisent trop/pas assez de marges par rapport à ce que demandent les biens, du coup le total des marges n’est pas nul (voir pages Comptes des transports, Comptes du commerce).

Réalisation de la fiche du PIB : les deux approches issues des ERE (exemple en 2017)

 

 

b) l’approche production-secteurs (« revenus »)

L’approche « revenu » calculée par la division synthèse générale des comptes (SGC) de l’Insee donne la cible de valeur ajoutée, donc du PIB, sur laquelle doit se caler la division synthèse des biens et services (SBS).

En réalité, l’approche production-produits et l’approche production-secteurs (« revenus ») sont, si les exogènes sont bien respectés, strictement identiques sur la partie production/CI/VA des secteurs exogènes, sur les impôts et les subventions sur les produits.

L’unique élément « arbitrable » reste donc la partie production/CI/VA des SNFEI. En théorie, les éléments de production sont censés avoir un statut d’exogènes : l’arbitrage se fait donc sur les CI des SNFEI. Si dans un premier temps c’est le calage sur les autres éléments (notamment la production) qui est prioritaire, cette variable devient rapidement la variable clé.

Le déroulement d’une campagne

 

 

 

 

4/ Le cas standard : l’arbitrage sur la CI

On peut dire que globalement trois sources s’affrontent :

– La CI par secteur d’activité, qui est issue du PAC des SNFEI,

– La CI par produit, qui est issue de l’équilibrage de chacun des EREs,

– La CI par branches/produits, issue de la projection à coefficients techniques constants du TEI.

L’objectif de l’arbitrage n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, de privilégier telle ou telle source. Il s’agit juste de les comparer entre elles afin de se poser les bonnes questions. Le seul lieu où une confrontation directe est possible est le TEI. Il s’agit de se caler autant que possible sur la VA des SNFEI issue du PAC. Cependant, il faut rendre compatible cette CI « secteur » avec la CI produit des EREs, qui ont l’avantage de proposer une analyse cohérente de chacun des produits. On confronte donc les différentes versions de CI des produits (ce sont les effets-lignes) mais aussi les différentes versions de CI des branches (effets-colonnes) (voir définition ci-dessus).

Il existe des différences entre la convergence des approches à partir du TES et du TEE entre un compte définitif et un compte SD. Pour le premier, on calcule des CI branche à partir des CI de secteurs d’activité « passées » en branche moyennant une hypothèse « technologie ». C’est ce qu’on appelle la CI calée sur Esane – PAC, ce qui permet de calculer un effet colonne. Pour le compte SD, la confrontation de la CI se fait sur l’ensemble du secteur institutionnel des SNFEI : la cible de VA des SNFEI concerne l’ensemble des SNFEI et non pas chacune des branches. On note aussi que la production n’est pas spontanément égale dans les ERE et le TEE pour un SD du fait de méthodes différentes (calage sur Esane pour le TEE, pas pour les ERE). Une autre différence entre les 2 comptes est liée au fait que la FBCF des SNFEI issue d’Esane peut servir de cible pour le définitif mais pas pour le SD, contrairement aux variations de stocks. Dans la pratique toutefois, la « cible » FBCF des SNFEI de la source Esane n’est guère retenue pour arbitrer la FBCF des ERE.

 

 

Durant tout le processus d’élaboration des comptes, il existe 4 versions de TEI que l’on peut comparer :

  • Le TEI projeté (en volume avec stabilité des coefficients techniques puis en valeur moyennant des indices de prix des CI),
  • Le TEI calé sur les ERE (recalculé à chaque tour de TES),
  • Le TEI calé sur Esane,
  • Le TEI calé sur Esane recalé sur les ERE (après les réunions de concertation qui ont conduit à rapprocher la CI des ERE de la CI du PAC et donc à modifier la CI de certains ERE).

Cependant, l’ensemble des TEI sont analysés et confrontés afin de comprendre les différences et de les réduire si elles signalent une anomalie statistique ou économique.

En pratique, le calage commence par un calage en colonne (afin de tenir compte de la structure des CI du PAC – 3° étape) puis par un calage en ligne (4° étape). Jusqu’aux réunions de concertation, ce sont donc les CI spontanées des ERE qui sont retenues. Après ces réunions, il faut caler les CI des ERE sur les CI du PAC même si d’autres tours de TES ont lieu et si de nouveau on se cale sur les nouvelles CI des ERE.

En outre, le TEI retenu (avant l’arbitrage sur la CI du PAC) est :

  • Pour un compte SD et PROV : le TEI calé sur les ERE
  • -Pour un compte DEF : le TEI calé sur Esane recalé sur les ERE

 

 

 

5/ L’arbitrage du PIB et des ERE

Le PIB de l’approche « demande » étant égal à la somme des emplois finals moins les importations, le calage sur l’approche revenu revient à arbitrer surtout la FBCF et les variations de stocks utilisateurs en France et dans une moindre mesure la consommation finale des ménages (CFM), alors que sa part dans les emplois est de 70%. Mais celle-ci serait mieux connue que la FBCF aussi bien globalement que par produits, les autres agrégats (commerce extérieur) n’étant guère modifiables.

En réalité, on dispose de nombreuses sources pour la FBCF. Mais on ne les utilise pas toujours. Par exemple, la FBCF des SNF – EI issue des ERE est quasiment supérieure depuis la base 2000 à celle issue d’Esane.

En revanche les variations de stocks sont normalement une « cible » issu des données d’entreprises du PAC sur laquelle doit se caler le TES. Dans la pratique celle-ci n’est pas toujours retenue notamment pour le compte SD, voire même pour le compte définitif. Il subsiste une incertitude sur le calcul de l’appréciation sur stock (voir page Variations de Stocks). Il faudrait probablement améliorer la méthode pour un calage plus ferme en fixant d’emblée  les variations de stock de certains produits (pétrole raffiné) comme on le fait déjà pour l’agriculture.  On montre plus loin que cette absence de calage sur les stocks modifie la cible de la VA de l’approche « revenu » (car les stocks rentrent dans le calcul de la VA), ce qui pose problème.

 

 

L’arbitrage des ERE doit être réparti par produits. Certains ERE, présentés en Commission des Comptes (agriculture, services ou commerce,…), sont probablement moins arbitrés que ceux de l’industrie ou de la construction (FBCF, CI et variations de stock). On n’arbitre pas les ERE de l’agriculture (comme dans de nombreux pays). On estime de manière assez précise les ERE du commerce qui comprennent les marges commerciales (9,2% de la production globale) qu’on peut néanmoins arbitrer en tout début de campagne d’un compte. Durant les années 2010, les ERE des services, hormis quelques produits (location immobilière, logiciels), les ERE des transports, étaient aussi à priori peu modifiés. De même ne sont pas arbitrés les ERE des services principalement non marchands et ceux des activités financières. En particulier on n’arbitre jamais l’ERE du SIFIM (services d’intermédiation financière indirectement mesurés) qui fait l’objet d’une évaluation précise des emplois et des cases fixées dans le TEI.

Certaines données du cadre central sont reprises des comptes satellites présentés dans ces Commissions : loyers imputés des propriétaires du compte satellite du logement, compte satellite de la santé. Ce compte est en effet théoriquement cohérent et articulé avec le cadre central aussi bien sur le plan des concepts que des évaluations. Ces données ne sont donc pas arbitrées dans les ERE. La CFM peut être toutefois arbitrée sur plusieurs produits (voir Consommation des ménages).

 

Les arbitrages peuvent aussi affecter le compte semi-définitif (SD), notamment du côté des ressources (production et marges commerciales). Les ventes des SNFEI n’y sont pas des données exogènes de même que les marges commerciales. Ces marges sont néanmoins arbitrées pour être cohérentes avec la source Esane. On aurait pu penser que la production des branches à marges (industrie) aurait été modifiée en sens opposé, de manière à moins modifier les emplois. Mais l’arbitrage est parfois effectué sur la production de quelques autres branches soit parce que la source Esane n’est pas suivie pour estimer les ventes, soit parce qu’on dispose d’autres informations. On préfère conserver les évolutions des ventes Esane de l’industrie, sachant qu’elles seront reprises dans le compte définitif. Ce faisant, on ne répartit pas les arbitrages entre toutes les branches.

Faits de manière détaillée (NAF 138), ces arbitrages peuvent varier dans des sens opposés selon les produits. Ils peuvent être aussi faits en volume mais cette fois ce n’est pas pour être cohérent avec le PIB de l’approche « revenu ». De nombreux pays arbitrent le PIB simultanément en valeur et en  volume (voir page Calcul du PIB dans plusieurs pays).

Dans des ERE comme ceux de la construction ou l’industrie, l’arbitrage peut être en contradiction avec d’autres sources. Par exemple, on sera amené à modifier la FBCF de l’ERE de la construction pour se rapprocher du PIB de l’approche « revenu », alors que l’ERE initial prenait en compte les données des enquêtes (ESA) auprès des entreprises qui permettent de faire un passage des ventes au partage des emplois. Il est vrai que le profilage d’entreprise rend parfois difficile la ventilation par branche quand quelques entreprises profilées comprennent plusieurs centaines d’unités légales qui ne sont plus enquêtées depuis 2012. Toutefois les arbitrages vont parfois dans le bon sens (voir cas de la construction ci-dessous) ou bien ils se compensent durant deux années successives.

On dit qu’une source statistique est fiable quand elle en corrobore d’autres. Par exemple pour la FBCF de l’automobile, toutes les sources (Chambre des constructeurs automobiles français, enquête Insee « achats » de 2017, comparaisons internationales) montrent que celle-ci est bien estimée en France (voir page la FBCF).

 

 

 

 

 

6/ Un exemple fictif d’arbitrage

Tableau 17 arbitrage du PIB France exemple fictif

L’exemple fictif suivant explicite ces 4 tableaux et l’arbitrage du PIB en France. Il est simplifié :

  • taux de TVA =1,
  • pas de marges,
  • pas de cases fixées dans le secteur des SNFEI,
  • surtout un calage sur les ERE en étape 2 et ensuite un calage sur la CI des comptes des SNFEI en étape 3,
  • on a supposé le TEI projeté en valeur connu et on en a déduit le TEI projeté en volume de l’année N et celui en valeur de l’année N-1. Alors que dans la pratique on part du TEI en valeur de l’année N-1 qu’on projette en volume puis en valeur en multipliant par les indices de prix des CI.
  • on a supposé le PIB (PSB – TEI) égal à la différence entre la production du PSB et la CI projetée (815 dans l’exemple) comme on le faisait autrefois pour un compte SD car le PAC n’était pas disponible (voir ci-dessus).
  • l’arbitrage des CI des ERE se fait ici de manière automatique au prorata alors que dans la pratique il ne concerne que quelques produits.

Les chiffres en jaune sont mal connus souvent estimés à partir de clés anciennes, rendant d’autant plus fragile la « cible » de l’approche « revenu » (810 dans l’exemple). Sont concernés les comptes des secteurs des ménages et dans une moindre mesure des ISBLSM.

Les PIB de l’approche « production / produits » et de l’approche « demande » issus des ERE sont de 825.

Au final, tous les PIB sont égaux à 810, abstraction faite d’un ajustement statistique final de l’approche « revenus » sur les autres approches, qui a lieu dans la pratique (voir page Calcul du PIB dans plusieurs pays).

 

 

 

Au final, l’arbitrage porte d’abord sur le PIB « demande ». Sur une baisse de 15, 10 ont été pris sur la FBC (en pratique la FBCF), comme ceci semble en partie le cas en France. Ce n’est pas cette variable qui est arbitrée dans plusieurs pays. Les 5 restant l’ont été sur la consommation finale des ménages (CFM), par exemple celle en hôtels et restaurants dont le partage de la production entre CI et CFM est assez mal connu.

 

 

 

 

 

7/ Les arbitrages du PIB en base 2010

Le tableau suivant fournit les valeurs des composantes du PIB selon l’approche de la production, des dépenses et des revenus avant et après l’équilibrage, ainsi que l’ajustement d’équilibrage apporté à ces composantes pour le compte définitif de 2010, (tel que présenté dans le process-table).

Équilibrage du process table en France en 2010 en millions d’euros

 

Pour l’approche par la production, le principe de réconciliation pour l’année de référence 2010 est que le PIB obtenu en additionnant les composantes des emplois finals, soit aligné sur l’évaluation du PIB obtenue à partir des chiffres de la valeur ajoutée. Dans la pratique, l’alignement avec la VA n’est pas de 100 %. (voir ci-dessus).

Pour l’approche « demande », le tableau combine les effets des soldes et des ajustements finaux affectant des variables qui ne sont pas normalement équilibrées comme la FBCF et les variations de stocks.

Les variations des stocks sont principalement déterminées par Esane. Néanmoins, un ajustement limité de l’équilibre résiduel est effectué afin d’assurer l’équilibre ressources/emplois pour chaque produit. Il représente 0,7 milliard d’euros, pour les variations de stocks de travaux en cours et -0,1 milliard pour les variations de stocks de matières premières et fournitures. Il convient de noter que l’arbitrage sur les variations de stocks correspond approximativement à l’arbitrage sur la production et la CI, ce qui est logique puisque le passage des variations de stocks dans les comptes d’entreprises à celles calculées par les comptables nationaux affecte la valeur ajoutée dans l’approche de la production.

 

 

 

a)  la production

Le tableau ci-dessous présente les valeurs d’équilibrage selon l’approche de la production pour la période 2009-2014. Les chiffres montrent la toute dernière étape de réconciliation.

Les valeurs d’équilibrage selon l’approche de la production pour la période 2009-2014 en millions d’euros

 

 

 

b)  La FBCF

Le tableau ci-dessous montre la valeur d’équilibrage de la FBCF liée à l’approche par les dépenses pour la période 2009-2014. La FBCF est à priori un bon candidat à l’équilibrage lorsqu’on cherche à réconcilier les estimations du PIB obtenues par différentes approches. L’évaluation de la FBCF fait l’objet d’une pré-réconciliation, du fait des deux évaluations réalisées du point de vue respectif des investisseurs et des produits investis. On verra toutefois que l’arbitrage du PIB via la FBCF mérite discussion.

La valeur d’équilibre de la FBCF liée à l’approche « dépenses » pour la période 2009-2014 en millions d’euros

 

 

 

c) Les variations de stock

En revanche, les variations des stocks ne peuvent servir de variable d’arbitrage comme on l’a vu ci-dessus. Cela nécessite quelques explications, à commencer par l’équation qui définit le PIB, en omettant les éléments de quantification (impôts et subventions sur les produits) qui compliquent l’expression :

En effet, deux éléments de cette équation ne sont pas indépendants. Dans le système de comptabilité nationale français, la majeure partie des composantes marchandes de la production et de la consommation intermédiaire est mesurée à partir du calcul de la production non stockée (qui est dérivée des ventes) et des achats pour la consommation intermédiaire. En partant de l’expression ci-dessus, on obtient l’équation suivante :

Autrement dit, puisque les variations de stocks apparaissent de part et d’autre de l’équation reliant la valeur ajoutée et les emplois finals, il s’ensuit qu’elles ne peuvent jouer aucun rôle dans le rapprochement de leurs valeurs respectives en cas de divergence du PIB. Ceci ne s’applique qu’aux variations de stocks utilisées dans une méthode de calcul de la production qui prend les ventes comme point de départ. Lorsque, comme c’est le cas pour de nombreux produits agricoles par exemple, les sources statistiques permettent de calculer directement la production, les variations de stocks peuvent avoir un rôle à jouer dans le rapprochement entre la valeur ajoutée et les utilisations finales puisque leur évaluation rend possible le passage de la production aux livraisons.

 

Ainsi en retenant les variations de stocks des ERE (22 dans l’exemple suivant) différents de ceux  du PAC (25), comme ceci s’est produit parfois dans le passé pour un compte SD, la VA du PAC devrait changer en conséquence, 62 au lieu de 65, soit en changeant l’appréciation sur stocks, soit en changeant les variations de stocks de la comptabilité d’ entreprise. Mais on le fait pas (page Appréciation Stock). On ajuste un arbitrage de -3 sur les variations de stock pour se caler sur celles des ERE. Ainsi, si Les ERE s’écartent de la cible de stocks, la méthode actuelle  ne prend pas en compte les effets-retour : La VA cible du PAC n’est pas changée comme elle pourrait l’être (tableau suivant). On admet d’ailleurs que pour un compte définitif, cette différence sur les variations de stock ne peut exister.

 

 

 

d) la dépense de consommation finale

La dépense de consommation finale constitue la plus grande partie du PIB. Pour l’année de référence, la dépense de consommation finale des ménages est estimée à un niveau très détaillé, en utilisant diverses sources de données et en confrontant des sources de données sur des produits spécifiques. Par conséquent, en règle générale, la dépense de consommation finale des ménages n’est pas un bon candidat pour la réconciliation en phase finale.

La dépense de consommation finale des ISBLSM et des administrations publiques est par construction identique dans les trois approches, qui sont basées sur les mêmes sources. Les dépenses de consommation finale des administrations publiques ou des ISBLSM ne peuvent pas non plus être équilibrées puisque la correction de contrepartie de la production affecterait la valeur ajoutée du même montant (voir l’exemple fictif ci-dessus).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

III – DISCUSSION DE LA MÉTHODE FRANÇAISE PAR RAPPORT AUX AUTRES PAYS

La France privilégie l’approche « revenu » tout en faisant un TES en branche pure. L’Insee donne plusieurs raisons à ces choix discutables. Parmi elles, il s’agit de donner la priorité au TEE qui s’appuierait sur des sources statistiques fiables contre un TES en branche pure qui résulterait d’hypothèses fragiles  (voir page TES Symétrique) : Il s’en suit des calculs assez approximatifs des CI « passées » en branches à partir des CI des sous-secteurs d’activité, moyennant une hypothèse de technologie : technologie secteur d’arrivée pour une année de base, technologie secteur en année courante. La VA par secteurs d’activités est mieux estimée que celle par branche.

Mais d’un autre côté on aurait pu penser que privilégier l’approche « revenu » conduirait d’autant à faire un TES par secteur d’activité (TRE dans les autres pays) puisque les 2 tableaux permettraient des passerelles utiles lesquelles ne peuvent exister entre un TES en branche pure et un TEE (voir page Liaison entre TEE et TES). En effet, avec un TES français en secteurs activité, la cible du PIB resterait là même si l’approche « revenus » reste privilégiée. Mais c’est aussi une autre question : aucun pays ne semblent s’aligner sur le PIB de l’approche « revenus ».

 

 

1/ les arbitrages de la FBCF sont-ils toujours justifiés ?

Les sources ne manquent pas pour estimer cet agrégat aussi bien pour les produits industriels que pour ceux de la construction (voir page  la FBCF). Or les clés de partage « CI / FBCF » datent de bases très anciennes (1980). Les efforts ont porté en base 2005 sur le passage de la NAF rév 1 à la NAF rév 2. Ces clés ont été supposées fixes moyennant un ajustement de la CI (et donc de la FBCF) pour réduire les “effets-lignes”. Ainsi, on n’utiliserait pas souvent les sources, notamment pour l’industrie, pour estimer la FBCF par produit, ce qui permettrait d’arbitrer celle-ci, malgré l’importance de cet agrégat dans l’économie.

L’exemple suivant dans la construction montre l’arbitrage réalisé sur la sous-traitance et par ricochet sur la FBCF en base 2010. Le taux de sous-traitance incorporée issue de l’enquête ESA est estimé en 2009, pour l’ensemble du chiffre d’affaires (CA)  des branches F41B-F43Z, à environ 10,8%. Néanmoins les premières estimations d’emplois réalisées sur la base de ce taux de sous-traitance conduisaient à un niveau de la FBCF et de la VA de la construction jugée incompatible avec la cible générale de valeur ajoutée calculée à partir de l’approche revenu. Une confrontation a alors été réalisée entre le taux de sous-traitance incorporée de l’ESA et le taux de sous-traitance (incluant la sous-traitance générale) calculé à partir de la liasse fiscale. La comparaison faisait apparaître un écart de près de 5 points entre le taux de sous-traitance incorporée de l’ESA et le taux de sous-traitance de la liasse fiscale. En l’absence d’explication de l’ampleur de cet écart, et compte tenu de la nécessité d’arbitrer à la baisse la valeur ajoutée de la Construction, c’est la source fiscale qui a été privilégiée pour déterminer le taux de sous-traitance incorporée retenu en base 2010 : celui-ci a été arbitré à 92% du taux de sous-traitance total de la liasse, soit 14,5% en 2009.

Cet arbitrage revenait à augmenter de 35% environ en 2009 l’ensemble des montants sous-traités ventilés par type de construction, type de travaux et secteurs institutionnels (tableau suivant). Il allait heureusement dans le bon sens, non seulement en réduisant l’effet-colonne (différence entre la CI projetée et la CI « passée en branche » à partir d’Esane) de la branche construction du TEI, mais aussi en diminuant la FBCF en construction (voir page comptes bâtiment travaux publics).

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Dans ce cas, on a fait d’une pierre deux coups (calage sur le PIB « revenu »; meilleure estimation de la VA de la branche construction). Il reste que la méthode française rend parfois délicate l’analyse économique des comptes de production et d’exploitation d’une branche (en colonnes) mais aussi des produits (ERE en lignes). Mais il faut bien distinguer à ce stade deux types d’arbitrage du côté des ERE :

  • D’une part, diverses sources utilisées n’aboutissent pas toujours au même résultat d’un agrégat pour un ERE (construction, automobiles, transports, …). Il faut donc arbitrer entre différentes sources, et pour cela les analyser et approfondir sa connaissance du domaine sur lequel portent les estimations. Souvent, les diverses sources ne portent pas exactement sur des concepts identiques à ceux de la comptabilité nationale (par exemple FBCF du compte satellite du logement et FBCF des comptes nationaux – voir page Comptes bâtiment travaux publics). Ces arbitrages nécessitent certes beaucoup de travail et de temps mais ils permettent parfois une meilleure qualité que les estimations par solde d’un agrégat particulier, par exemple la CI d’un ERE.
  • D’autre part, les arbitrages d’un agrégat d’un ERE, surtout la FBCF dans le cas français, pour se caler sur le PIB des approches « production » et « revenu », sont délicats quand ils remettent en question les arbitrages précédents.

 

 

 

2/ La CI de certains secteurs institutionnels, ménages, ISBLSM, voire sociétés financières, est assez mal connue

Le dernier point est l’hypothèse fragile de connaissance des CI donc de la VA des secteurs institutionnels des ménages et des ISBLSM, et donc de leurs branches, estimées selon les clés fixes, ainsi que les CI par produits. La décomposition de la CI totale des APU et des IF par produits est aussi fragile.

Si on modifie la CI des ménages de 20 à 15 (-5 en services) dans l’exemple précédent, le PIB de l’approche « revenu » augmente de 5 passant de 810 à 815. Mais le PIB de l’approche « demande  » ne change pas, restant à 825. En effet, comme la CI en services par les ménages diminue de -5, la CI des SNFEI augmente de +5 par solde et donc la CI totale des SNFEI passe de 635 à, 640. Donc la CI totale des ERE ne change pas. L’écart entre les PIB des deux approches n’est plus de 15 mais de 10. Le calcul des CI des secteurs institutionnels « exogènes » a donc une influence sur de PIB de l’approche « revenu ».

Mais  même la CI des sociétés non financières (SNF) est-elle bien estimée? Certes on dispose de la source Esane. Mais le passage aux comptes (PAC) est-t-il bien maitrisé notamment pour le calcul des CI ? N’oublie-t-on pas de retirer de celles-ci des redevances de licences d’exploitation de logiciels un peu comme on retire les redevances de crédit-bail (mais qui portent sur des biens corporels) ? Louer une licence d’exploitation à une entreprise informatique pour plusieurs années ne s’pparente-il pas à du crédit bail qu’on traite en FBCF dans les comptes nationaux?

 

Le calcul du PIB selon l’approche « revenu » n’est ainsi pas parfait : les comptes des ménages (chiffre en jaune dans le tableau ci-dessus) et des ISBLSM sont assez fragiles (« bloc mou »). On montre toutefois que la fiabilité des données du « bloc dur » du TEE : sociétés non financières et entreprises individuelles, administrations publiques (APU), Reste du Monde, celui où les comptes sont fiables, permet de reconstituer certains agrégats du « bloc mou », notamment les revenus reçus et la capacité de financement. Il reste à estimer la valeur ajoutée (VA) des ménages et des ISBLSM d’une part et la consommation finale (CF), la FBCF d’autre part. La VA est estimée selon l’approche « production »; la CF et la FBCF selon l’approche « demande ». Comme l’approche « production » est à priori plus fiable que l’approche demande pour les comptes des secteurs institutionnels, les comptables français l’utilisent pour estimer la VA des ménages et des ISBLSM. Reste l’arbitrage le plus difficile, celui qui permet de ventiler les dépenses entre CF et FBCF. De cet arbitrage, dépend le taux d’épargne des ménages.

Ne conviendrait-il pas d’estimer au mieux la FBCF globale et par produits (ainsi que la CF) et de l’intégrer dans la FBCF globale (et par secteurs institutionnels) du TEE, pour en déduire celle des ménages et des ISBLSM, quitte à modifier les comptes de ces deux secteurs, y compris leur VA ? Par exemple, l’essentiel de la FBCF des ménages étant en construction et en services annexes (architectes, notaires), il faudrait s’appuyer à la fois sur celle des ménages estimée dans les ERE et sur les données du compte satellite du logement (CSL).

 

Pour la VA des sociétés financières, des ménages et des ISBLSM, les comparaisons internationales sont instructives. Qu’il s’agisse des TES-TRE (disponibles en 2016) ou des comptes de secteurs institutionnels (disponibles en 2018), le taux de valeur ajoutée « VA / production » est plus élevé en France. Pour les ménages, le ratio français est le plus élevé : 82% en 2018 contre 69% dans les pays européens. Ceci mériterait d’être précisé. Pour les ISBLSM, le ratio est aussi supérieur à la moyenne des autres pays : 67% contre 61%. Pour les sociétés financières, il est en revanche sensiblement inférieur : 39,% en France contre 47% dans l’UE en 2018.

Taux de valeur ajoutée des secteurs institutionnels où la mesure de la CI n’est pas estimée à partir de sources directes en % en 2018

 

C’est la branche « Loyers imputés des logements occupés par leur propriétaire » qui explique le différentiel entre la France et les autres pays pour le ratio des ménages : le taux de VA y est de 92% en France contre 84% en Europe. Mais la branche « Hébergement médico-social et social et action sociale sans hébergement » n’est pas en reste (81% en France contre 69% en Europe).

 

 

En comptabilité nationale, les propriétaires occupants, qui sont à la fois producteurs et consommateurs de service de logement, se versent des loyers « imputés » qui correspondent à la rémunération du service de logement (voir page Ménages et ISBLSM). Certains contestent qu’elle fasse partie du PIB. Un propriétaire occupant est ainsi, au même titre qu’un bailleur, une unité productrice de service de logement (mais pour son compte propre). L’achat de son logement est considéré comme un investissement, dont sa production associée est rémunérée par un loyer fictif qui abonde son revenu. Avec ce revenu, le ménage consomme le service de logement pour un montant égal au loyer « imputé ».

La production des services de logement (loyers réels et « imputés ») est évaluée par le compte satellite du logement (CSL). Celui-ci évalue les loyers à partir de diverses enquêtes (notamment les enquêtes Logement, Budget de familles, Loyers et charges) et du recensement.  Ces enquêtes fournissent un montant de loyer par m², par secteur de location (personne physique,…) et par type de logement (individuel ou collectif) et permettent de calculer les loyers « imputés » et réels. La méthode d’estimation des loyers imputés utilise un modèle économétrique fondé sur un certain nombre de variables : le nombre de pièces du logement, la surface moyenne des pièces, etc… Le modèle utilisé revient à imputer aux logements des propriétaires d’une strate donnée le loyer moyen de la classe correspondante du parc locatif.

En base 2010, une autre modification affecte la production de service de logement. En premier lieu, le service produit par les gardiens d’immeubles (1,5 Mds en 2010) est désormais inclus dans le service de logement – qui mesure donc un loyer y compris charges récupérables de gardiens d’immeubles – alors qu’en base 2005, ce service était inclus dans la production des ménages en tant qu’employeurs de personnel domestique ou en services relatifs au bâtiment. Mais la valeur des loyers (réels ou imputés) avait été peu révisée en 2010 (+0,4 Mds). Mais pour les ménages propriétaires et producteurs d’un service de logement, la production a été révisée de +11,6 Md€ (dont +10,6 Mds du fait d’un recalage sur le CSL). La seule source de données disponible est le CSL qui décline la production totale en loyers par filière et décrit les charges des propriétaires.

On note que la production en location et exploitation de biens immobiliers des entreprises non financières (ENF) a été revue dans le même temps de 13,9 Md€ à la baisse après une meilleure prise en compte de la comptabilité d’entreprise et des pratiques effectives d’enregistrement des entreprises (exclusion des charges déductibles des loyers déclarés par les entreprises bailleuses dans leur chiffre d’affaire, reprise partielle des autres produits d’exploitation dont une part seule s’avère être de la production, par exemple). Enfin, la production des institutions financières (IF) en location et exploitation de biens immobiliers a été révisée de +2 Md€, suite notamment à la révision du passage au compte des assurances et à la prise en compte de nouvelles données sur les mutuelles et les institutions de prévoyance.

La CI des branches loyers réels et des loyers « imputés » est estimée avec des clés fixes appliquées à la production à un niveau moins fin que le seul service de logement. Ces clés ont été déterminées en 2010, grâce à l’enquête logement. Elles sont différentes pour le service de logement « imputé » (8,3%) et pour le service de logement réel (24,4%). La CI couvre la location et les services immobiliers dans leur ensemble (y compris par exemple la location de locaux ou de bureaux)  La CI montre toutes les charges imputables aux propriétaires (chauffage, éclairage, cuisson, eau, primes nettes d’assurances,…) par secteur : bailleurs comme personnes physiques (ménages produisant un véritable service de logement) et propriétaires-occupants (ménages produisant un service de logement imputé). La CI des ménages en location a été revue à la hausse en base 2010 (+4,8 Mds).

Du coup la VA a été revue à la hausse de +2,0 Mds en 2010 dont +6,5 Md€ pour les ménages dont + 5,8 Md€ du fait du recalage sur le CSL (le reste de la révision de la VA des ménages étant surtout imputable au nouveau traitement des gardiens d’immeubles), mais –6,1 Md pour les ENF suite à la baisse de la production et enfin +1,6 Mds pour les IF.

On peut toujours arguer que la production de loyers imputés est consommée par les ménages propriétaires occupants et que donc l’approche « demande » du PIB ne s’écarte pas trop de l’approche « production » du fait de la faible part des CI (un peu plus de 11% de la production pour l’ensemble des loyers). Mais il subsiste une grande incertitude sur celles-ci du fait des clés fixes. D’autre part, on observe que les modifications en base 2010 par secteurs institutionnels se compensent quelque peu ce qui laisse perplexe.

D’autant que le taux de VA (valeur ajoutée / production) des ménages, y compris les entreprises individuelles, est de 81% en France en 2016, largement au-dessus des 68% dans l’UE, ce qui pourrait suggère que la CI est sous-évaluée dans l’action sociale et les services de logement. Le taux de VA des ISBLSM est aussi supérieure en France (67% contre 61% dans l’UE).

Ces comparaisons laissent penser que le PIB de l’approche « revenus » serait surestimé en France. Or l’arbitrage en base 2010 (année 2010) semble montrer que le PIB de l’approche « demande » était plus élevé. Il reste que les estimations de la VA des ménages et dans une moindre mesure des ISBLSM semblent fragiles.

 

En conclusion, les autres pays n’ont pas ce primat de « l’approche revenu » (l’approche production par secteurs institutionnels) dans le calcul du PIB. La fragilité de cette approche en France repose surtout sur les CI des branches des secteurs institutionnels S12 (sociétés financières), S14B (ménages purs) et S15 (ISBLSM) où il n’y a pas de sources directes : soit elles sont calculées par clés (S12), soit elles « soldent » un équilibre comptable (production = somme des coûts). Si l’enquête « associations » permet de mieux estimer la CI du S15, voire confirme le niveau de la base actuelle, c’est un élément rassurant. En outre comme les CI des branches du S15 soldent un équilibre comptable, si les autres variables sont bien estimées, on peut en déduire que les CI sont bien estimées.

Enfin, même si on n’a pas de sources directes pour estimer les CI de certains SI comme les ISBLSM (on disposera de l’enquête association), on ne peut pas dire  qu’il y ait davantage de sources pour estimer la CI des produits (du moins dans les produits industriels où le partage entre CI et FBCF est assez mal estimé dans la base actuelle). Mais ici aussi ce point pourrait être amélioré dans une future base en estimant au mieux la FBCF en produits industriels, logiciels. et construction.

 

 

 

 

 

IV – LE CALCUL DU PIB DANS LES COMPTES TRIMESTRIELS

Les chiffres trimestriels sur l’évolution du produit intérieur brut (PIB) et de ses principaux agrégats comptent parmi les indicateurs les plus significatifs de l’état de toute économie, que ce soit au niveau national ou européen, et présentent un intérêt majeur pour les utilisateurs. Les utilisateurs typiques des chiffres des comptes nationaux trimestriels (CNT) sont les analystes de marché, les prévisionnistes ou les conseillers en politique économique et monétaire.

L’élaboration des comptes trimestriels à partir de régressions econométriques qui mettent en rapport des variabes exogènes plutôt en branche (immatriculations de voitures neuves, construction de logements, indices de production industrielle,..) est une des raisons invoquée par les comptables nationaux français pour continuer de faire un TES en branche pure.

 

 

1/ La méthode des comptes trimestriels en France

a) l’étalonnage – calage

L’objectif des comptes trimestriels est d’avoir des comptes rapidement disponibles qui permettent de décrire la conjoncture économique. Il s’en suit

  • un arbitrage entre disponibilité et précision,
  • un niveau de détail moindre que les comptes annuels,

Les comptes trimestriels doivent être calés sur les comptes annuels et corrigés des variations saisonnières et du nombre de jours ouvrables (CVS-CJO)

Certaines données ne sont qu’annuelles (données fiscales par exemple) : il faut recourir à l’économétrie pour avoir des séries trimestrielles (à un niveau moins détaillé que les séries annuelles),

La construction des comptes trimestriels du passé consiste en une « trimestrialisation » des comptes annuels à l’aide de l’information infra-annuelle disponible

Le principe de construction est d’associer à chaque opération d’un compte un indicateur dont l’évolution peut être considérée comme représentative de celle de l’opération. Par exemple : le calcul annuel des de l’opération consommation des ménages d’automobiles se fait à partir du fichier très détaillé des cartes grises. Au niveau trimestriel, on dispose d’un indicateur synthétique I : le nombre total des immatriculations de véhicules neufs.

On fait des régressions entre les deux variables (étalonnage) puis un calage de la série estimé des 4 trimestres sur la donnée annuelle (calage).

 

 

À chaque publication, tous les trimestres sont révisés depuis 1978 La méthode d’ « Étalonnage-calage » implique un amortissement des variations des indicateurs. Dans les comptes trimestriels, il y a ainsi une partie expliquée par les indicateurs  (beta * indicateur) et une autre résiduelle (alpha + u). En lissant en temps normal cette partie inexpliquée, on fait implicitement l’hypothèse que la meilleure estimation possible de l’évolution de cette partie est la prolongation des tendances passées. Près de 3 000 indicateurs sont utilisés.

 

 

1 – Exemples d’indicateurs utilisés dans le TES

  • Production : Indice Ia production industrielle (IPI), indices de chiffres d’affaires…
  • Consommation : enquêtes Banque de France (auprès des détaillants), nombre d’immatriculations, indicateurs du panéliste GfK, Cnam…
  • FBCF : mises en chantier, nombre d’immatriculations,…
  • Echanges extérieurs : données douanières, balance des paiements

 

2 – Exemples d’indicateurs utilisés dans le TEE

  • Salaire mensuel de base, SMIC, indice de traitement et rémunération des fonctionnaires, emploi…
  • Organismes de sécurité sociale (recettes, prestations)
  • DGFiP, DGDDI (Direction générale des douanes et droits indirects)…

On note que le lissage est utilisé pour trimestrialiser certaines séries pour lesquelles aucune donnée conjoncturelle n’est disponible :

  • les comptes annuels sont prolongés par une extrapolation de l’année en cours (=> cela suppose de prévoir la valeur du compte pour l’année courante (pour laquelle les comptes annuels ne sont pas disponibles)
  • les comptes trimestriels découlent alors directement du lissage de la série annuelle

 

 

b) Les corrections CJO et CVS

Les variations d’un trimestre sur l’autre des comptes bruts sont difficilement interprétables du fait de deux effets:

– les effets saisonniers

– les effets de composition trimestrielle des jours dans le calendrier.

Les séries sont donc corrigées de l’effet des jours ouvrables et des variations saisonnières (CJO-CVS). Ces corrections sont appliquées aux indicateurs, puis l’étalonnage-calage permet le calcul du compte CJO-CVS.

 

 

1 – Correction des effets des jours ouvrés (CJO)

Le but est de construire des séries « à jours ouvrables identiques », pour lesquelles l’analyse des évolutions n’est pas perturbée par les différences de jours ouvrables. Les méthodes adoptées ont deux caractéristiques  :

– elles évaluent, pour chaque indicateur, l’effet des jours ouvrables en différenciant les jours de la semaine

– elles sont en général plus efficaces sur des séries mensuelles que trimestrielles (plus de variabilité)

La correction de l’effet des jours ouvrables n’est pas neutre sur l’année :

– le nombre de jours fériés, par exemple, diffère d’une année sur l’autre,

– la somme sur l’année d’un agrégat CJO-CVS est différente de celle de l’indicateur brut (la différence correspond à l’effet annuel de la CJO)

La méthode de base utilisée est simple : on fait une régression de la variable mensuelle brute sur des variables représentant chaque jour ouvrable.

où les Ni sont les nombres de jours ouvrables par type de jour de semaine i.

L’effet des jours ouvrables représente couramment de 0,1 à 0,5 point de croissance trimestrielle du PIB, et de 0,1 à 0,2 point de croissance annuelle

 

 

2 – Correction des effets des variations saisonnières (CVS)

La plupart des séries de comptes (production, consommation,…) présentent une allure saisonnière très marquée :  La production d’automobiles est par exemple moins élevée en juillet et août où beaucoup d’entreprises cessent ou réduisent leur activité (congés d’été). Dans les comptes trimestriels, l’estimation des effets des variations saisonnières est effectuée sur les indicateurs, préalablement corrigés des effets de jours ouvrables. L’Effet CVS est un effet neutre sur l’année (contrairement à l’effet CJO).

Le schéma suivant tente de résumer les deux phases d’étalonnage-calage et correction CVS-CJO.

 

 

 

2/ L’évaluation du PIB en volume selon les 3 approches

On a vu que le PIB dans son approche demande est déterminé avec la construction d’un tableau entrées-sorties (TES). Dans les comptes trimestriels, il est construit en volume, en valeur et en prix et pour chacune de ces trois valorisations, en brut, CVS (corrigé des variations saisonnières) et CVS-CJO (corrigé de l’effet des jours ouvrables et des variations saisonnières). Sur insee.fr, c’est le compte CVS-CJO du TES qui est publié .

 

 

a) La méthode

Pour l’élaboration des comptes trimestriels, les produits sont séparés en deux grandes catégories selon la façon dont l’équilibre ressources-emplois est construit : les produits de la catégorie « services » (près de 70% du PIB), pour lesquels l’équilibre est en général soldé sur la production (approche « demande »); et les produits de la catégorie « biens » (agriculture, industrie, énergie, construction), pour lesquels l’équilibre est soldé principalement sur les variations de stocks (approche « production ») (voir https://www.insee.fr/fr/information/2571301).

On note que ces deux méthdes ont quelques inconvénients. Du côté des services, solder sur la production représente une faiblesse compte tenu de l’estimation assez fragile des CI de l’ERE à partir de l’hypothèse d’une croissance des coefficients techniques des services par l’industrie et les les services. S’agissant des biens, les variations de stocks des ERE sont une variable importante, probablement plus que la CI. Sans compter que les variations de stock sont sujets à de fortes variations de prix en 2022 dans certains produits : agriculture, énergie, construction (voire page Variations de Stocks).

En négligeant les marges, ainsi que les impôts et subventions sur produits, considérons un équilibre ressourcesemplois  (ERE) simplifié avec les notations habituelles : P , I sont les ressources : production et importations, tandis que EI , C , FBCF , ∆S , X sont les emplois : consommations intermédiaires en produit, c’est-à-dire emplois intermédiaires, dépenses de consommation, FBCFe, variations de stocks et exportations.

Les variations de stocks dans les biens sont obtenues par solde, grâce à la relation :

tandis que dans les services, le solde est effectué sur la production car on ne dispose pas vraiment d’indicateurs comme pour les biens et la construction (en négligeant les variations de stocks qui sont très faibles) :

Aucun indicateur infra-annuel n’est disponible pour évaluer les emplois intermédiaires (EI) trimestriellement. L’estimation des consommations intermédiaires (EI) repose alors sur le produit des coefficients techniques et de la production. Les coefficients techniques correspondent au rapport de la CI d’une branche en un produit sur la production de la branche (voir page Tableau entrées intermédiaires). Certains suivent une tendance à la hausse, reflétant en particulier une augmentation de l’externalisation de certaines parties de la production, notamment de services. Pour leur évaluation trimestrielle, ces coefficients techniques sont obtenus par lissage, en tenant compte de l’évolution passée. Si par exemple les données annuelles passées montrent que le coefficient technique croît régulièrement, cette croissance est poursuivie sur la période en cours.

Or dans les services, on a vu que la production ne peut être obtenue qu’une fois les emplois intermédiaires calculés, eux mêmes dépendant directement de la production de chacune des branches. La méthode adoptée est alors à la fois séquentielle et itérative :

  • pour certains services, un indicateur de production est utilisé dans un premier temps pour étalonner la production de ces branches. Cette première évaluation de la production, dite « production de première initialisation », sert au calcul des CI de la branche de services en volume ;
  • pour les autres services, un indicateur de production est obtenu comme solde d’un équilibre partiel : c’est le solde de l’ERE, en prenant comme emplois intermédiaires ceux qui ont déjà été calculés, c’est-à-dire ceux provenant des branches des biens et des branches des services pour lesquelles un indicateur de production est disponible. Cet indicateur sert à étalonner la production, et l’estimation obtenue sert au calcul des CI correspondantes.

Finalement, tous les emplois intermédiaires ayant été évalués, les productions de services sont obtenues comme soldes. Une deuxième itération est effectuée : les CI sont de nouveau évaluées à partir de cette production obtenue par solde. Puis la production est de nouveau calculée à partir de l’ERE.

Pour comprendre la construction du PIB, il est utile de le décomposer en fonction de termes qui sont obtenus directement avec des indicateurs.

Si on décompose le PIB comme somme des valeurs ajoutées des biens et des services, en négligeant les impôts et subventions sur produits, on peut écrire :

où Pb et Ps sont les productions des branches biens et services, CI b et CI S sont les CI des deux branches B et S. Cependant si l’on décompose les CI de la branche biens en produits biens et services, on peut écrire :

En additionnant les consommations intermédiaires des branches biens et services en produit biens, on obtient :

Il en va de même pour les services. Ainsi, l’équation précédente du PIB peut se réécrire de la manière suivante :

où EI b et EI s représentent cette fois les CI de toutes les branches en les produits B et S respectivement.

Or d’après le solde de l’équilibre des services, on peut décomposer Ps en somme des emplois (intermédiaires et finals, nets des importations). Ce qui donne au total :

Cette décomposition permet d’isoler les opérations contribuant directement à la croissance du PIB, tel qu’il est construit dans les comptes trimestriels.• Dans les biens, seul l’indicateur de production détermine la production.

  • Les emplois intermédiaires en biens sont quant à eux estimés à partir des productions des branches biens et services. Ainsi l’augmentation d’un coefficient technique d’une branche, les ressources (production et importations) restant inchangées, se traduit par plus de consommation intermédiaire en ce bien et en contrepartie moins de variations de stocks. Autant de production et plus de consommations intermédiaires se traduisent par moins de valeur ajoutée. Les emplois finals en biens, s’ils n’affectent pas l’estimation de la production correspondante, ont toutefois un impact indirect sur l’estimation du PIB. Ils permettent en effet d’évaluer les marges commerciales d’une part, les impôts sur produits (TVA) d’autre part. Les marges commerciales interviennent ensuite dans le calcul de la production du commerce et ont un poids non négligeable dans le PIB.
  • Dans les services au contraire, les emplois entrent directement dans le calcul de la production, et donc du PIB. Ainsi une augmentation d’un coefficient technique d’une branche en un service, les emplois finals (consommation, investissement et exportations) restant inchangés, se traduit par plus de consommation intermédiaire en ce service mais aussi par plus de production. Production et consommations intermédiaires étant augmentés d’un même montant, la valeur ajoutée n’est pas affectée.

Cette décomposition est importante pour comprendre la façon dont le PIB est estimé dans les comptes trimestriels, et découle des différents indicateurs utilisés. L’approche finalement retenue pour la construction des comptes trimestriels français est une approche mixte, entre les approches demande et production. Chaque trimestre les trois approches du PIB (demande, production et revenu) sont estimées intégralement mais l’équilibre repose en partie en privilégiant l’approche demande et en partie en privilégiant l’approche production. Cette décomposition n’est pas totalement pertinente pour les trimestres des années précédentes. En effet, les comptes trimestriels sont alors calés sur les comptes annuels, pour lesquels l’élaboration du PIB est différente, ancrée sur l’approche revenu depuis la mise en œuvre de la base 2000 (voir ci-dessus).

 

 

b) Les estimations récentes

Or ce sont surtout les coefficients techniques des services qui ont particulièrement augmenté sur la période récente, alors qu’ils sont relativement constants pour les biens (graphique suivant). Cela tient notamment à l’externalisation par les entreprises d’un certain nombre de services même si celle-ci est moins poussée qu’avant 2000 (voir page Secteur tertiaire). Le coefficient technique de l’ensemble de l’économie a ainsi augmenté de 0,2 point par an en moyenne entre 2014 et 2019, pour atteindre un peu plus de 50,4 %.

Or dans la période récente, toute la question est de confirmer l’ampleur de la croissance des coefficients techniques et de savoir s’ils ont une nature pérenne ou (en partie) transitoire. Répondre à ces questions ne peut se faire qu’une fois exploitée l’entièreté de l’information contenue dans les comptes annuels définitifs, ce que les méthodes employées par les comptes trimestriels et annuels non définitifs ne permettent pas.

Il y a bien des hypothèses sur cette croissance mais elles sont à vérifier, par exemple :

  • le coefficient technique de la branche hébergement-restauration en produits alimentaires a aussi fortement augmenté, en lien avec les perturbations importantes sur cette branche ;
  • les consommations intermédiaires en matériel et services informatiques, déjà en tendance à la hausse avant la crise Covid, ont été particulièrement dynamiques pendant celle-ci ;
  • le coefficient technique de la branche énergie augmente transitoirement en 2022 sous l’effet des difficultés de production rencontrées par EDF, contraint d’acheter de l’électricité (consommations intermédiaires) pour la revendre à ses clients (production).

Bref élaborer des comptes trimestriels des services sur la seule tendance (moyennant quelques hypothèses d’accélération) des coefficients techniques en produits industiels et en services reste délicat. En fait seul le compte définitif 2021 fournira des informations plus précises sur les évolutions des productions et des consommations intermédiaires par branches.

Coefficients techniques en biens et en service (volumes chaînés)

Source : Insee https://blog.insee.fr/la-croissance-economique-sera-t-elle-fortement-revue/

 

 

 

3/ L’importance du calcul du PIB dans les comptes trimestriels

On parle de récession quand le PIB diminue durant deux trimestres consécutifs. On présente ici des messages clés et des extraits de données basés sur l’estimation mise à jour d’Eurostat du PIB trimestriel pour le troisième trimestre de 2022 dans l’ UE et la zne euro publiée le 19 janvier 2023. Ceci complète une série d’estimations trimestrielles des principaux agrégats des comptes nationaux européens qui sont basées sur les données nationales disponibles.

 

a) Croissance trimestrielle du PIB

Selon une estimation publiée par Eurostat, le PIB a augmenté de 0,3 % tant dans la zone euro (ZE-19) que dans l’UE au cours du troisième trimestre 2022, par rapport au trimestre précédent. Ces augmentations font suite à une augmentation au deuxième trimestre 2022 (0,9 % dans la zone euro et 0,7 % dans l’UE).

Par rapport au même trimestre de l’année précédente, le PIB corrigé des variations saisonnières a augmenté de 2,3 % dans la zone euro et de 2,5 % dans l’UE au troisième trimestre 2022, après une hausse de 4,3 % dans la zone euro et de 4,4 % dans la UE au cours du trimestre précédent.

Au cours du troisième trimestre 2022, le PIB des États-Unis a augmenté de 0,8 % par rapport au trimestre précédent (après -0,1 % au deuxième trimestre 2022). Par rapport au même trimestre de l’année précédente, le PIB a augmenté de 1,9 % (après 1,8 % au trimestre précédent).

Taux de croissance du PIB en volume (sur la base de données corrigées des variations saisonnières), 2022T3

 

 

b) Croissance du PIB par État membre

Parmi les États membres de l’UE, les plus fortes hausses ont été enregistrées en Irlande (+2,3 %), à Chypre et à Malte (chacun +1,3 %) au troisième trimestre 2022, tandis que les plus fortes baisses ont été observées en Estonie (-1,8 %), en Lettonie (-1,7 %) et Slovénie (-1,4 %).

 Taux de croissance du PIB par État membre, variation en % par rapport au trimestre précédent, sur la base de données désaisonnalisées, 2022T3

Source : Eurostat

 

c) Composantes du PIB et contributions à la croissance

Au cours du troisième trimestre 2022, la dépense de consommation finale des ménages a augmenté de 0,8 % dans la zone euro et de 0,6 % dans l’UE (après +1,1 % dans la zone euro et de +1,0 % dans l’UE). La dépense de consommation finale des administrations publiques augmente de 0,2 % dans la zone euro et de 0,1 % dans l’UE (après -0,1 % tant dans la zone euro que dans l’UE au trimestre précédent). La FBCF a augmenté de 3,6 % dans la zone euro et de 3,2 % dans l’UE (après respectivement +1,0 % et 1,1 % au trimestre précédent). Les exportations ont augmenté de 1,7 % dans la zone euro et de 1,9 % dans l’UE (après +1,8 % tant dans la zone euro que dans l’UE). Les importations ont augmenté de 4,2 % dans la zone euro et de 3,9 % dans l’UE (après +2,2 % dans la zone euro et +3,9 % dans l’UE).

Les dépenses de consommation finale des ménages ont contribué positivement à la croissance du PIB tant dans la zone euro que dans l’UE (+0,4 point de pourcentage (pp) et +0,3 pp respectivement). Les contributions des dépenses finales des administrations publiques ont été négligeables tant dans la zone euro que dans l’UE. La contribution de la formation brute de capital fixe a été positive tant dans la zone euro que dans l’UE (+0,8 pp et +0,7 pp, respectivement). Les variations des stocks ont eu une contribution positive à la croissance du PIB tant dans la zone euro que dans l’UE (+0,1 pp et +0,2 pp respectivement. La contribution du solde extérieur a été négative tant dans la zone euro que dans l’UE (-1,1 pp et -0,9 pp respectivement).

 

Décomposition de la croissance du PIB par agrégats de dépenses, contributions à la croissance (sur le trimestre précédent) en points de pourcentage, 2021Q4 – 2022Q3

Source : Eurostat

 

 

 

 

 

 

 

IV – LES AJUSTEMENTS POUR EXHAUSTIVITÉ PAR PAYS

1/ Le calcul du PIB nécessite une couverture exhaustive de l’activité économique

Lors du calcul du PIB, les États membres de l’UE doivent satisfaire à deux exigences fondamentales : l’exhaustivité et la comparabilité du PIB et du revenu national brut (RNB). La raison en est le financement de l’UE par les États membres avec la soi-disant «contribution RNB» ou la quatrième ressource propre de l’UE, que les États membres doivent payer chaque année. Étant donné que les contributions des États membres basées sur le PIB/RNB sont proportionnelles, l’estimation du PIB/RNB doit être exhaustive, ce qui fournit un niveau comparable d’estimation du PIB entre les États membres.

Le PIB couvre la production totale d’un pays conformément au Système européen des comptes nationaux et régionaux (SEC 2010). Le PIB couvre ainsi la production totale de biens (pour le marché et pour l’autoconsommation), la production de services marchands et deux types de services que les ménages produisent pour leurs propres besoins (loyers imputés et services domestiques par le personnel salarié). Par conséquent, cela signifie que l’estimation du PIB couvre :

  • Toutes les activités taxées (activités légales),
  • Toutes les activités légales (licites) mais non taxées,
  • Toutes les activités imposables mais menées illégalement ; il s’agit principalement d’activités d’unités qui évitent de payer les cotisations sociales et de santé, l’impôt sur le revenu et d’autres compensations et impôts,
  • Toutes les activités illégales (illicites).

 

La comptabilité nationale distingue donc deux types d’activités productives (schéma suivant) :

–  les activités illicites,

– les activités licites.

 

Les activités licites peuvent être réalisées :

– soit par des entreprises déclarées, qui :

  • ont obligatoirement une activité déclarée ;
  • peuvent avoir une activité dissimulée, qu’il convient d’estimer et d’intégrer dans le PIB. Cette activité dissimulée se traduit dans les comptes des entreprises fraudeuses :

⇒ par une minoration de la production vendue ou de la marge commerciale (ventes de marchandises – achats de marchandises). Cette minoration du chiffre d’affaires masque du travail réalisé par des salariés mais au noir, dont les rémunérations associées. Cette masse salariale fraudée n’est pas traitée dans les comptes comme un redressement du total de masse salariale, pour éviter de s’écarter des autres sources : elle est considérée à la fois comme étant consommée intermédiairement par des EI fictives, et comme une production de ces mêmes EI fictives.

⇒ et/ou par une majoration des charges.

⇒ avec donc au final un impact à la baisse sur leur VA, qu’il convient de redresser.

– soit par des entreprises clandestines et non déclarées au sein desquelles tout travailleur « au noir » est considéré comme travailleur indépendant, dont le revenu est constitué de l’intégralité de la valeur ajoutée. Au sein de ces entités clandestines, on distingue :

⇒ les entreprises clandestines

⇒ les ménages employeurs dans le cas du travail domestique salarié.

 

 

 

Dans les équilibres-ressources-emplois de l’Insee, on distingue 3 types de fraude (voir page Tableau ressources emplois) :

  • La correction pour fraude SNFEI,
  • La correction pour travail au noir,
  • La fraude sur TVA (ou écart TVA).

 

Il existe une forte demande des décideurs politiques pour une estimation de l’économie souterraine/informelle, et ce pour plusieurs raisons.

Mais il y a des réticences de statisticiens officiels à communiquer à cause de la fragilité des chiffres. D’une part il y a confusion sur les catégories et la terminologie. par exemple les définitions de « l’économie souterraine » restent confuses. D’autre part les Offices Statistiques ont des difficultés à donner des séries car méthodes fondées sur une « années de base » extrapolée. Ainsi les  comptes nationaux ne sont pas capables de dire si l’économie souterraine monte ou descend, année pas année, trimestre par trimestre.

 

 

 

2/Différentes notions [9]

Les données des INS doivent être basées sur des manuels internationaux:
– SCN 2008/SEC 2010 (principe d’exhaustivité, y compris économie illégale)
– Manuel OCDE la mesure de l’économie non observée, 2002 (276 pages)
– Manuel interne d’Eurostat, Comité RNB
– Manuel des Nations Unies

Ces manuels sont centrés principalement sur le principe d’exhaustivité de la production (dans la limite de la définition de la production dans les comptes nationaux) en partant de la formule :PIB = somme des valeurs ajoutées (sans double compte)

L’OCDE a donc publié un manuel en 2002 où il définit plusieurs notions : l’économie non observée comprend :

  • la production souterraine,
  • la production illégale,
  • la production informelle,
  • la production des ménages pour compte propre,
  • la production manquante en raison des carences du dispositif de collecte des données

Du coup, les comparaisons internationales sont difficiles. Il existe en effet plusieurs méthodes pour évaluer l’économie non observée. L’OCDE l’a estimée par pays. Mais F. Schneider, de l’Université de Linz, (Autriche) donne des estimations 3/4 fois plus importantes que les estimations des Offices Statistiques à partir d’une  estimation de l’économie souterraine basée sur un « modèle boîte noire ». Plus les chiffre sont élevés, plus la presse les reprend.

Les méthodes varient selon les pays : en Italie, où le secteur non observé est important, le répertoire d’entreprises est incomplet du fait de nombreuses petites entreprises. En revanche, on dispose de  bonnes statistiques sur la population active. La méthode de redressement basée sur deux étapes: D’abord l’utilisation de sources démographiques et sociales pour estimer l’emploi informel en équivalent temps plein. Ensuite l’affectation à chaque unité d’emploi informel d’une valeur ajoutée estimée à partir du secteur formel, par branches.

Selon F. Schneider, le poids de l’économie non déclarée s’élèverait à 12,6% du PIB en France en 2012; il révèle tout de même le poids conséquent de l’économie informelle dans la production de biens et services. Ainsi, 2,5 millions de personnes seraient concernées par ce secteur difficile à mesurer en France. Au total, le manque à gagner en matière de cotisations sociales est estimé entre 4,4 et 5,7 milliards d’euros en 2016 selon l’Acoss, la caisse nationale des Ursaff.

La part de l’économie non déclarée en France serait bien en deçà de la moyenne européenne. la moyenne de l’Union européenne s’élèverait à 17,9% contre 6,2% en Suisse, 5,6% aux États-Unis, 8,5% au Japon ou encore 9,8% en Australie. A l’échelle du Vieux continent, l’Hexagone se situe en dessous des pays du sud de l’Europe comme la Grèce (20,8%), l’Italie (19,5%) ou l’Espagne (16,6%). A l’inverse, le Danemark (9,3%), les Pays-Bas (7,5%), ou l’Autriche (6,7%) apparaissent en bas de tableau.

On pouvait s’attendre à un rehaussement important de l’économie non déclarée en France en base 2020.

Estimations de l’Économie non observée/F. Schneider (source enquête OCDE 2012) en % du PIB

 

Dans les inventaires RNB des pays l’UE, il existe sept types d’ajustements qui contribuent à une couverture exhaustive de l’activité économique comme base de calcul du PIB. En France, le ratio de 6,7 % en 2012 se décomposerait ainsi (pour la base 2010) :

 

 

En Italie, on trouve le même tableau avec des chiffres bien supérieurs. Mais rien n’indique que ces ratios seront les mêmes dans la prochaine base en particulier en France.

 

 

 

 

a) La production souterraine

C’est la production légale (par opposition à illégale) et déclarée mais sous-estimée volontairement par les unités productives pour échapper à l’impôt/aux cotisations sociales/aux normes sociales/aux procédures administratives. (par exmeple la sous-déclaration de chiffre d’affaires – voir page Tableau ressources emplois). La méthode d’estimation passe par un redressement des comptes d’entreprises à partir de statistiques fiscales.

Le concept d’économie souterraine concerne presque sans exception l’évasion fiscale ou la partie de l’activité économique pour laquelle les entités ne paient pas d’impôts et de cotisations sociales. En termes d’évasion fiscale, deux types d’ajustements d’exhaustivité sont particulièrement intéressants : N1 et N6 – c’est-à-dire les unités qui doivent être enregistrées et les unités qui déclarent délibérément des informations erronées (affichent des coûts gonflés et/ou masquent des revenus).

 

 

Un document d’Eurostat évalue la part de N1 et N6 dans les ajustements d’exhaustivité des pays de l’UE, soit près de 60%, autrement dit autour de 5% du PIB. En France ce pourcentage serait toutefois plus faible (autour de 38%).

Ajustements d’exhaustivité pour le compte de la production (en % du PIB) dans les États membres de l’UE (inventaires RNB pour le cycle 2016-2019)

Source : file:///E:/RNB/Exhaustiveness%20in%20EU%20countries’%20national%20accounts.pdf

 

  • L’ajustement d’exhaustivité de type N1 couvre les activités non enregistrées (travail non déclaré), c’est-à-dire les activités pour lesquelles les producteurs évitent totalement ou partiellement l’enregistrement. Ces activités ne sont pas incluses dans les sources standard pour le calcul du PIB ou on estime que les rapports sont si incomplets qu’un ajustement est nécessaire. Ces activités sont les services d’hébergement (à des fins touristiques), le transport en taxi, l’enseignement des élèves et des étudiants à domicile, la médecine alternative, la garde d’enfants et les services similaires d’entretien ménager à domicile.
  • L’ajustement d’exhaustivité N6 couvre les entreprises officiellement enregistrées qui affichent dans leurs états comptables des revenus inférieurs (n’émettent pas de factures pour le travail effectué) ou des coûts plus élevés (incluent les factures pour les biens/services qui n’ont pas été livrés/exécutés) que ceux qui devraient être réellement enregistrés. De cette façon, ils réduisent leur charge fiscale. Ce type d’ajustement d’exhaustivité se produit principalement dans les petites entreprises ayant peu de salariés. Une simple analyse des états financiers montre que les propriétaires uniques gagnent souvent moins que leurs employés. Un problème particulier concerne les services fournis aux ménages et payés en espèces ainsi que les exemples bien connus de travaux de finition dans la construction et d’autres services fournis directement aux ménages.

 

En France la production souterraine (2,6% du PIB) se décomposait ainsi :

1 / Redressements pour sous-déclaration : 40,7Mds (2.0%). L’estimation est faite à partir des contrôles fiscaux. Il a eut des  Comparaisons des redressements opérés par la DGFiP avec les comptes individuels des entreprises concernées. On été exclus des redressements pour mauvaise application de la législation fiscale. – L’extrapolation a été raisonnée à l’ensemble des entreprises par une méthode par strate. La éthode est actualisée tous les 5 ans.

2/ Redressement TVA (« TVA théorique ») : 11,2Mds (0,6%).

 

 

b) La production illégale

Parmi les activités illégales, certaines sont intégrées au PIB, d’autres non. Lorsqu’elles sont intégrées au PIB, elles font l’objet d’évaluation ad hoc, sur la base de travaux d’experts des trafics concernés. Ces activités sont interdites par la loi ou conduites par des agents qui n’en ont pas l’autorisation. Par exemple, le trafic de stupéfiant,la contrebande de cigarettes,l’exercice illégal de la médecine. Le vol n’est pas une activité illégale (car non productive). Leur méthode d’estimation recourent à des données spécifiques indirectes, de sources variées, ou à dires d’expert.

La Contrebande de cigarettes (marge des contrebandiers) a été estimée à 0,6Mds en 2012 (0,03%). L’Insee n’incluait pas dans un premier dans son PIB la production de la prostitution de rue ni du trafic de drogue. %Mais il a fait l’estimation du trafic de drogue pour les besoins du comité RNB (calcul du budget européen). L’Insee estime que l’apport du trafic de stupéfiants au PIB est de 2,7 milliards d’euros en 2017, (soit 0,12%).

 

 

c) La production informelle

L’économie informelle (ou économie grise) est l’activité économique qui est réalisée sans que l’activité fasse l’objet d’un regard ou d’une régulation de l’État. Elle n’est de fait ni fiscalisée ni déclarée. Le caractère « informel » d’une activité ne doit pas être assimilé automatiquement au fait qu’elle s’exerce de façon « non marchande » (le travail au noir est rémunéré) ou de manière « illégale » (le travail domestique est bien légal).

Il s’agit donc d’une activité légale mais non déclarée car étant exercées par des unités non enregistrées car trop petites ou basées sur des contrats informels (emploi informel). On y trouve de très petites entreprises, l’emploi informel dans les pays en voie de développement,les emplois informels pour travaux domestiques (baby-sitting, cours particuliers, …). La méthode d’estimation est fondée sur le redressement des statistiques d’entreprises basé sur les enquêtes auprès des ménages ou dire d’experts.

1/ L‘activité des entreprises sans existence juridique serait de 13,4Mds en 2012 (0,7% du PIB). Elle a été déterminée à dire d’expert,  branche par branche. Il y auraient des niches de travail clandestin dans les branches du bâtiment, des services rendus aux particuliers, des services rendus aux entreprises, de al réparation commerce-automobile, des transpoty transports, etc…
2/ l’emploi informel pour travaux domestiques  serait de 2,2Mds (0,1% du PIB)

 

Cette notion de l’économie informelle est donc plus complexe qu’il y paraît. Il, ne faut pas confondre économie souterraine et économie informelle. Elle comprend les activités qui ont une valeur marchande et qui contribueraient aux recettes fiscales et au PIB en étant déclarées. C’est un phénomène mondial. Selon l’Organisation internationale du travail, environ 2 milliards de travailleurs, soit 60 % de la population active mondiale âgée de 15 ans et plus, passent au moins une partie de leur temps dans le secteur informel. Le secteur informel est aujourd’hui la seule source de revenus viable de milliards de personnes. La taille de l’économie informelle décroît lentement, dans le sillage du développement économique, mais de façon très hétérogène selon les régions et les pays.  Aujourd’hui, le secteur informel représente encore un tiers de l’activité économique des pays à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire, contre 15 % dans les pays avancés (graphique suivant). L’économie informelle ne se pas résume à des « tricheurs » cherchant à éviter de payer des impôts. Certains personnes trouvent dans les activités informelles un filet de sécurité. Ils ne disposent pas de l’instruction et des compétences requises pour les emplois formels, ou ils sont trop pauvres pour accéder aux services publics et financiers.

 

 

 

d) La production des ménages pour usage propre

C’est la production des ménages pour leur propre usage (exemple: production agricole pour consommation des agriculteurs, production en construction pour leur propre usage par les ménages. La méthode d’estimation se fait par exemple à partir des rendements agricoles extrapolés ou de l’achat par les ménages de matériaux de construction.

 

e) Production manquante en raison de carence du dispositif de collecte

C’est la production manquante pour raison statistique et non économique. Par exemple, celle des très petites entreprises qui ne sont pas déclarées dans les enquêtes/bases de données d’entreprises pour soulager leurs obligations administratives. La méthode d’estimation se fait par redressements/extrapolations.

La production manquante du fait d’absences d’entreprises des bases de données statistiques représenterait  3,3% du PIB. Elel comprend :
– le redressements des grandes entreprises absentes,
– l’estimation des micro-entreprises dispensées de déclaration fiscale (et donc absentes d’ESANE)n
– la connaissance du nombre de micro-entreprises par activité principale (SIRENE).
– l’extrapolation à partir du montant (réduit) connu pour les entreprises proches déclarantes.

3/ Un essai d’estimation des fraudes dans la construction en France à partir des comparaisons internationales

L’Inventaire RNB de l’Allemagne fournit le tableau suivant en base 2010. L’ensemble des ajustements pour exhaustivité représentait 25,1 milliards d’euros sur un total de la production de 231,4 Mds d’euros, soit 10,8%.

Calcul de la production par branche d’activité, Section F : « Construction, Année 2010 en EUR (milliards)

Source : Inventaire RNB, Allemagne

 

 

Du graphique ci-dessus sur les ajustements d’exhaustivité pour le compte de la production (en % du PIB) dans les États membres de l’UE (inventaires RNB pour le cycle 2016-2019), on pouvait estimer la part des ajustements N1 à N7 à 10,4% du PIB en prenant les ajustements moyens et ceux de l’économie souterraine à 62,5% du total des ajustements. Si on applique ce ratio aux ajustements en Allemagne de 25 Mds, on obtenait un total de 15,7 Mds = (0,625 * 25,1), soit 6,8 % de la production de la construction en Allemagne. Sachant que la fraude sur TVA représentait 0,6% sur 2,6% de l’économie souterraine en France, on pouvait calculer le ratio de la fraude fiscale et du travail au noir en multipliant 15,7 Mds par (2/2,6). On obtient 5,2% de la production Allemagne pour ces 2 types de fraude.

 

Part des ajustements dans l’UE en % du PIB

Source : Eurostat

 

Il était intéressant de comparer ce premier ratio à celui issu des données d’autre pays. On pouvait établir les ratios suivants pour la Slovénie. La somme des deux ajustements N1+N6 représentait 52% des ajustements totaux. En appliquant ce ratio aux ajustements de la construction en Allemagne, on obtient 13,1 Mds (soit 5,2% de la production de la construction) au lieu de 15,7 Mds précédemment et 4,2% en excluant la fraude à la TVA.  On pouvait donc estimait la correction pour fraude (hors fraude à la TVA) et le travail au noir à un peu moins 5% en 2010 en France en comprant les résultats des 2 méthodes (5,2% et 4,2%). Il aurait fallu voir les inventaires d’autres pays. Celui des Pays-Bas permettait d’estimer un ratio de fraude et travail au noir dans la construction de 2,5%, soit plus faible que les ratios précédents.

Compte tenu de la croissance forte de la fraude fiscale et du travail au noir en France entre 2010 et 2020, un ratio de correction pour fraude et pour travail au noir  de l’ordre de 6%, voire un peu plus, n’était pas à exclure dans la branche construction en 2020.

Ajustements pour exhaustivité du PIB selon l’approche de la production de l’ensemble de l’économie (augmentation de la valeur ajoutée), Slovénie, 2019

 

 

 

 

VI – COMMENT LE SEC 2010 A MODIFIÉ LES PRINCIPAUX AGRÉGATS DU PIB ?

L’introduction du SEC 2010 a été un événement majeur pour les comptes nationaux des États membres de l’ UELe changement méthodologique le plus notable apporté aux principaux indicateurs des comptes nationaux a été le traitement des dépenses de recherche et développement, qui sont désormais enregistrées en tant que FBCF. Les États membres ont également profité de l’occasion pour réévaluer leurs comptes nationaux, revoir leurs sources de données et en introduire de nouvelles ou améliorées. Conjugué aux changements introduits par la mise à jour méthodologique du SEC 2010, cela a conduit dans la plupart des cas à des niveaux de PIB nettement plus élevés.

L’analyse est basée ici sur les premières données du SEC 2010 transmises en septembre 2014 et les compare aux dernières transmissions basées sur le SEC 95. Les comparaisons portent sur l’année 2010 car les instituts nationaux de la statistique ont procédé à une analyse détaillée des causes des révisions pour cette année de référence. Chaque pays a rempli un questionnaire, qui a été utilisé par Eurostat pour identifier les forces motrices respectives au niveau des agrégats européens.

Le niveau du PIB nominal de l‘UE 28 pays a été révisé à la hausse de 3,7 % pour l’année 2010. Le graphique suivant montre Le graphique 1 montre les niveaux de PIB de la zone euro et de l’UE‑28 selon SEC 95 et le SEC 2010 pour les années 2000 à 2013.. Cette révision était due à deux raisons principales. Le premier était les changements méthodologiques introduits dans le SEC 2010. Ceux-ci ont augmenté le niveau du PIB nominal de l’UE de 2,3 % en 2010. Le traitement de la recherche et du développement et des systèmes d’armes militaires comme formation de capital a été le principal moteur méthodologique de l’augmentation du PIB. Le tableau suivant présente les principaux changements méthodologiques du SEC 2010 qui ont eu une incidence sur le PIB de l’UE pour l’année 2010. Le deuxième facteur ayant contribué aux révisions du PIB a été les améliorations statistiques telles que les sources de données nouvelles et améliorées. Ces améliorations statistiques ont augmenté le PIB de 1,4 % pour la même période.

PIB nominal en milliers de milliards d’euros, SEC 95 SEC 2010, 2000-2013

 

SEC 2010 – changements méthodologiques : impact sur le PIB en %

 

 

1/ Impact sur le niveau et les taux de croissance du PIB de la ZE‑18 et de l’UE‑28

En 2010, la révision à la hausse du niveau du PIB pour la zone euro et l’UE‑28 était de 3,7 %, un peu plus que la moyenne. Le schéma suivant résume la manière dont les améliorations méthodologiques du SEC 2010 et les améliorations statistiques ont contribué à la révision à la hausse de 3,7 % du PIB de l’UE‑28 à prix courants pour l’année 2010.

Dans l’ensemble, les changements méthodologiques introduits par le SEC 2010 ont augmenté le PIB de l’UE‑28 de 2,3 % et les améliorations statistiques de 1,4 %. Les modifications méthodologiques les plus importantes du SEC 2010 ont été la capitalisation des dépenses de recherche et développement et des dépenses en systèmes d’armement, qui ont révisé le PIB de l’UE‑28 de 1,9 % et 0,2 % respectivement.

Le traitement révisé des petits outils, tels que les scies, les bêches, les couteaux, les haches, les marteaux et autres outils à main, où le SEC 2010 a supprimé le seuil monétaire pour l’achat de ces articles à comptabiliser en dépenses d’investissement, a représenté une révision de 0,07 % et a donc eu le troisième impact méthodologique le plus important, tandis que la modification de la classification sectorielle des administrations publiques et l’enregistrement des régimes de retraite des employeurs ont révisé le PIB à la hausse de 0,06 % chacun.

Parmi les améliorations statistiques, les sources de données nouvelles et améliorées ont eu l’impact le plus important et ont augmenté le PIB de l’UE‑28 de 0,5 %. Les activités illégales et les améliorations spécifiques aux pays ont toutes deux entraîné une augmentation de 0,4 % du PIB. Il est important de noter que certains pays avaient déjà inclus des estimations pour les activités illégales. Par conséquent la révision de 0,4 % des activités illégales couvre les pays qui n’avaient pas inclus auparavant les estimations des trois types d’activités illégales ou d’un sous-ensemble d’entre eux, à savoir la prostitution, la production et le trafic de drogues et la contrebande d’alcool et de tabac.

Révisions du PIB de l’UE-28 pour 2010

Les impacts méthodologiques les plus importants sur les niveaux de PIB ont été observés pour la Suède (+4,4 %) et la Finlande (+4,2 %), dont pour les deux États membres, 4,0 % étaient dus à la recherche et au développement. Les impacts méthodologiques les plus faibles ont été signalés par la Bulgarie (+0,4 %), la Croatie et Malte (+0,5 % chacun), dont les révisions dues à la recherche et au développement ont contribué entre 0,3 % et 0,5 %. Les impacts les plus importants des améliorations statistiques sur les niveaux de PIB de 2010 ont été enregistrés à Chypre (8,4 %) et aux Pays-Bas (5,9 %), tandis que des impacts négatifs ont été observés pour la Lettonie (–1,2 %), le Luxembourg (–1,0 %), l’Autriche (–0,6 %). %) et le Danemark (–0,2 %).

2/ Révisions par branche d’activité

L’approche production du PIB mesure le PIB comme la somme des valeurs ajoutées par toutes les activités qui produisent des biens et des services, plus les impôts moins les subventions sur les produits. La valeur ajoutée peut être ventilée par type d’activité ou d’industrie. Les révisions ont été analysées selon la répartition par industrie A*10 NACE Rév. 2 indiquée dans le tableau suivant.

Classification A*10 des branches d’activité

 

Le tableau suivant montre qu’au niveau européen, des révisions similaires de la valeur ajoutée brute (VAB) ont été observées pour l’UE‑28 (4,0 %) et la ZE‑18 (3,9 %). Les groupes d’industries M à N (6,3 %), L (6,2 %) et J (6,0 %) ont affiché les révisions les plus importantes. Toutefois, après prise en compte des pondérations des branches d’activité, les groupes B à E et G à I ont apporté les contributions les plus importantes aux révisions des VAB de l’UE‑28 et de la ZE‑18. La Finlande (15,4 %), la Suède (12,8 %) et la Belgique (10,9 %) ont enregistré les révisions à la hausse les plus importantes du groupe B à E, tandis que la Grèce a révisé à la baisse de 17,8 %. Chypre (25,8 %), l’Allemagne (13,7 %) et les Pays-Bas (13,2 %) ont enregistré les révisions les plus importantes du groupe G à I. , le Royaume-Uni (8,0 %) et l’Espagne (7,1 %) ont enregistré les révisions les plus importantes.

Révisions en pourcentage par branche d’activités et pays

3/ Révisions par composante de dépenses

L’approche par les dépenses du PIB mesure les dépenses finales totales effectuées soit en consommant la production finale d’une économie, soit en ajoutant à la richesse, plus les exportations moins les importations de biens et de services. La somme de toutes les composantes des dépenses finales d’une économie est égale au PIB.

Dans le SEC 95, les dépenses de consommation finale des ménages et ISBLSM représentaient plus de la moitié des dépenses dans l’UE‑28 en 2010. Viennent ensuite les dépenses de consommation finale des administrations publiques et laFBCF, qui représentaient respectivement 22,2 % et 18,5 % du PIB de l’UE‑28.

La mise en œuvre du SEC 2010 et des révisions statistiques associées a augmenté la proportion de la FBCF de 1,7 point de pourcentage à 20,1 % du PIB en 2010. Cela s’explique principalement par le traitement de la recherche et du développement et des systèmes d’armes militaires, qui ont été reconnus comme formation de capital. Les révisions des dépenses de consommation finale des ménages et des ISBLSM sont principalement dues à des améliorations statistiques, telles que l’intégration des résultats du récent recensement de la population et des nouvelles enquêtes sur le budget des ménages.

Le ratio de la FBCF au PIB montre une révision à la hausse moyenne constante de 1,6 % pour l’UE‑28 et de 1,5 % pour la zone euro sur la période 2000-2013 (graphique suivant). La tendance des ratios d’investissement reste la même.  Les pays ayant les ratios de FBCF les plus élevés selon le SEC 2010 étaient la République tchèque (27,0 %) et la Roumanie (25,9 %). Les pays ayant les plus faibles dépenses de la FBCF en pourcentage du PIB dans le SEC 2010 pour la même période étaient l’Irlande (15,8 %) et le Royaume-Uni (16,1 %).

Ratios d’investissement (FBCF / PIB) dans le SEC 95 et le SEC 2010

 

 

Au niveau européen, la composante de dépenses la plus révisée était la FBCF avec 12,9 % pour l’UE‑28 et 12,8 % pour la ZE‑18 (tableau suivant). Au niveau national, pour 2010, les révisions globales les plus importantes de la FBCF ont été constatées pour l’Irlande (35,4 %), la Suède (30,2 %) et Chypre (24,8 %). Des révisions négatives de la FBCF ont été observées pour le Luxembourg (–3,8 %) et la Grèce (–0,3 %). La dépense de consommation finale des ménages et des ISBLSM pour l’UE‑28 a été révisée de 2,0 % (1,5 % pour la ZE‑18). Au niveau national, Chypre (5,8 %), les Pays-Bas (5,3 %) et le Royaume-Uni (4,8 %) ont enregistré les révisions les plus importantes en 2010. Des révisions négatives des dépenses de consommation finale des ménages et des ISBLSM ont été observées pour la Grèce (–2,8 %), Malte (–0,7 %), la France et l’Estonie (–0,3 % chacune), la Belgique (–0,2 %) et la Slovénie (–0,1 %).

 

Révisions en pourcentage par composante de dépenses et par pays

Les exportations ont été revues à la baisse en raison de deux changements méthodologiques introduits par le SEC 2010 : le traitement des biens expédiés à l’étranger pour transformation et le traitement du négoce international.

  • Les révisions sont un peu plus importantes (–2,7 % pour les exportations et –3,0 % pour les importations) pour la ZE‑18 que pour l’UE‑28. Les impacts les plus importants sur les exportations et les importations ont été observés pour deux petits États insulaires : Malte et Chypre.
  • Le graphique suic=vant montre les contributions aux révisions du PIB par les principales composantes de dépenses pour chaque État membre.

Contributions aux révisions du PIB par composante de dépenses pour 2010

4/ Révisions des composantes revenu du PIB

Selon l’approche du revenu, le PIB est mesuré comme le total de tous les revenus gagnés dans le processus de production de biens et de services plus les impôts sur la production et les importations (impôts sur les produits et autres impôts liés à la production) moins les subventions . Ces revenus sont ventilés par nature, c’est-à-dire la rémunération de l’emploi et l’excédent d’exploitation/revenu mixte. Dans le SEC 95, la rémunération des salariés représentait un peu moins de la moitié du PIB tant pour l’UE‑28 que pour la zone euro en 2010, tandis que l’excédent d’exploitation et les revenus mixtes représentaient un peu moins de 40 % du PIB. Pour la même période, la mise en œuvre du SEC 2010 a augmenté de 1,7 point de pourcentage la part de l’excédent d’exploitation et du revenu mixte tant dans l’UE‑28 que dans la zone euro.

L’excédent brut d’exploitation et le revenu mixte constituent de loin la principale composante du revenu, contribuant à hauteur de 3,2 points de pourcentage à la révision totale du PIB en 2010 pour l’UE‑28 et de 3,1 points de pourcentage pour la zone euro. Cela s’explique principalement par le traitement révisé de la recherche et du développement et des systèmes d’armes militaires, qui ont été reclassés en dépenses d’investissement. Conséquence de ce changement, ces éléments sont désormais comptabilisés en FBCF et leur valeur a été déduite des consommations intermédiaires. Cela s’est traduit par une augmentation de la VAB. Cette VAB supplémentaire est maintenant redistribuée dans l’économie sous forme d’excédent d’exploitation pour les producteurs.

Comme le montre le graphique suivant, l’excédent brut d’exploitation et le revenu mixte ont enregistré les contributions les plus importantes aux révisions du PIB en 2010 pour Chypre (9,4 %), les Pays-Bas (6,2 %) et la Suède (5,3 %). L’excédent brut d’exploitation et le revenu mixte ont contribué négativement aux révisions du PIB sur la même période en Lettonie (–2,3 %) et au Luxembourg (–2,1 %).

Contributions aux niveaux du PIB nominal par composante de revenu en 2010

 

 

 

 

 

 

 

 

VII – ÉVOLUTION DU PIB DANS L’UE : L’APPROCHE DEMANDE ET L’APPROCHE REVENU

Les économistes ne s’intéressent qu’aux évolutions du PIB en volume. On observe que le PIB de l’UE augmente peu depuis la crise de 2009 contrairement à la Chine.

 

 

1/ Évolution du PIB dans l’UE : le rebond observé en 2021 s’est poursuivi en 2022

La crise financière et économique mondiale a entraîné une grave récession dans l’UE en 2009 (voir figure 1), suivie d’une reprise en 2010. La crise a commencé plus tôt au Japon, avec un taux de variation annuel négatif du PIB (en termes réels) déjà enregistré en 2008, un approfondissement en 2009 et un rebond en 2010. En revanche, la production économique en Chine (y compris Hong Kong) a continué de croître à un rythme rapide pendant la crise financière et économique mondiale (près de 10 % chaque année), ralentissant quelque peu au cours des années suivantes, mais restant considérablement plus élevé que dans toutes les autres économies présentées au graphique suivant.

La crise financière et économique mondiale était déjà manifeste dans l’UE en 2008, lorsque le taux de croissance du PIB avait été considérablement plus faible qu’en 2007 (passant de 3,1 % en 2007 à 0,6 % en 2008), suivi d’une baisse de 4,3 % baisse du PIB en 2009. La reprise dans l’UE a vu l’indice du PIB (basé sur les volumes chaînés) augmenter de 2,2 % en 2010 et il y a eu un nouveau gain de 1,9 % en 2011. La reprise n’a pas été soutenue, et par la suite le PIB s’est contracté 0,7 % en 2012 et la variation en 2013 est négligeable (-0,1 %). Une série de taux de variation positifs a été enregistrée par la suite, avec une croissance relativement stable entre 1,6 % et 2,8 % chaque année de 2014 à 2019. En 2020, l’UE a enregistré une baisse réelle du PIB de 5 %. 6 % alors que l’impact initial de la crise du COVID-19 s’est fait sentir ; ce chiffre était considérablement plus important que la baisse d’activité en 2009 pendant la crise financière et économique mondiale. De même, le rebond de l’activité en 2021, en hausse de 5,4 %, a été plus fort que celui observé en 2010, alors qu’il y a eu une nouvelle expansion en 2022, en hausse de 3,5 %.

Dans la zone euro, les taux de variation correspondants ont été similaires à ceux enregistrés dans l’UE: les contractions enregistrées en 2009, 2012, 2013 et 2020 ont été plus fortes (baisse de 4,5 %, 0,9 %, 0,2 % et 6,1 %) que dans la UE. Alors qu’il y avait une croissance dans la zone euro chaque année où il y avait une croissance dans l’UE, le taux de croissance dans la zone euro était systématiquement inférieur de 0,1 à 0,3 points de pourcentage, à une exception près: l’augmentation en 2022 était tout aussi forte dans l’euro (+ 3,5 %) comme dans l’UE. Ainsi, au cours de la période 2005-2022, la croissance du PIB réel dans la zone euro (+ 19,8 % au total) a été plus faible que celle de l’UE dans son ensemble (+ 23,7 %).

 

Taux de variation du PIB réel, 2005-2022 (variation en % par rapport à l’année précédente)

 

 

 

2/ Croissance annuelle moyenne du PIB de 1,3 % au cours des 17 dernières années dans l’UE et de 1,1 % dans la zone euro

Au sein de l’UE, la croissance du PIB réel a considérablement varié, tant dans le temps qu’entre les États membres de l’UE (voir tableau suivant). Après une contraction en 2009 dans tous les États membres de l’UE à l’exception de la Pologne, la croissance économique est revenue par la suite dans la plupart des États membres : 23 ont enregistré une croissance en 2010 et (un autre) 23 ont enregistré une croissance en 2011. Cependant, en 2012, cette évolution a changé , un peu plus de la moitié (14) des États membres ayant enregistré une expansion économique, tandis que la production a diminué dans 12 des 13 États membres restants et aucun changement dans un. Par la suite, une plus grande majorité d’États membres ont de nouveau enregistré une croissance, le nombre de pays enregistrant un taux de variation positif atteignant 15 en 2013 et passant à 23 en 2014 et 26 en 2015 et 2016.

L’Irlande a enregistré dix années consécutives d’augmentation du PIB à partir de 2013 et une seule année de baisse (en 2009). De la même manière, la Lituanie a enregistré pour la dernière fois une baisse en 2009, avec des augmentations chaque année depuis, à l’exception d’une absence de croissance en 2020. Parmi les pays non membres de l’UE présentés dans le tableau suivant, la Chine a enregistré une croissance. pour toutes les années pour lesquelles des données sont disponibles depuis 2005 (pas de données disponibles pour 2021 ou 2022).

Les effets de la crise financière et économique mondiale ont réduit les performances globales des économies des États membres de l’UE lors de l’analyse des évolutions au cours des 17 dernières années, et la crise du COVID-19 les a encore amoindries. Les taux de croissance annuels moyens du PIB dans l’UE et dans la zone euro entre 2005 et 2022 étaient de 1,3 % et 1,1 %, respectivement. À titre de comparaison, entre 2010 (la première année après le point bas de la crise mondiale et financière) et 2019 (la dernière année complète avant la crise du COVID-19), la moyenne pour l’UE était de 1,5 % et pour la zone euro, elle était de 1,3 %.

La croissance la plus élevée parmi les États membres de l’UE, selon cette mesure, a été enregistrée pour l’Irlande (croissance annuelle moyenne du PIB de 5,3 % entre 2005 et 2022 ; cela inclut une augmentation exceptionnelle en 2015 reflétant les activités des entreprises multinationales). Malte (4,6 %) et la Pologne (3,9 %) affichaient ensuite les taux de croissance moyens les plus élevés. En revanche, l’évolution réelle du PIB entre 2005 et 2022 a été globalement négative en Grèce, en baisse en moyenne de 0,8 % par an ; en Italie, il n’y a pratiquement pas eu de changement global entre 2005 et 2022.

 

Taux de variation du PIB réel, 2005-2022

Les comparaisons entre pays sont souvent effectuées à l’aide de normes de pouvoir d’achat (SPA), qui sont des valeurs ajustées pour tenir compte des différences de niveaux de prix entre les pays. On note que les données présentées dans le graphique suivant sont en prix courants et ne doivent pas être utilisées pour calculer les taux de variation en raison de l’inflation et des fluctuations des taux de change.

En 2022, le PIB de l’UE était de 15 800 milliards de SPA (15 800 milliards de SPA) – pour l’UE, un SPA équivaut à un euro (€). Les chiffres PPT sont destinés à des comparaisons entre pays plutôt qu’à des comparaisons temporelles puisqu’ils ne peuvent pas être considérés comme des séries chronologiques pour des raisons méthodologiques. Néanmoins, il est intéressant de noter que la Chine a historiquement eu un niveau de production économique inférieur à celui de l’UE ou des États-Unis, mais que cette situation a changé avec la transformation rapide et l’expansion continue de l’économie chinoise. Le PIB de la Chine en SPA a atteint en 2013 un niveau qui était – pour la première fois – supérieur à celui enregistré pour l’UE. En 2016, le PIB de la Chine en SPA a dépassé celui des États-Unis.

PIB aux prix courants du marché, 2005-2022, (milliards de SPA)

 

Pour évaluer les niveaux de vie, il est courant d’utiliser le PIB par habitant, c’est-à-dire ajusté à la taille d’une économie en fonction de sa population : la population de l’UE en 2022 était de 449 millions. En 2022, le PIB moyen par habitant de l’UE (en prix courants) était de 35 220 €. Les valeurs exprimées en SPA ont été ajustées pour tenir compte des différences de niveaux de prix entre les pays (voir page Parité de pouvoir d’achat). La position relative de chaque pays peut être exprimée par une comparaison avec la moyenne de l’UE, fixée à 100 (voir tableau suivant). Sur la base de cette mesure, la valeur la plus élevée parmi les États membres de l’UE a été enregistrée pour le Luxembourg, où le PIB par habitant en SPA était 2,61 fois plus élevé que (ou 261 % de) la moyenne de l’UE en 2022 ; cela s’explique en partie par l’importance des travailleurs frontaliers belges, français et allemands.

 

Une comparaison des chiffres du SPA par rapport à l’UE pour 2005 et 2022 suggère qu’une certaine convergence des niveaux de vie a eu lieu.

  • La plupart des États membres qui ont rejoint l’UE après 2004 ont passés d’une position bien inférieure à la moyenne de l’UE en 2005 à une position plus proche de la moyenne de l’UE en 2022, malgré quelques revers au cours des différentes crises (graphique suivant).
  • L’Italie et l’Espagne sont également passées d’une position au-dessus de la moyenne de l’UE à une position en dessous.
  • La Grèce et le Portugal se sont placés encore plus en dessous de la moyenne de l’UE.
  • Le Luxembourg et le Danemark ont ​​dépassé la moyenne de l’UE, tout comme l’Irlande notamment.

Les autres États membres nordiques et occidentaux – la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, la Finlande, les Pays-Bas et la France – sont passés d’une position supérieure à la moyenne de l’UE en 2005 à une position plus proche (mais toujours supérieure) de la moyenne de l’UE en 2022. exemple, la France est passée de 113 % de la moyenne de l’UE en 2005 à 102 % de la moyenne en 2022.

PIB par habitant aux prix courants du marché, 2005 et 2022, (UE = 100 ; basé sur le SPA par habitant)

 

 

 

 

3/ L’approche « demande »

a) Consommation et investissement

Après avoir chuté de 5,6 % en 2020, le rebond économique observé en 2021 s’est poursuivi en 2022 : le PIB a augmenté en termes réels de 5,4 % en 2021 et de 3,5 % en 2022. Ainsi, le PIB a dépassé son niveau de 2019 pré-COVID de 3,0 % en 2022 La figure 7 oriente l’analyse vers l’évolution des composantes du PIB de l’UE du côté des dépenses.

  • La dépense de consommation finale a augmenté globalement de 19,6 % en volume entre 2005 et 2022 (cf. graphique 7), malgré de légères baisses en 2009, 2012 et 2013, et une baisse plus importante en 2020 (- 4,8 %).
  • Les dépenses de consommation finale des administrations publiques ont augmenté nettement plus rapidement que l’ensemble des dépenses de consommation finale, en hausse de 27,9 % entre 2005 et 2022, malgré de légères baisses en 2011 et 2012. Les dépenses de consommation finale des administrations publiques ont augmenté de 1,0 % en 2020, seul poste de dépenses affiché dans la figure 7 pour enregistrer une augmentation au cours de l’année où la crise du COVID-19 a commencé.
  • Au cours de la même période (2005-2022), la formation brute de capital (FBC) a été relativement volatile : elle a augmenté entre 2005 et 2007 de 14,9 % et a diminué de manière plus importante (17,7 %) entre 2007 et 2009 (pendant la crise financière et économique mondiale). Il a ensuite augmenté de 8,3 % entre 2009 et 2011 et baissé de 8,0 % entre 2011 et 2013. Une période ultérieure de croissance régulière a entraîné une augmentation globale de 29,6 % entre 2013 et 2019. Une baisse de 6,6 % a été observée en 2020, une chute plus importante que pour les postes de dépenses de consommation finale illustrés à la figure 7. De même, le rebond de la formation brute de capital en 2021 et 2022 (hausse de 6,1 % et 5,6 %, respectivement) a été plus important que pour les dépenses de consommation finale.
  • La croissance des exportations de biens et de services a dépassé la croissance des importations en 2008, entre 2010 et 2013, puis à nouveau en 2017 et 2021, alors que les importations ont augmenté plus rapidement (ou moins diminué) les autres années de 2005 à 2022. En 2020, le la valeur des exportations a diminué de 8,4 % par rapport à 2019, tandis que les importations ont chuté de 7,9 %. En 2021 et 2022, la valeur des exportations et des importations a fortement rebondi. Les exportations étaient de 83,0 % plus élevées en 2022 qu’en 2005, tandis que l’augmentation équivalente pour les importations était de 79,3 %.

 

 Évolution du PIB réel, des dépenses de consommation, de la formation brute de capital, des exportations et des importations, UE, 2005-2022, (2005 = 100) en %

 

Ayant augmenté chaque année de 2005 à 2008, les dépenses de consommation des ménages et ISBLSM dans l’UE, ont diminué de 1,1 % en 2009. La croissance en 2010 (0,9 %) et 2011 (0,3 %) a ramené ces dépenses à leur niveau de 2008, avant de retomber en 2012 (-0,8 %) et 2013 (-0,6 %). Par la suite, les dépenses de consommation des ménages et des ISBLSM ont augmenté pendant six années consécutives, passant de 1,1 % de croissance en 2014 à 2,2 % en 2016 et 2017, avant de ralentir à 1,5 % en 2019. En 2020, cette période de croissance soutenue s’est inversée, la consommation les dépenses des ménages et des ISBLSM ont diminué de 7,1 %, ce qui s’est redressé en 2021 et 2022 avec une croissance de 4,0 % et 4,2 %, respectivement, enregistrée.

En 2010, le rythme de croissance de l’UE de la consommation des APU de l’UE s’est ralenti en volume et ce taux de variation est resté relativement stable (dans une fourchette de -0,2 % à 0,4 %) entre 2011 et 2013, avant de renouer avec une croissance un peu plus forte (entre 1,0 % et 2,0 %) de 2014 à 2020. L’augmentation en 2021 était supérieure à cette fourchette, à 4,2 %, tandis qu’en 2022 une augmentation de 1,1 % a été enregistrée.

La FBCF dans l’UE a connu une forte baisse en 2009 (-11,3 %) et des baisses plus faibles en 2008 (-0,3 %) et 2010 (-0,5 %). Une augmentation de 2,1 % en 2011 a été suivie de nouvelles baisses en 2012 (-2,8 %) et 2013 (-1,9 %). Cependant, des augmentations de l’investissement ont été observées au cours de chacune des six années suivantes, augmentant de l’ordre de 2,2 à 6,5 % chaque année. Comme pour la plupart des autres indicateurs de dépenses, cette période de croissance s’est terminée brusquement en 2020 lorsque l’investissement a chuté de 5,4 %. La croissance combinée de 3,9 % en 2021 et de 4,0 % en 2022 a permis de récupérer ce qui avait été perdu en 2020.

Taux de variation annuel réel des composantes des dépenses du PIB, UE, 2005-2022 en %

En prix courants, les dépenses de consommation des ménages et des institutions sans but lucratif au service des ménages ont représenté 52,3 % du PIB de l’UE en 2022. La part de la formation brute de capital était de 24,7 % et celle des dépenses des administrations publiques de 21,4 %. Le solde extérieur des biens et services avait une part de 1,5 %

Composantes des dépenses du PIB aux prix courants du marché, UE, 2022 (% de la part du PIB)

 

 

 

 

 

b) La consommation des ménages

Les dépenses de consommation des ménages représentaient au moins la moitié du PIB (aux prix courants du marché) en 2022 dans 14 des États membres de l’UE ; cette part était la plus élevée en Grèce (67,1 %), en Roumanie (62,7 %) et au Portugal (62,2 %). En revanche, il était le plus faible au Luxembourg (28,2 %) et en Irlande (22,4 %). Malgré la faible part des dépenses de consommation des ménages dans le PIB observée au Luxembourg, c’est là que le niveau de dépenses par habitant le plus élevé a été observé, même après ajustement des différences de niveau de prix entre les États membres (25 939 SPA par habitant).

Outre le Luxembourg, la dépense moyenne de consommation des ménages par habitant en SPA en 2022 était également relativement élevée en Autriche (21 483 SPA), en Belgique (20 890 SPA), en Allemagne (20 469 SPA), en Italie (20 142 SPA) et au Danemark ( 19 985 SPA). En revanche, la dépense moyenne de consommation des ménages par habitant était de 12 286 SPA en Bulgarie. Le niveau en France (18 516 par SPA) est inférieur à celui de la zone Euro (18 770 par SPA)

Une analyse des évolutions réelles des dépenses de consommation moyennes par habitant en euros (sur la base d’un indice de volume en chaîne) sur la période 2019-2022 montre que la croissance la plus rapide a été enregistrée en Bulgarie, en Croatie et en Lettonie, où les augmentations moyennes annuelles ont été d’au moins 4,3 %. Au total, 10 États membres de l’UE ont enregistré une baisse des dépenses de consommation des ménages par habitant entre ces années, les baisses les plus importantes étant enregistrées en Tchéquie (baisse de 1,6 % par an en moyenne) et en Irlande (baisse de 1,8 % par an en moyenne).

Dépenses de consommation des ménages, 2005-2022

 

 

 

 

 

 

4/ L’approche « revenu »

La rémunération des salariés (D.1) est définie comme la rémunération totale, en espèces ou en nature, due par un employeur à un salarié en contrepartie du travail effectué par ce dernier au cours d’une période comptable. Il est composé de deux composants principaux.

La première composante est constituée des salaires et traitements (D.11), en espèces et en nature, et la seconde, les cotisations sociales des employeurs (D.12).

Quelques exemples de transactions incluses dans les salaires et traitements sont les salaires et traitements de base qui sont payables aux employés à intervalles réguliers, les paiements majorés tels que les heures supplémentaires, le travail de nuit, le travail de week-end ou les circonstances désagréables ou dangereuses. Ils comprennent les primes, les pécules de vacances pour les jours fériés et les congés annuels et allocations de logement.

Les cotisations sociales employeurs (D.12) sont les cotisations sociales dues par les employeurs aux régimes de sécurité sociale ou à d’autres régimes d’assurance sociale liés à l’emploi pour garantir des prestations sociales à leurs salariés. Il peut s’agir de cotisations « réelles » ou « imputées ». Des exemples de ceux-ci incluent les paiements réels effectués par les employeurs au profit des employés aux assureurs tels que la sécurité sociale et d’autres régimes d’assurance sociale liés à l’emploi. Ils comprennent également les cotisations imputées qui représentent la contrepartie de leurs prestations d’assurance sociale versées directement par les employeurs à leurs salariés sans impliquer une entreprise d’assurance ou un fonds de pension autonome doté d’une réserve de financement distincte.

La rémunération des salariés est également présentée par branche d’activité au travers de la nomenclature NACE Rév.2 A*10.

Les impôts sur la production et les importations (D.2 = D21 +D29) consistent en des paiements obligatoires, sans contrepartie, en espèces ou en nature, qui sont prélevés par les administrations publiques ou par les institutions de l’UE sur la production et l’importation de biens et de services, les l’emploi de main-d’œuvre, la propriété ou l’utilisation de terres, de bâtiments ou d’autres actifs utilisés dans le processus de production. Ces impôts sont dus indépendamment des bénéfices réalisés.

Les subventions (D.3) sont des paiements courants sans contrepartie que les administrations publiques ou les institutions de l’UE versent aux productions résidentes. Leur objectif est principalement d’influencer les niveaux de production, les prix des produits ou la rémunération des facteurs de production.

L’excédent brut d’exploitation (B.2g) et le revenu mixte (B.3g) constituent le solde du compte d’exploitation. L’excédent d’exploitation est une mesure de l’excédent résultant du processus de production avant déduction des charges d’intérêt explicites ou implicites, des loyers ou autres revenus de la propriété payables sur les actifs financiers, les terres ou les autres ressources naturelles qui ont contribué à cette production. Ce dernier contient un élément de rémunération pour le travail effectué par le propriétaire ou d’autres membres du ménage qui ne peut être identifié séparément du retour au propriétaire en tant qu’entrepreneur et il est associé aux travailleurs indépendants. L’EBE inclut aussi celui des propriétaires occupants de leurs logements.

 

 

 

a) Part des composantes du revenu dans le PIB en 20212

Une analyse du PIB au sein de l’UE du côté des revenus montre que la répartition entre les facteurs de production des revenus résultant du processus de production était induite par la rémunération des salariés (graphique suivant). En 2023, la rémunération des salariés était la composante de revenu la plus importante dans l’UE, représentant respectivement 47,0 % et 47,7 % du PIB dans l’UE et dans la zone euro . Il a augmenté de +0,2 point de pourcentage (pp) pour l’UE par rapport à 2022 et de +0,1 pp pour la zone euro. Les impôts sur la production et les importations (moins les subventions) ont diminué de -0,2 point de pourcentage pour l’UE et sont restés stables pour la zone euro par rapport à 2022 et représentaient 10,9 % dans l’UE et 10,6 % dans la zone euro en 2023. Enfin, l’excédent brut d’exploitation et les revenus mixtes représentaient 42,1 % du PIB pour l’UE et 41,7 % pour la zone euro, restant stables tant dans l’UE que dans la zone euro par rapport à 2022.

Cette forme de revenu représentait 46,9 % du PIB aux prix courants du marché en 2022 dans l’UE et 47,8 % dans la zone euro. Les parts de l’excédent brut d’exploitation et du revenu mixte étaient de 41,9 % du PIB dans l’UE et de 41,4 % dans la zone euro (mais 34,3% en France). Pour les impôts sur la production et les importations moins les subventions, les parts étaient de 11,2 % dans l’UE et de 10,8% dans la zone euro (mais 13,5% en France).

L’Irlande avait de loin la part la plus faible de la rémunération des salariés dans le PIB (26,2 %), suivie de la Roumanie (37,7%), tandis qu’une part maximale de 53,2 % a été enregistrée en Slovénie, puis en Allemagne (52,3%) et en France (51,8%). L’Allemagne dépasse aisnis la France probablement en lien avce les difficultész de l’économie allemande en 2023.

Neuf États membres ont enregistré une part des cotisations employeurs du PIB supérieure à la moyenne de l’UE pour cette composante, les proportions les plus élevées étant observées en France (12,6 %) ainsi qu’en Belgique et en Estonie (12,4 % chacune). Six pays ont déclaré une contribution sociale des employeurs inférieure à 5 % du PIB: la Roumanie (1,6 %), la Lituanie (1,7 %), Malte (2,8 %), le Danemark (4,0 %) ainsi que l’Irlande et la Hongrie (4,2 % chacun).

Treize États membres ont enregistré une part du PIB supérieure à la moyenne de l’UE en termes d’excédent brut d’exploitation et de revenu mixte. En Irlande (68,4 %), en Roumanie (53,3 %), à Malte (52,8 %), en Grèce (50,9 %) et en Slovaquie (50,2 %), cette composante représentait plus de la moitié de la valeur du PIB, tandis que les proportions les plus faibles ont été observées en Suède. (34,8 %), la France (34,9 %), la Slovénie (35,9 %) et le Danemark (36,2 %). La part particulièrement faible en Irlande est une conséquence des efefts liés à la mondialisation (voir page PIB irlandais)

Part des composantes du revenu dans le PIB (%) en 2023 et 2022

Répartition des revenus aux prix courants du marché, 2023 (% du PIB)

 

 

 

b) Changements au cours des 20 dernières années

Le graphique suivant et le tableau suivant présentent l’évolution de chacune des composantes du revenu par État membre et dans l’UE entre 2003 et 2023. Même si les parts des différentes composantes du revenu dans l’UE ont en réalité été relativement stables au cours des 20 dernières années, les impacts de la crise économique et la crise financière et la pandémie de COVID-19 sont visibles en 2009 et 2020. Entre 2000 et 2007, on observe une tendance à la baisse de la rémunération des salariés et à l’augmentation de la part des bénéfices par rapport à des augmentations assez fortes du PIB. Ensuite, la part de la rémunération des salariés est restée relativement résistante pendant la crise financière, les bénéfices ayant été les plus durement touchés. Après la crise, les tendances sont restées relativement stables jusqu’en 2019. Avec la pandémie de COVID-19 en 2020, les actions s’étaient déplacées au profit des rémunérations des salariés et de l’excédent brut d’exploitation et des revenus mixtes et au détriment des impôts sur la production et les importations (moins les subventions). En 2023, après deux années de baisse, la part de la rémunération des salariés a légèrement augmenté mais est restée inférieure aux niveaux d’avant la COVID-19.

 

  Evolution des principales composantes du revenu dans l’UE (% du PIB, 2003-2023)

 

 

 

 

1 – Rémunération des salariés

La part de la rémunération des salariés a connu une tendance à la baisse entre 2003 et 2007, puis a augmenté de manière significative en 2008-2009 pendant la crise économique et est revenue à sa part du début des années 2000. En 2020, cette part a augmenté pendant la pandémie de COVID-19 mais a commencé à diminuer régulièrement depuis 2021. En 2023, la tendance s’est inversée et la part de cette composante a légèrement augmenté par rapport à 2022. Au cours des 20 dernières années, la part de la rémunération des salariés a diminué dans l’UE (-0,3 point de pourcentage) mais a légèrement augmenté dans la zone euro (+0,1 point de pourcentage). Des changements importants ont été constatés dans tous les États membres. Les plus fortes augmentations de la part du PIB consacrée à la rémunération des salariés au cours des 20 dernières années ont été observées en Lettonie (de 38,4 % en 2003 à 51,0 % en 2023 ou +12,6 points de pourcentage (pp)), en Lituanie (+10,4 pp) et en Bulgarie. (+9,4 points de pourcentage), tandis que l’Irlande a enregistré la plus forte baisse (de 37,6 % en 2003 à 26,2 % en 2023, soit -11,4 points de pourcentage). Au total cette part a légèrement diminué dans l’UE (47% en 2023 contre 47,3% en 2003) alors qu’elle a légèrement augmenté en France étant à un niveau déjà élevé (51,8% en 2023 contre 51,6% en 2003).

 

 

2- Salaires et traitements

La part des salaires et traitements a légèrement augmenté dans l’UE au cours des 20 dernières années (de 36,9 % en 2003 à 37,5 % en 2023, soit +0,6 pp) avec les mêmes tendances que la rémunération des salariés. Toutefois, cette part est plus faible en 2023 qu’elle ne l’était en 2019. Pour 16 États membres, la part de cette composante de revenu dans le PIB a augmenté entre 2003 et 2023, les augmentations les plus notables étant observées en Lituanie (de 31,0 % en 2003 à 47,4 % en 2023, +16,4pp), la Bulgarie (+10,4pp) et la Lettonie (+10,3pp). Des diminutions significatives de la part de cette composante ont été enregistrées en Irlande (de 31,9 % en 2003 à 22,0 % en 2023, soit -9,9 points), aux Pays-Bas (-3,1 points) et en Croatie (-2,7 points).

 

3 – Cotisations sociales patronales

La part des cotisations sociales patronales a légèrement diminué dans l’UE au cours des 20 dernières années (-0,9 pp). Pour 14 États membres, la part de cette composante revenu dans le PIB a augmenté. Les augmentations les plus notables ont été observées en Lettonie (de +6,8 % en 2003 à 9,1 % en 2023, soit +2,3 pp), en Estonie (+1,7 pp) et au Portugal (+1,3 pp). Des diminutions significatives de la part de cette composante ont été enregistrées en Hongrie (de 10,2 % en 2003 à 4,2 % en 2023, soit -6,0 pp), en Lituanie (-5,9 pp) et en Roumanie (-5,2 pp).  En France cette part est passée de 13,7% à 12,6%. Mais elle a aussi diminé dans l’UE : 9,5% contre 10,4% en 2003.

4 – Taxes sur la production et les importations (moins les subventions)

Au cours des 20 dernières années, la part des impôts sur la production et les importations (moins les subventions) a augmenté sauf en 2008-2009 avec la crise économique (en 2008-2009), et en 2020 avec la pandémie de COVID-19. En 2023, leur part restait encore inférieure à son niveau d’avant la pandémie. En conséquence, au cours des 20 dernières années, cette part a légèrement diminué (-0,6 pp) dans l’UE. Dix-neuf pays ont enregistré une diminution de cette part, les baisses les plus significatives étant observées à Malte (-4,4 pp), en Irlande (-3,9 pp) et en Slovénie (-2,8 pp). Dans huit États membres, la part de cette composante du revenu dans le PIB a augmenté au cours de la même période, les augmentations les plus notables étant observées en Grèce (+3,9 points de pourcentage), au Portugal (+1,2 points de pourcentage) et à Chypre (+1,0 points de pourcentage). En France cette part est passée de 12,9% à 13,3%. Alors qu’elle a diminé dans l’UE : 10,9% contre 11,5% en 2003.

 

 

5 – Excédent brut d’exploitation et revenu mixte

La part de l’excédent brut d’exploitation et du revenu mixte a augmenté régulièrement entre 2003 et 2007 et a été durement touchée par la crise financière de 2008-2009. Depuis 2016, cette part a légèrement diminué jusqu’en 2019 mais a augmenté depuis 2020. En conséquence, au cours des 20 dernières années, cette part a légèrement augmenté dans l’UE (+0,8 point de pourcentage) et dans la zone euro (+0,3 point de pourcentage). Les plus fortes augmentations de la part du PIB dans l’excédent brut d’exploitation et le revenu mixte ont été observées en Irlande (de 51,1 % en 2003 à 68,4 % en 2023, soit +17,3 pp), à Malte (+7,9 pp) et en Hongrie (+6,2 pp). , tandis que les baisses les plus importantes de cette part ont été enregistrées en Lettonie (de 50,6 % en 2003 à 37,5 % en 2023, soit -13,1 points), en Lituanie (-9,3 points) et en Bulgarie (-7,2 points). En France cette part est passée de  35,5% à 34,9%. Alors qu’elle a augmenté dans l’UE : 42,1% contre 41,3% en 2003.

 

 

 

 

 

 

 

 

VIII – DU PIB MONDIAL PAR HABITANT À L’INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN (IDH)

Le PIB reste l’indicateur le plus utilisé pour illustrer la croissance économique et peut être utile pour comparer les performances économiques de différents pays. Qui sont les plus grandes puissances économiques mondiales ? Comment le classement des pays par PIB a évolué sur longue période ? La propagation de la pandémie et la guerre en Ukraine ont été très rudes pour un grand nombre de pays. Cela a eu des répercussions sur leur développement économique de nombreux États et a conduit à la crise tant redoutée. Mais alors, quels sont les pays les plus riches dans le monde en 2023 par rapport à 1980 ?

L’utilisation des parités de pouvoir d’achat (PPA) au lieu des taux de change du marché pour convertir les devises permet de comparer la production des économies et le bien-être matériel de leurs habitants en termes réels (c’est-à-dire en contrôlant les différences de niveaux de prix). On calcule ainsi le PIB par habitant en PPA.

Mais le PIB par habitant, l’indicateur le plus suivi pour comparer la richesse entre pays, pose des soucis d’interprétation avec les sièges sociaux des multinationales dans des pays comme le Luxembourg ou l’Irlande qui gonflent le PIB artificiellement (voir page PIB irlandais). En outre il n’est pas un indicateur de qualité de la vie. On lui reproche notamment de ne pas prendre en compte toute l’activité économique et d’exclure le travail bénévole réalisé notamment au sein du secteur associatif et le travail personnel (ménage réalisé sans recours à des personnes tierces, bricolage, jardinage…) (voir page PIB et bien-être).

L’l’Indice de Développement Humain (IDH) a ainsi été créé à l’origine par les économistes indien Amartya Sen et pakistanais Mahbub ul Haq. Pour Sen le développement est plutôt, en dernière analyse, un processus d’élargissement du choix des gens qu’une simple augmentation du revenu national. Et il faut bien admettre que l’IDH est plus représentatif de la qualité de la vie que le PIB par habitant et devrait être autant regardé à l’avenir.

 

 

 

1/ Le PIB mondial en dollars courants

a) Le PIB mondial calculé à partir des taux de change selon les données d’Eurostat, exprimé en euro en 2008 et 2018

Une première approche des parts relatives est basée sur les données en euros, reflétant les taux de change du marché.  La comparaison du PIB entre les pays ainsi que leur part dans le PIB mondial doit ainsi être considérée avec précaution. En effet, des évolutions importantes peuvent survenir du fait de variation des taux de change plutôt que de l’évolution économique des différents pays. Le yuan chinois étant sous-évalué par rapport à l’euro, le PIB chinois exprimé en yuan , converti en euro, diminue considérablement.

En 2018, les plus gros contributeurs au PIB mondial étaient les États-Unis, suivis par l’Union européenne qui forment, à eux deux, près de 42 % du PIB mondial. Les membres du G20 représentaient 86,2 % du PIB mondial en 2018. En 2018, le PIB mondial était évalué à 72,6 billions d’euros, dont les membres du G20 représentaient 86,2 %. Les schémas suivants montrent les parts des membres du G20 dans le PIB mondial pour 2008 ainsi que pour 2018 ; il convient de noter que 2008 a marqué le début de la crise financière et économique mondiale. La part combinée des membres du G20 dans le PIB mondial était supérieure de 0,8 point de pourcentage en 2008 à ce qu’elle était en 2018.

En 2018, les États-Unis représentaient 24,0 % du PIB mondial. Bien que la part des États-Unis en 2018 ait été inférieure de 0,9 point de pourcentage à ce qu’elle était en 2008, elle a devancé l’UE 27 pays, dont la part est passée de 25,6 % en 2008 à 18,6 % en 2018. La part de la Chine dans le PIB mondial est passée de 7,2 % en 2008 à 16 % en 2018, devançant le Japon (7,9 % en 2008 et 5,8 % en 2018). Pour replacer le rythme rapide de cette croissance économique chinoise dans son contexte, en termes de prix courants, le PIB de la Chine en 2018 était supérieur de 8 399 milliards d’euros à ce qu’il était en 2008, une augmentation supérieure au PIB combiné en 2018 des neuf plus petites économies du G20 (Canada , Russie, Australie, Mexique, Indonésie, Arabie Saoudite, Turquie, Argentine et Afrique du Sud). La part du PIB mondial apportée par l’Inde a également fortement augmenté, de sorte qu’elle est passée de la neuvième économie du G20 en 2008 (en dehors des trois États membres de l’UE du G20) à la sixième en 2018 avec une part de 3,2 %, juste derrière la part de 3,3 % du Royaume-Uni.

 

PIB mondial, 2008 en euros (%) 

PIB mondial, 2018 en euros (%)

Source : Eurostat et Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, Division des statistiques (Analyse des principaux agrégats)

 

Le graphique suivant montre le taux de variation réel (en volume) du PIB en 2018 par rapport à 2017 ainsi que le taux de variation annuel moyen sur 10 ans entre 2008 et 2018 ; Une grande partie de la crise financière et économique s’est produite au début de cette période. Les taux de variation sur 10 ans les plus faibles ont généralement été enregistrés dans des économies développées telles que le Japon, la Russie, l’Argentine et l’UE-27, tandis que les taux de croissance les plus élevés ont été enregistrés dans plusieurs économies asiatiques, notamment en Inde et en Chine. Si l’on examine le taux de variation entre 2017 et 2018, l’Argentine se distingue car elle a enregistré une contraction de sa production économique en 2018. À l’autre extrémité de l’échelle, trois membres du G20 se sont démarqués avec une croissance nettement plus rapide, avec des augmentations annuelles de 5,2 % en Indonésie, 6. 6 % en Chine et 6,8 % en Inde. À titre de comparaison, le taux de croissance annuel du PIB en 2018 pour l’ensemble du monde était de 3,1 %, l’UE-27 enregistrant une croissance légèrement plus lente (2,1 %). En 2019, le PIB mondial a progressé de 2,5 % selon les données fournies par la Banque Mondiale. La Chine et l’Inde restent les principaux moteurs de la croissance mondiale.

Variation annuelle moyenne du PIB réel (en volume), 2008-2018 en %

 

 

 

b) La Chine grand vainqueur depuis 1980, les États-Unis se maintiennent, l’UE chute ainsi que l’Afrique et L’Amérique du Sud

Malgré tout le PIB par continents et grands pays est très significatif du déplacement de l’économie mondiale depuis 1980. La part de la Chine dans ce PIB mondial explose de 2,7% en 19810 à 16,1% en 2021, augmentant faiblement depuis (16,9% en 2023). Elle explique pratiquement à elle seule la forte hausse de la part de l’Asie de 21,1% en 1980 à 35,4% en 2023 (la baisse relative du Japon étant largement compensée par la hausse des autres pays : Viet-Nam, Laos, Indonésie, Singapour,…). Dans le même temps la part des États-Unis se maintient autour de 25-26% avec une hausse relative jusqu’en 2000 suivie d’une baisse après. C’est l’UE qui s’affaiblit de 28,6% en 1980 à 17,6% en 2023 avec un quasi stabilité jusqu’à la crise de 2088 suivie d’une chute après. Les parts de l’Afrique et de l’Amérique du Sud diminuent aussi mais de manière une peu moins spectaculaire. Les tableaux et graphiques suivants tentent de résumer ces évolutions.

Parts des PIB en dollars courants  des principaux pays dans le PIB mondial en % (à partir de 1%)

Parts des PIB en dollars courants  des principaux continents et pays dans le PIB mondial en %

Parts des PIB en dollars courants  des principaux continents et pays dans le PIB mondial en %

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

c) Le PIB mondial par pays en dollars en 2022 selon la Banque mondiale

Tableau 11 PIB PPA Banque Mondiale

Pour mémoire, le PIB au prix d‘acquisition est la somme de la valeur ajoutée brute de tous les producteurs résidents d’une économie plus toutes taxes sur les produits et moins les subventions non incluses dans la valeur des produits. Il est calculé sans effectuer de déductions pour la dépréciation des biens fabriqués ou la perte de valeur ou la dégradation des ressources naturelles. Les données sont en dollars internationaux courants.

Le PIB mondial dépasse 100 milliards de dollars en 2022 et atteint 104,5 milliards de dollars en 2023. À la première position du classement des pays les plus riches au monde, nous retrouvons sans surprise les États-Unis dont le PIB s’élève à 25 440  milliards de dollars. Les États-Unis sont de loin le pays générant le plus de richesses au monde. Ils sont suivis par la Chine avec un PIB de 17 963 milliards de dollars.. La France est la 7e puissance économique mondiale. En se rassemblant, les pays de l’Union Européenne cumulent un PIB de 16 746 milliards de dollars et se situent donc au troisième rang mondial. L’Asie est présente en force sur le podium, étant donné que le Japon se place à la 3e position avec un PIB de 4 232 milliards. La croissance du pays se situe à 1%.

Pour la suite du classement et pour conclure le top 5, nous partons en Europe de l’Ouest avec respectivement l’Allemagne (4082 en 2022) et l’Inde (3417 en 2022) qui affiche une croissance de 7% d’après les informations de la Banque Mondiale. La France se place derrière le Royaume-Uni (3089 en 2022)  qui affiche tout de même une croissance de 4,10%, malgré une forte inflation au sein du pays. En France, la croissance n’est pas si catastrophique que ce qui était attendu avec +2,6% et un PIB autour de 2 780  milliards de dollars.

Dans le reste du top 10, nous retrouvons l’Italie à la 10e place, qui était 8e en 2022, avec un PIB de 2 050  milliards de dollars. L’Italie est précédée par la Russie (2240 milliards en 2022) qui est la seule puissance mondiale à avoir une croissance en berne (-2,10%) et le Canada (+3,40%) (2138 milliards en 2022) . La Corée du Sud sort du top 10 des pays les plus riches du monde.

PIB mondial en milliards de dollars courants : classement des pays

PIB mondial en milliards de dollars courants en 2022 : classement des pays

 

 

 

 

2/ Le PIB mondial en dollars courants en parité de pouvoir d’achat

Cependant, le PIB est imparfait puisqu’il ne tient pas compte du « coût de la vie ». De plus, le graphique précédent oblige à libeller toutes les valeurs en une même monnaie (ici le dollar) ce qui implique que les comparaisons peuvent être biaisées par des fluctuations du taux de change. Les économistes ont donc introduit la notion de la Parité du Pouvoir d’Achat (PPA) (voir page Parité de pouvoir d’achat).

La PPA mesure le pouvoir d’achat d’une monnaie pour un consommateur pour se procurer le même panier de biens et de services qu’un autre consommateur dans un autre pays. Contrairement au taux de change, ce taux de conversion entre les monnaies tient alors compte du « coût de la vie ». Il est donc plus près de la richesse réelle. L’indicateur suivant fournit les valeurs du produit intérieur brut (PIB) exprimées en dollars internationaux courants, convertis par le facteur de conversion de la PPA. Le facteur de conversion PPA est un déflateur de prix spatial et un convertisseur de devises qui élimine les effets des différences de niveaux de prix entre les pays.

Le Programme de comparaison internationale (PCI) est une opération statistique mondiale impliquant quelque 200 pays. Il produit des mesures de prix et de volume internationalement comparables pour le PIB et ses dépenses. Les mesures sont fondées sur les parités de pouvoirs d’acaht (PPA). Pour calculer les PPA, le PCI organise des enquêtes pour collecter des données sur les prix et les dépenses pour l’ensemble des biens et services finaux qui composent le PIB, y compris les biens et services de consommation, les services publics et les biens d’équipement.

La Banque mondiale évalue systématiquement la pertinence des taux de change officiels comme facteurs de conversion. Dans un pays, il existe une activité de taux de change multiple ou double qui doit être prise en compte de manière appropriée dans les statistiques sous-jacentes. Une estimation alternative est calculée comme une moyenne pondérée des différents taux de change utilisés dans le pays. Cette méthode reflète mieux la réalité économique et permet d’effectuer des comparaisons plus précises entre les pays et de classer les pays en fonction de leur niveau de revenu.

À la première position du classement des pays les plus riches au monde, ce ne sont plus les États-Unis mais la Chine qui prend la première place : 30 337 milliards de dollars en 2022 contre toujours 25 440 milliards de dollars aux États-Unis puisque le dollar est la monnaie  de référence pour le calcul des PPA. On note que le PIB de l’UE est à peine inférieure : 24 438 milliards de dollars

L’Inde passe en troisième position : 11 905  milliards de dollars devant le Japon, la Russie et l’Indonésie, le Brésil et l’Allemagne, la France rétrogradant en neuvième place (3 765   milliards de dollars) devant le Royaume –Uni.

Le classement des autres pays est aussi modifié en fonction parités de pouvoir d’achat c’est-à-dire du taux de change des monnaies et du niveau des paix dans chaque pays. Le calcul des PIB par pays tient compte de ces deux éléments (voir page PPA)

PIB mondial en milliards de dollars courants basé sur les taux de parité des pouvoirs d’achat (PPA)

 

On peut compléter ce tableau par le graphique suivant en 2018. Selon celui-ci, le PIB de l’UE-27 représentait 16,0 % du PIB mondial. La Chine et les États-Unis étaient les deux autres plus grandes économies, avec des parts de 16,4 % et 16,3 % respectivement. L’Inde était la quatrième plus grande économie, avec 6,7 %, suivie du Japon avec 4,3 %. Le graphique suivant montre les parts de tous les pays (hors UE) qui ont une part supérieure à 1 %. A titre de comparaison : l’Allemagne est le plus grand pays de l’UE avec une part dans le PIB mondial de 3,7 %.

Parts du PIB mondial en SPA en 2018 en %

 

 

 

 

 

 

3/ Le PIB mondial en dollars courants par habitant

Mais le PIB ne reflète pas forcément la richesse de ses habitants. En rapportant le PIB d’un pays à sa population, on obtient une autre lecture de la répartition de la richesse mondiale qui est plus proche de la réalité. Le PIB par habitant est le produit intérieur brut divisé par la population en milieu d’année. De nouveau le calcul peut se faire en une monnaie commune, le dollars, ou en PPA.

PIB mondial en dollars courants par habitant

PIB mondial en dollars courants par habitant

 

 

 

4/ Le PIB mondial par habitant en PPA en prix courants

Le PIB par habitant en PPA est le produit intérieur brut par habitant converti en dollars internationaux courants au moyen des taux de parité des pouvoirs d’achat (PPA). Un dollar international a le même pouvoir d’achat sur le PIB du pays déclarant qu’un dollar américain aux États-Unis.

C’est l’indicateur le plus utilisé pour mesurer le niveau de vie des habitants d’un pays et donc son niveau de développement et de sa prospérité.

Ce niveau de vie des habitants résulte du rapport entre la valeur de la production finale d’un pays et la population de ce dernier sur une période définie. Selon la Banque Mondiale, la France se classe 25éme rang au dernier classement 2023. Elle est au 20éme rang dans le tableau suivant mais après élimination des petits pays. Elle est surtout en dessous de la moyenne de la zone Euro et juste au dessus de celle des pays de l’UE. Elle était mieux classée en 1990. Et on va voir que ce classement s’est encore plus détérioré en volume,  signe d’un appauvrissement relatif.

Des petits pays comme le Luxembourg, l’Irlande et Singapore ont su développer leur richesse depuis 1980. Le PIB par habitant dans ces trois pays est respectivement 2,6 fois, 2,4 fois et 2,3 fois celui de la France, avec il est vrai des sièges sociaux des multinationales qui gonflent artificiellement le PIB de ces pays (voir page PIB irlandais). Celui des États-Unis représente 40% de plus. Quant à l’Allemagne, c’est 15% de plus que notre pays.

 

 

a) Méthodologie

Ici on s’appuie sur les séries en dollars courants puis constants dont les évolutions sont les mêmes que celles en PPA en dollars constants. On rappelle dans la page Parité de pouvoir d’achat que les PPA sont des indicateurs spatiaux de niveau de prix et conviennent donc principalement aux comparaisons faisant référence à plusieurs zones géographiques à un moment donné. Les séries du PIB par habitant en PPA ne sont pas vraiment utilisables dans le temps, – Eurostat publie les séries – : les PPA ne sont pas établies pour faire ce type de comparaisons temporelles. Cela n’a pas de sens de calculer des évolutions sur des PIB en PPA en niveau, car ils reflètent des niveaux de richesse relatifs. On peut juste commenter les évolutions des écarts sur longue période (par exemple l’écart entre les PIB par habitant en PPA de la France et de l’Allemagne en 2010 et en 2020. Néanmoisn l’OCDE et la Banque Mondiale justifient de tels calculs.

À de nombreuses fins analytiques, il est intéressant d’observer l’évolution du PIB en volume entre les pays et dans le temps. Il existe au moins deux façons d’établir une telle comparaison, chacune ayant son interprétation et une utilisation spécifiques. Jusqu’à présent, le tableau des MIE (Main Economic Indicators)  ne présentait qu’une seule option : les indices de volume par habitant utilisant les PPA actuelles. Cependant, il a été estimé qu’à des fins analytiques et pour une meilleure compréhension des données publiées, les deux options devaient être présentées.

Dans l’ensemble, l’OCDE recommande des indices basés sur des PPA constantes pour l’analyse de la croissance relative entre les pays et dans le temps, et des indices basés sur des PPA courantes (de référence) pour les dernières comparaisons « instantanées » du PIB et du PIB par habitant.

 

1 – Comparaisons du PIB basées sur les PPA courantes

Ils constituent l’outil approprié pour répondre à la question : « Quelle est la position d’un pays en termes de PIB (par habitant), compte tenu de l’ensemble des prix internationaux de l’année considérée » ?

La première possibilité de combiner les observations spatiales et temporelles consiste à utiliser une séquence de données actuelles ou PPA « de référence », c’est-à-dire un nouvel ensemble de données sur les prix compilées dans les pays membres, pondérées et agrégées pour taux de rendement de conversion monétaire pour le PIB total et ses composantes de dépenses. Cela signifie que les prix et les structures de prix peuvent varier dans le temps. On peut aussi dire qu’en effectuant ce calcul pour chaque période, les comparaisons du PIB entre les pays sont basées sur les prix internationaux actuels. Les niveaux comparables de volume du PIB sont obtenus en appliquant ces PPA actuelles aux mesures du PIB aux niveaux nationaux actuels des prix. Au cours d’une année donnée, les comparaisons (spatiales) entre les pays sont simples – les volumes sont mesurés avec la même structure de prix. Les comparaisons dans le temps intègrent cependant plusieurs effets :les changements de volume relatif, les changements de prix relatifs entre les pays et les changements de définitions et méthodologies.

 

 

2 – Comparaisons du PIB basées sur des PPA constantes

Ils constituent l’outil approprié pour répondre à la question : « Comment la position relative d’un pays a-t-elle évolué ? Le PIB (par habitant) a-t-il changé au fil du temps, compte tenu de ses performances de croissance mesurées ? » Cette deuxième approche pour générer des séries chronologiques de PPA consiste à fixer une année de « base » et à extrapoler les PPA pour d’autres années. L’extrapolation se fait en appliquant les taux d’inflation relatifs observés dans différents pays aux PPA de l’année de référence. Les séries du PIB en monnaie nationale et aux prix courants peuvent désormais être converties avec ces PPA pour produire des mesures de volume comparables entre les pays. Les mesures résultantes des comparaisons du PIB sont des indices de volume à prix constants et des PPA. Le même résultat aurait été obtenu en appliquant les taux de croissance en volume du PIB aux niveaux comparatifs du PIB de l’année de référence.

Quelle que soit la manière dont elles sont calculées, ces séries temporelles ont une propriété très commode : elles reproduisent exactement les mouvements relatifs de la croissance du PIB en volume de chaque pays. Si cette caractéristique facilite l’utilisation et l’interprétation des PPA dans le temps, elle partage un inconvénient important avec d’autres indices qui utilisent une base fixe : l’hypothèse que les structures de prix ne changent pas au fil du temps. La réalité économique veut que les prix relatifs changent au fil du temps et il est bien connu que le fait d’ignorer ces changements sur de longues périodes peut donner une image biaisée de l’évolution économique. Une autre conséquence de la fixation des structures de prix à une année de base est la dépendance des résultats par rapport au choix de l’année de base. Toutefois, l’avantage est que la série obtenue n’est pas affectée par les changements méthodologiques relatifs au calcul des PPA.

En résumé, la principale différence conceptuelle entre l’utilisation des PPA courantes et constantes est que les premières captent les variations de volume ainsi que les variations de prix relatifs, alors que les secondes ne prennent en compte que les variations de volume. Même si les volumes de biens et de services restent identiques au fil du temps, une comparaison du PIB basée sur la base des PPA courantes peut changer au fil du temps si les prix et les structures de prix évoluent. Ce facteur entre en jeu lorsque certains pays sont d’importants producteurs et exportateurs de produits dont les prix varient fortement comme cela a été le cas pour la Norvège en tant qu’important exportateur de pétrole. ​

Une autre source de différences entre les comparaisons du PIB basées sur les PPA courantes et sur les PPA constantes est les changements méthodologiques entre les cycles successifs de collecte des prix. Par exemple, l’introduction du système de comptabilité nationale de 1993 a entraîné des changements dans la classification des produits qui ont affecté le calcul des PPA. Bien que ces changements contribuent à améliorer la comparabilité entre les pays une fois qu’ils sont mis en place, ils réduisent également la comparabilité avec les observations antérieures à leur introduction et une rupture de série se produit.  Parfois, de simples changements dans les méthodes de collecte des prix ont des effets similaires et réduisent la comparabilité intertemporelle. L’OCDE analyse l’impact de certaines ruptures de séries sur les résultats globaux.

Il peut également y avoir des différences dans la manière dont les instituts statistiques construisent les indices de prix implicites pour leurs séries de PIB.  Ces différences influencent directement les mesures de PPA extrapolées et expliquent ainsi une partie des différences observées entre les PIB basés sur les PPA courantes et constantes.

 

 

 

b) résultats

PIB mondial en dollars courants par habitant en parité des pouvoirs d’achat (PPA)

PIB mondial en dollars courants par habitant en eparité des pouvoirs d’achat (PPA) en 2022

 

Il est possible aussi de calculer le RNB par habitant à partir du PIB en ajoutant les flux reçus dans le pays et en retirant les flux versés à l’extérieur. Parmi les membres du G20, le revenu national (RNB) par habitant le plus élevé en 2018 a été enregistré aux États-Unis, devant l’Arabie saoudite. Les niveaux moyens de revenu par habitant aux États-Unis et en Arabie saoudite étaient 3,6 et 3,1 fois supérieurs au RNB moyen du monde entier (17,9 milliers de dollars par habitant). L’Australie, le Canada, le Royaume-Uni, le Japon, l’UE-27 et la Corée du Sud ont chacun enregistré un RNB moyen par habitant supérieur au double de la moyenne mondiale. En revanche, quatre membres du G20 ont enregistré des niveaux de RNB par habitant inférieurs à la moyenne mondiale, à savoir le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Indonésie et l’Inde.

RNB par habitant en PPA en 2018 et taux de variation réel annuel moyen de celui-ci 2008-2018

 

 

 

 

 

 

 

 

5/ Le PIB mondial en prix chaînés

Néanmoins les évolutions sont plus significatives et ici encore plus éloquentes qu’en en prix courants à prendre toutefois avec prudence (voir ci-dessus). Entre 1990 et 2022, le PIB par habitant en PPA n’a augmenté que de de 36% en France soit une progression annuelle moyenne d’à peine 1% par an (tableau suivant). C’est la troisième progression la plus faible des pays devant l’Italie et le Japon où la croissance est de l’ordre de 0,6% par an entre 1990 et 2022.

Mais quel contraste avec tous les autres pays à commencer par la Chine où le croissance est de 8,3% par an sur la même période, voire certains pays de l’est de l’UE comme la Pologne (+3,8% par an). On est aussi  en dessous des États-Unis (+1,5%) du Royaume-Uni (+ 1,4%) voire de l’Allemagne (+1,2%). En France depuis 2007, on est proche de la croissance zéro (+ 0,5% par an) (premier graphique suivant). C’est encore le cas depuis 2019. Tout au plus l’Allemagne ne fait pas mieux sur cette dernère période.

Ce sont les pays de l’Asie surtout la Corée du Sud, la Chine, le Viet-Nam, … qui ont vu leur PIB par habitant en volume exploser (à l’exeption du Japon au profil européen et de l’Inde dont la population augmente trop fortement)  (second graphique suivant).

PIB mondial par habitant en dollars internationaux constants de 2015

PIB mondial par habitant en parité des pouvoirs d’achat (PPA) en dollars internationaux constants 2011

PIB mondial par habitant des pays asiatiques en PPA en dollars internationaux constants 2011

 

 

6/ Le PIB ne réfléte plus à lui tout seul la qualité de la vie

Le PIB est l’indicateur le plus utilisé pour mesurer la croissance et effectuer des comparaisons internationales. Il joue même un rôle particulièrement important pour mesurer les déficits et les dettes publics des États ce qui a des conséquences directes sur les politiques économiques des gouvernements et les décisions des Banques Centrales. C’est le cas dans la zone euro mais aussi dans les politiques de redressement imposées par le Fonds Monétaire International (FMI) quand un pays faisant face à des difficultés de solvabilité fait appel à son aide.

Toutefois le PIB par habitant ne donne pas d’information sur le bien-être individuel ou collectif, mais n’évalue que la production économique. Il n’intègre pas les données sociales, environnementales ni le bien-être des individus. C’est notamment sur ce point qu’il a été le plus décrié puisque la mesure du bien-être de la population ne peut pas être uniquement appréhendée par une comptabilisation des richesses créées surtout lorsqu’il s’agit de mesurer la pauvreté ou encore les inégalités sociales.

 

 

a) L’IDH

D’autres indicateurs ont alors été développés comme l’Indice de Développement Humain (IDH) par exemple. Cet indicateur prend en compte l’espérance de vie, le niveau d’éducation et le PIB par habitant pour évaluer le bien-être collectif d’un pays et va donc au-delà de la simple mesure de la production économique. Le PIB présente des écarts qui peuvent être très importants avec l’IDH.

L’IDH est un indice composite, sans dimension, compris entre 0 (exécrable) et 1 (excellent). Il est calculé par la moyenne de trois indices quantifiant respectivement  :

–  la santé / longévité (mesurées par l’espérance de vie à la naissance), qui permet de mesurer indirectement la satisfaction des besoins matériels essentiels tels que l’accès à une alimentation saine, à l’eau potable, à un logement décent, à une bonne hygiène et aux soins médicaux. En 2002, la Division de la population des Nations unies a pris en compte dans son estimation les impacts démographiques de l’épidémie du sida pour 53 pays, contre 45 en 2000 ;

– le savoir ou niveau d’éducation. Il est mesuré par la durée moyenne de scolarisation pour les adultes de plus de 25 ans et la durée attendue de scolarisation pour les enfants d’âge scolaire. Il traduit la satisfaction des besoins immatériels tels que la capacité à participer aux prises de décision sur le lieu de travail ou dans la société ;

– le niveau de vie (logarithme du revenu brut par habitant en parité de pouvoir d’achat), afin d’englober les éléments de la qualité de vie qui ne sont pas décrits par les deux premiers indices tels que la mobilité ou l’accès à la culture.

On peut estimer l’IDH meilleur indicateur que le PIB par habitant de la qualité de la vie qu’il intègre en partie. En 2021, la Suisse était le pays avec l’IDH le plus élevé au monde (0,962) et le Soudan du Sud avait l’IDH le plus faible (0,385). La France se classait à la 28ème place mondiale (0,903), à peu de chose près le même classement que le PIB par habitant (tableau suivant).

L’IDH est de 0,732 en moyenne dans le monde, selon les données 2022 du  Pnud. Les écarts sont grands selon les régions du monde. L’IDH est le plus élevé (0,796) en Europe et Asie centrale. Viennent ensuite l’Amérique latine et Caraïbes (0,754) et l’Asie de l’Est et Pacifique (0,749). Les États arabes et l’Asie du Sud occupent une position intermédiaire avec respectivement un IDH de 0,708 et 0,632. L’Afrique subsaharienne se démarque avec l’IDH le plus faible : 0,547.

Le Pnud considère qu’un pays présente un développement humain très élevé lorsque son IDH est supérieur à 0,800. La Suisse est en tête avec un IDH de 0,962. Les États-Unis, la France ou la Turquie, par exemple, figurent dans cette catégorie. En moyenne, un habitant d’un pays au développement très élevé a une espérance de vie de 79 ans. Un enfant qui entre à l’école peut espérer y rester 17 ans et les adultes de 25 ans et plus ont suivi une scolarité de douze ans en moyenne. Le PIB par habitant d’un pays au développement humain très élevé est de 43 752 dollars, soit près de 45 000 euros.

À l’opposé, les pays dont l’IDH est inférieur à 0,550 sont considérés comme ayant un faible développement humain. Le Sénégal, dont l’IDH est de 0,511, est dans ce cas. Le Niger et ses 24 millions d’habitants ont l’indice le plus bas : 0,400. Dans les pays au faible développement humain, l’espérance de vie est de 18 ans inférieure à celle des pays au développement humain très élevé. Les enfants passent huit années de moins sur les bancs de l’école et le revenu par habitant est 15 fois inférieur, en moyenne.

Un niveau de revenu élevé n’implique pas nécessairement un haut niveau de développement humain. Avec un PIB d’environ 15 000 dollars par habitant et par an, l’Amérique latine et Caraïbes, l’Asie de l’Est et Pacifique et les États arabes ont des niveaux de vie quasiment équivalents aujourd’hui. Mais l’IDH de l’Amérique latine et Caraïbes reste nettement supérieur à celui des États arabes. Malgré les revenus par habitant élevés affichés par les États arabes, les systèmes de santé et d’éducation sont plus développés et plus égalitaires en Amérique latine et Caraïbes, ainsi qu’en Asie de l’Est et Pacifique. Le bien-être d’une population ne dépend pas que des ses revenus moyens, mais aussi du niveau d’inégalités et des investissements publics sur le long terme du pays.

Il reste que les deux indicateurs, PIB par habitant et IDH, donnent des classements par pays assez proches. Dans le tableau suivant et une fois éliminés les « petits pays », l’Irlande est en tête du PIB par habitant et huitième pour l’IDH mais on a vu que le PIB par habitant est artificiellement gonflé en Irlande. En définitive les États-Unis sont le seul pays à avoir un rang d’IDH plus faible que celui du PIB par habitant.

 

 

b) L’IDHI

L’IDHI tient compte des inégalités dans chacune des trois dimensions calculées pour l’IDH (santé et longévité, éducation et savoir, niveau de vie et revenus) en modifiant la valeur moyenne de chacune de ces dimensions en fonction de son niveau d’inégalité. Le calcul de l’IDHI suit trois étapes.

 

Du PIB mondial par habitant à l’IDH et l’IDHI

 

 

 

c) L’importance croissante d’autres indicateurs (pauvreté, inégalités, émisssions de CO2 etc,…)

En matière de développement, plusieurs indicateurs existent donc tels les indicateurs de richesses : le PIB/habitant, ou encore les indicateurs synthétiques socio-économiques de pauvreté IDH – IPH (Indice de développement humain / indice de pauvreté humain). Et sans omettre les indicateurs d’empreintes écologiques.

Que nous apprennent-ils ? La présence d’une extrême variété des situations à laquelle doit répondre une grande variété d’indicateurs (cartes et graphiques suivants). Sont ils complémentaires au PIB par habitant et aux IDH ? On retirendra que le coefficient de Gini est fort utile pour avoir une identification du degré d’égalité dans la répartition des richesses (voir page Inégalités de revenus).  Les inégalités les plus fortes sont dans des pays Africains et d’Amérique latine notamment.

À partir de 2002, la Chine va inonder le monde de ses produits sur la base de subventions à l’exportation et d’une fine politique de protectionnisme national. Mais aussi et non sans lien, elle va témoigner d’une explosion de ses émissions carbone qui ne vont cesser de s’intensifier jusqu’à nos jours. Les dégradations environnementales s’enregistrent de 1980 à 2020 à une échelle jusqu’ici jamais connue. La situation est dorénavant critique dans la décennie 2020.

IPH (Indicateur synthétique socio-économique de pauvreté) en 2014

Source : Banque Mondiale

Indicateur de Gini (0=égalitaire et 1=inégalitaire)

Source : Banque Mondiale

Émission mondiale de CO2 (giga tonnes)

Source : Centre d’analyse des informations sur le dioxyde de carbone

 

 

 

 

 

 

 

 

IX – LE PIB MONDIAL : MÉTHODE DE CALCUL À PARTIR DES TES INTERNATIONAUX

1/ Vers un PIB mondial

On conçoit l’intérêt d’évaluer un PIB de l’UE ou un PIB mondial. Le PIB mondial est la somme de tous les PIB nationaux.  À priori il est facile à calculer. On peut faire une simple aggrégation des PIB nationaux en les convertissant en dollars.

Mais le « TES inter pays » (TIES) devient une priorité de la comptabilité nationale. Cette évolution s’est traduite par le développement d’une nouvelle branche des statistiques du commerce, appelée échanges en valeur ajoutée (voir page Chaînes de valeur mondiales). Ils donnent une mesure des interdépendances internationales grâce à la construction de TES mondiaux et montrent comment les producteurs d’un pays fournissent des biens et/ou des services aux producteurs et consommateurs d’autres pays. Or ces TIES modifient certaines données des comptes nationaux même si le PIB n’est pas modifié.

Du coup le PIB mondial n’est pas aussi simple à estimer à partir des comptes nationaux notamment dans l’approche « demande » qui fait intervenir le commerce extérieur.

  • D’abord, la somme des importations doit être égale à la somme des exportations de telle manière que le PIB mondial soit la somme des dépenses de consommation finale et de la formation brute de capital (emplois finals intérieurs). Or ce n’est pas le cas quand on s’appuie sur les TES-TRE des pays du fait des asymétries du commerce extérieur. Cette question des asymétries est complexe pour différentes raisons : travail à façon sans changement de propriétaire, corrections CAF-FAB, etc… (voir page chaînes de valeur mondiales).
  • En outre, le PIB mondial est calculé par la Banque mondiale en convertissant tous les PIB nationaux en dollars. Autrement dit, si l’ensemble des autres monnaies se déprécie par rapport au dollar, cela aura un effet négatif sur le PIB mondial.
    • On suppose qu’il n’y a que deux devises dans le monde : le dollar et une monnaie hors dollar (MHD) qui représente la monnaie de l’ensemble des autres pays du monde. ° On suppose ensuite que le PIB des États-Unis s’élève à 1 000 $ et celui du reste du monde à 1 000 MHD. Sachant qu’1 MHD vaut 2 dollars, si on veut calculer le PIB mondial en dollars, on réalisera le calcul suivant : 1000 $ + 2 x 1000 MHD = 1000 $ + 2000 $ = 3000 $,
    • On suppose maintenant que le MHD se déprécie vis-à-vis du dollar au point que l’on ne peut maintenant acheter que 1 $ avec le même 1 MHD. Le calcul devient : 1000 $ + 1 x 1000 MHD = 1000 $ + 1000 $ = 2000 $
    • La dépréciation de 50 % du MHD vis-à-vis du dollar a engendré un recul du PIB mondial de 33 %.

Pour apprécier véritablement l’évolution du PIB mondial, il faut donc enlever l’effet « valeur » pour ne retenir que la progression en volume. Celle-ci ressort à + 80 % pour la période 2000-2021, soit un taux de croissance annuel moyen de 2,8%.

 

 

 

 2/ Les TIES

Ils ont pour objet, entre autres, de résoudre les asymétries du commerce extérieur. En effet, là où les TES symétriques classiques sont habituellement décomposés en un TES domestique et un TES importé, le TES inter-pays permet d’aller plus loin en décomposant les TES symétriques en un TES domestique et les TES importés de chaque pays (voir page TES Symétrique).

À partir des TES symétriques de chaque pays, le TIES décompose le TEI entre un TEI domestique et un TEI importé par pays.  De même, il décompose les emplois finaux, soit produits intérieurement, soit importés et selon les pays.

Le fait de disposer d’une ventilation des TES symétriques importés par pays d’origine constitue une ventilation supplémentaire, par exemple pour déterminer la ventilation du contenu en importations d’un produit donné selon les pays exportateurs (à titre direct et indirect). Les données sur les échanges internationaux couvrent les échanges de biens et de services, la valeur ajoutée locale dans les exportations brutes et les chaînes de valeur mondiales (CVM).

C’est l’OCDE qui a développé les premiers projets depuis 2005 (Projet TiVA). Le principe est de partir des TES symétriques de chaque pays individuellement, chacun disposant d’importations et d’exportations mais sans décomposition des destinations et origines par pays. Un TES national contient une partie intérieure et une partie importée. La partie importée ne ventile pas les importations par pays d’origine ; de même, la partie exportée n’est pas ventilée par pays de destination. Tout l’enjeu de la construction d’un TIES consiste alors à rapprocher ces TES nationaux avec des bases de données sur le commerce international, afin de construire un tableau d’entrées et sorties international cohérent. Dans ce processus de création du TIES, les données initiales peuvent donc être modifiées afin de garantir la cohérence interne du TIES, notamment les équilibres emplois-ressources ou l’égalité des flux miroirs entre exportateurs et importateur.

Ce TES mondial doit en effet rendre cohérentes les données du commerce international à l’échelle mondiale, ce qui n’est pas facile du fait des asymétries du commerce extérieur. Par exemple, les importations de voitures par la France en provenance de l’Allemagne doivent être égales aux exportations de voitures par l’Allemagne vers la France. C’est absolument impossible à ce niveau de détail mais même au niveau agrégé du commerce extérieur, tous produits confondus. Du coup,  la France affiche un solde commercial quasi-équilibré avec la Chine en 2021 et en revanche un déficit de -100 milliards d’euros avec l’UE contre – 45 milliards sur le site de l’Insee La seule explication serait la gestion des asymétries.

Un TIES est toutefois presque plus simple qu’un TES symétrique (schéma ci-dessus). Il se compose d’un seul ensemble une fois résolus tant bien que mal les asymétries pour les 47 pays et 64 produits dans le projet FIGARO d’Eurostat. Comme le TES standard, il comprend deux cadrans : consommations intermédiaires (CI) et emplois finals. mais chacun se décompose entre les 47 pays en ligne et en colonne. On lit ainsi dans la matrice des CI, celles en 64 produits du pays 1 par les les 64 branches du pays 1 puis de la ligne 65 à 128 et de la colonne 1 à 64, les CI en 64 produits du pays 2 par les les 64 branches du pays 1;  et de la colonne 65 à 128, on lit de la ligne 1 à 64, les CI en 64 produits du pays 1 par les les 64 branches du pays 2, etc… .

TES standard en France (TRE à l’étranger)

 

TES symétrique

 

TIES (TES mondial)

 

 

 

 

2/ Comparabilité – géographique dans la base FIGARO d’Eurostat

Les tableaux FIGARO couvrent l’économie mondiale. La comparabilité géographique des données sources est obtenue et assurée principalement par : (1) la cartographie des classifications statistiques, (2) la compilation d’un ensemble cohérent à l’échelle mondiale des principaux agrégats de comptabilité nationale, et (3) l’établissement d’une vision équilibrée du commerce international où les exportations mondiales correspondre aux importations mondiales évaluées en FAB.

 

a) Principaux agrégats des comptes nationaux cohérents à l’échelle mondiale

Dans le projet FIGARO, la cohérence mondiale des principaux agrégats des comptes nationaux est assurée grâce à une procédure de collecte et de calcul des données par étapes. Le point de départ est la collecte du PIB de 205 économies. Les données du PIB sont reprises pour établir le PIB mondial mais elles ne sont ni adaptées ni modifiées dans les étapes suivantes.

Au lieu de cela, les principaux agrégats sont comparés au PIB et adaptés si nécessaire, en commençant par les dépenses, puis en passant à la production et aux revenus :

  • Du côté des dépenses , le PIB mondial doit être égal à la somme de la consommation finale, de la formation brute de capital et des exportations moins les importations de biens et de services.
  • Du côté de la production , le PIB mondial doit être égal à la production totale moins la consommation intermédiaire plus les impôts moins les subventions sur les produits.
  • Du côté des revenus , le PIB mondial doit être égal à la rémunération des salariés plus les impôts sur la production et les importations moins les subventions, l’excédent brut d’exploitation et le revenu mixte de l’économie totale.

Après avoir assuré la cohérence globale des principaux agrégats, leurs composantes sont comparées, par exemple, les dépenses de consommation finale des administrations publiques (P3_S13), des ménages (P3_S14) et des institutions à but non lucratif au service des ménages (P3_S15) sont comparées aux dépenses de consommation finale totales (P3). En fin de compte, cette procédure par étapes génère un ensemble de données final des principaux agrégats de comptabilité nationale qui s’alignent pleinement sur le PIB de chaque pays et sur le PIB mondial global.

 

b) Vision équilibrée du commerce international

La compatibilité géographique des données commerciales est obtenue en équilibrant le commerce international de manière à ce que les exportations mondiales correspondent aux importations mondiales évaluées valeur FAB (voir page Correction CAF-FAB).

Équilibrer le commerce international est une procédure complexe, qui implique des flux de travail distincts pour les biens et les services (voir le cas du commerce France-Chine page Chaînes de valeur mondiales). Les deux axes de travail rapprochent les données commerciales de 205 pays au niveau des produits NC à six chiffres via :

  • une l’évaluation cohérente des exportations (généralement valorisées FAB) et des importations (généralement valorisées CAF) en termes de FAB ;
  • l’attribution des échanges non alloués à l’aide de méthodes de plausibilité ;
  • l’élimination dl’es asymétries commerciales en équilibrant les flux commerciaux bilatéraux ;
  • l’harmonisation des données commerciales avec les comptes nationaux, ce qui nécessite de corriger les statistiques commerciales pour les marchandises envoyées à l’étranger pour transformation, réexportations, activités de négoce, commerce quasi-transit, achats directs à l’étranger par les résidents et achats intérieurs par les non-résidents.

 

 

c) Traitement statistique

L’élaboration des tableaux FIGARO s’appuie sur plusieurs sources de données, parmi lesquelles :

  • Tableaux nationaux des ressources et des emplois,
  • Comptes nationaux, en particulier les principaux agrégats,
  • Statistiques du commerce international de biens,
  • Statistiques du commerce international des services,
  • Balance des paiements.

En plus de ces sources de données primaires, Eurostat rassemble également des données auxiliaires pour équilibrer le commerce international et aligner les données commerciales sur les définitions des comptes nationaux. Parmi celles-ci figurent des données des 5 catégories précédentes (voir b).

  • Les données sur le commerce international de biens proviennent des statistiques du commerce international de biens (ITGS) d’Eurostat, de la base de données Comext, ainsi que de la base de données COMTRADE de la DSNU.
  • Les données sur le commerce international des services sont obtenues à partir des statistiques du commerce international des services (ITSS) d’Eurostat, des statistiques de la balance des paiements (BdP) et de l’ ensemble de données sur le commerce équilibré des services (BaTIS) de l’OCDE .
  • Ces principales sources de données sont complétées par des données et des informations provenant de partenaires internationaux, notamment les instituts nationaux de statistique, l’OCDE, la CEPALC et le FMI.

 

 

4/  Le calcul du PIB mondial à partir du TIES dans la base TIVA de l’OCDE

Le premier schéma ci-dessus peut être établi pour 3 pays et 2 branches d’activités (« industry ») – mais ce pourraient être des produits –  en agrégeant les TES domestiques des pays moyennant des ajustements par exemple les réconciliations des données du commerce extérieur entre pays (voir ci dessus). Le TIES mondial est plus simple que le TES symétrique national qui distingue les emplois produits domestiquement et ceux importés. Dans les colonnes comme dans les lignes on trouve d’abord les pays.

À gauche il y a la matrice des tableaux des consommations intermédiaires. En orange foncé se trouvent les consommations intermédiaires de biens et services produits intérieurement. En orange clair, se trouvent les consommations intermédiaires importées en provenance des 2 autres pays (ou bien exportées vers les autres pays).

Au centre il y a la matrice des emplois finals. En vert foncé se trouvent les emplois finals de biens et services produits intérieurement. En vert clair, se trouvent les emplois finals importées en provenance des 2 autres pays (ou bien exportées vers les autres pays).

En dessous se trouvent les impôts nets des subventions sur les produits en jaune foncé liées à la production intérieure, en jaune clair ceux liés aux importations et aux emplois finals.

La structure cible des TIES est facilement explicable, du moins sur le plan conceptuel (schéma suivant). Les  principaux éléments sont : (i) une matrice des flux branche à branche de consommations intermédiaires, couvrant les flux de biens et de services d’une branche à une autre au sein de chaque pays et les opérations internationales entre branches de pays différents ; (ii) une matrice des transactions entre chaque branche d’activité et les composantes de la demande finale (notamment la consommation finale, l’investissement, les variations de stock).

En outre, il est nécessaire de disposer séparément des impôts nets des subventions sur les consommationss intermédiaires ou les emplois  finals, pour que toutes les estimations soient valorisées avec cohérence (aux prix de base). Comparés à d’autres types de tableaux entrées-sorties multirégionaux, une des spécificités des TIES de l’OCDE est de distinguer les dépenses directes des résidents à l’étranger et les échanges transfrontaliers (à droite du schéma). Ceux-ci ne sont pas compris dans les importations des TRE mais sont compris dans les importations du PIB par la « demande ».

Le PIB mondial peut être calculé de deux manières :

  • l’approche « production » : PIB mondial = somme des valeurs ajoutées des 3 pays et des impôts nets des subventions sur les produits,
  • l’approche « demande » : PIB mondial = somme des emplois finals et des impôts nets des subventions sur les produits,  plus les achats directs des touristes résidents lors de leurs séjours à l’étranger (P33).

Représentation simplifiée avec 3 pays, 2 branches selon l’OCDE du calcul du PIB mondial

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

X – LES ÉVOLUTIONS DU PIB MONDIAL ET PAR PAYS

La croissance du PIB par tête montre une tendance à la baisse depuis les années 1950. Les ratios « investissement/PIB nationaux et régionaux » figurant dans le tableau suivant donnent à entendre qu’il y a eu une baisse notable des ratios d’investissement dans les pays économiquement avancés, notamment au Japon et dans la zone euro, mais une baisse minime dans le reste du monde.

L’un des défis les plus sérieux auxquels font face les économies occidentales est une faiblesse structurelle de la demande, due au vieillissement de la population (graphique suivant). Cette faiblesse est à l’origine d’une stagnation séculaire, caractérisée par une inflation faible, une croissance économique atone, et un sous-emploi chronique. Le Japon est l’exemple même de la stagnation séculaire,où le déficit de la demande est devenu permanent. La  zone Euro et, dans une moindre mesure, les États-Unis font maintenant face à une situation similaire. 

Toutefois certains économistes n’hésitent pas à avancer que la croissance est largement sous-estimée dans les pays du Nord du fait de la mauvaise prise en compte du progrès technique dans les services (santé, éducation,..) grâce au numérique et des difficultés énormes de partage volume-prix dans les services modernes (voir page Vers un Tableau entrées-sorties idéal et mondial).

Taux d’investissement (FBCF / PIB) en %

 

 

 

 

 

1/ Vers une stagnation séculaire ?

On s’intéresse ici à la théorie du cycle de Kondratieff qu’a tenté d’expliquer J.Schumpeter. Cette théorie ne porte que sur les pays touchés par la révolution industrielle au XIX ème siècle, l’Europe de l’Ouest, Les États-Unis, le Japon. Elle ne concerne  donc pas les pays émergents, ni la Chine.

Mais qu’en est-t-il des chiffres de la croissance du PIB dans le monde et en France? Les théories de Kondratieff et des économistes contemporains peuvent-elles expliquer le ralentissement de la croissance depuis 1945 en Europe et à l’inverse son accélération dans les pays émergents dont bien entendu la Chine ?

En effet il y a une distinction importante entre pays de l’hémisphère Nord et ceux du Sud, et à l’intérieur de ces deux ensembles des différences de taux de croissance dans les pays y appartenant. Les taux de croissances du PIB montrent d’abord un net ralentissement de la croissance en longue période depuis 1970 dans plusieurs pays de l’OCDE (tableau suivant).

Dans de nombreux pays européens de l’UE, les taux de croissance deviennent de plus en plus faibles au fil du temps et la période 1995-2019 n’échappe pas à cette évolution. On tend vers une croissance quasi nulle en France (+0,4% par an depuis 2019), Allemagne (évolution proche de la France), Italie, Japon, Royaume-Uni, etc… Certains diront que la période 2019-2022, marquée par le Covid, est trop courte. Mais les perspectives 2023-2024 ne sont guère optimistes. Ceux qui souhaitent la décroissance ne sont ainsi plus très loin de cet objectif. D’autres pays (en bleu dans le tableau suivant) ne subissent pas de ralentissement du taux de croissance après 2019, notamment la plupart des pays scandinaves, l’Australie, les Pays-Bas, la Pologne ou le Portugal.

Le «document d’orientation» publié par l’ERT (Table ronde de l’industrie européenne) montre toutefois que l’UE dépense beaucoup moins que ses homologues mondiaux dans la recherche et le développement : seulement 2,27 % du PIB, contre 2,40 % en Chine, 3,45 % aux États-Unis et 4,81 % en Corée du Sud (voir page Compte de recherche développement).

En outre, ces 15 dernières années ont été marquées par une différence significative de croissance économique entre l’UE et les États-Unis, Bruxelles s’en tenant à des politiques d’austérité macroéconomiquement contre-productives qui auraient freiné l’investissement, alors que ses concurrents investissaient de manière plus active.

Selon M. van Boxmeer.« Si l’on considère la différence de taux de croissance entre les États-Unis et l’Europe et que l’on projette cela sur dix ans, l’Europe pourrait perdre toute pertinence en termes économiques et devenir une sorte de musée très agréable à visiter, certes, mais plus le lieu prospère qu’elle a été ».

Aux États-Unis, le ralentissement est en effet moins net depuis 2019 et le PIB augmente plus vite qu’en Europe avant. D’ailleurs, la croissance a été robuste au deuxième trimestre 2023 avec +2,4% grâce à la consommation frénétique des ménages. Cette tendance devait se confirmer au troisième trimestre. Une première explication est la très bonne tenue du marché de l’emploi. Les Américains en profitent pour décrocher des emplois mieux rémunérés, augmentant ainsi leur pouvoir d’achat. Certains ont aussi profité de la hausse des salaires. La consommation a été dopée également par l’épargne accumulée pendant les années de Covid. L’économie américaine a aussi bénéficié de la crise énergétique qui a frappé l’Europe suite à la guerre en Ukraine. Le malheur de l’Europe, privée du gaz russe, a dopé les exportations américaines de gaz naturel liquéfié à partir de 2022, donnant un coup de fouet durable à l’industrie des hydrocarbures. Les aides gouvernementales largement distribuées en 2021 pour faire face au ralentissement provoqué par les confinements ont aussi un rôle clé dans le dynamisme de l’économie en renforçant les comptes des ménages. Enfin les investissements dans la transition énergétique, également soutenus par l’État fédéral, ont aussi profité au tissu industriel.

 

La croissance est plus faible au Amérique latine, notamment au Brésil, qu’en Inde laquelle est plus faible qu’en Chine dont le rythme est vertigineux : +9% par an entre 1974 et 2019. La croissance du PIB des 10 pays de l’Asie du Sud-Est dont le Viêt-Nam est de +5,2% pa an entre 1980 et 2019, soit un rythme proche de l’Inde, quand celle de l’UE n’est que de +1,9%. En fait la croissance des pays du Sud-Est de l’Asie suit un profil presque opposé aux anciens pays industrialisés. En Chine, en Inde, les taux de croissance n’ont cessé d’augmenter depuis 1970, même si on doit s’attendre à un tassement de la croissance en Chine en 2023.

Du coup, la croissance du PIB mondial ne ralentit pas vraiment depuis 1980 (graphique suivant). Entre 1980 et 1995 et entre 1995 et 2019, le PIB mondial augmente de 3,3% par an. Il y a un léger ralentissement entre 2019 et 2022 : +2,2% par an.  Mais Il faudrait aussi suivre la croissance du PIB par habitant au niveau mondial et dans chaque pays.

Daniel Cohen rappelait que « »l’état stationnaire » de Ricardo, autrefois considéré comme une hérésie économique, serait donc imminent, d’autant plus qu’aujourd’hui, le primat de la croissance dans les politiques publiques est remis en question d’un point de vue social (inégalités) et écologique. En somme, à court terme comme à long terme, cette croissance semble désormais hors de portée, emportée par certaines contradictions, une sentence que ni le progrès technique ni les politiques économiques ne semblent pouvoir révoquer ».

Pour Robert Boyer «progressivement les TIC constituent une technique générique dont les applications se diffusent d’abord dans le secteur de l’information mais ensuite dans la quasi-totalité du système économique. Quels sont les relations entre le secteur des hautes technologies et le reste de l’économie ? Ce secteur peut-il être le moteur d’un régime de croissance émergent?  Faut-il considérer qu’une nouvelle forme de capital, liée à l’information et aux connaissances se substitue aux biens d’équipement traditionnels et impulse une forme originale de changements techniques ? Or ces biens nouveaux dont le prix relatif chute fortement ne peuvent pas prétendre occuper l’ensemble de l’économie, ne serait ce que parce que les individus doivent se nourrir, se vêtir, se déplacer, se soigner, se former, se distraire… autant d’activités qui font appel à d’autre secteurs, qui ne s’inscrivent pas, tout au moins immédiatement dans la même révolution technologique. Ces biens sont alors, souvent à tord, qualifiés d’obsolètes alors que la plupart d’entre eux sont l’objet d’un certain progrès technique (agriculture, industrie, transport à grande vitesse,…). »

Et d’ajouter : «il est possible de réinterpréter la croissance de longue période partir de l’interaction des séries d’innovation. Celles qui concernent les biens typiques économisent le travail, les matières premières, l’énergie,  et on en mesure les conséquences à travers la croissance de la productivité soit apparente du travail, soit globale des facteurs. Pour leur part les innovations médicales et de santé publique ont pour effet de réduire la mortalité infantile, la morbidité et d’allonger l’espérance de vie sans handicap majeur.  On en cerne les conséquences à travers l’indicateur symbolique que constitue le nombre d’années en bonne santé d’une population. Aussi l’innovation ne terme de santé publique joue-t-elle directement sur la démographie et la qualité de la vie, alors que les innovations industrielles n’affectent ces variables qu’indirectement à travers l’amélioration du niveau de vie, la réduction du temps de travail, le développement des loisirs. »

Tableau 10 PIB volume OCDE2

Tableau 10 PIB mondial

Taux de croissance annuelle moyen du PIB mondial en volumes chainés dans les principaux pays du monde

Évolution du PIB mondial en volume chaîné, base 100 en 1980 en %

Évolution du PIB mondial en volume chaîné par grandes zones du monde, base 100 en 1980 en %

 

 

 

2/ croissance du PIB mondial et du commerce mondial

Cette question est en partie traitée dans la page Chaînes de valeur mondiales. On rappelle lici les principales tendances depuis 1980.

De 1980 à 2022, le volume du commerce mondial a été multiplié par 7,8, tandis que le volume du  mondial a été multiplié par 4,1 (graphique suivant). Le terme mondialisation (« globalization » en anglais) désigne une interconnexion croissante à l’échelle mondiale : les personnes, les institutions, les lieux et, plus généralement, les sociétés sont de plus en plus reliés par-delà les frontières nationales, du fait de l’accroissement des mouvements de capitaux financiers et de biens et services mais aussi de l’augmentation des flux de personnes et de leurs savoirs.

Évolution du commerce et du PIB mondial en %

 

 

Depuis le milieu des années 1980 jusqu’à la crise financière de 2008, le taux de croissance du commerce mondial est systématiquement supérieur au taux de croissance du PIB mondial. Le commerce mondial se replie fortement en cas de crise, sa décélération est même plus rapide que celle du PIB mondial. De 2012 à la pandémie de covid-19 qui a débuté en 2020, les taux de croissance du commerce mondial et du PIB mondial sont quasiment identiques ; la mondialisation semble avoir atteint un palier. En 2020, année de crise sanitaire, le commerce mondial se contracte davantage que le PIB mondial puis se redresse plus fortement.

Taux d’évolution du commerce et du PIB mondial en %

 

Les échanges mondiaux, qu’ils soient vus du côté des importations ou des exportations, s’opèrent surtout entre 3 pôles principaux : l’Europe (pour l’essentiel l’Union Européenne), la zone asiatique et l’Amérique du Nord. En 2022, la part des exportations de l‘Europe dans les exportations mondiales est légèrement inférieure à la part de ses importations dans les importations mondiales. C’est l’inverse pour l’Asie.

Part de chaque zone géographique dans les exportations et les importations mondiales en 2022

 

 

 

 

 

3/  Les cycles de Kondratieff sous s’implusion des innovations mis en évidence par Joseph Schumpeter

Un cycle de Kondratiev, dans les sciences économiques, est un cycle économique de l’ordre de 40 à 60 ans. Ce cycle est également appelé cycle de longue durée. Il est mis en évidence dès 1926 par cet économiste. à la demande de Lénine, dans son ouvrage  Dans son modèle, il distingue deux phases distinctes, une phase ascendante (phase A) et une phase descendante (phase B). 

Le retour en vogue des théories inspirées par J. Schumpeter a popularisé une vision mécanique des révolutions industrielles. La destruction créatrice est le processus économique continu par lequel l’irruption sur lesmarchés d’innovation défie les entreprises déjà implantées et conduit les moins productives à disparaître. Par ce processus, le système économique se renouvelle et génère une croissance économique de long terme mais avec des phases de saturation des produits nouveaux et des entreprises qui les produisent. Selon cette interprétation se succéderaient des phases de forte croissance puis de dépression, ou tout au moins de ralentissement économique en réponse à des grappes d’innovation radicales qui relancent périodiquement le profit donc l’investissement. La révolution du numérique s’inscrit tout naturellement dans cette logique après les révolutions impulsées par la machine à vapeur,, les chemins de fer, l’électricité, et enfin l’automobile.

Cette régularité est cependant tout à fait approximative. D’une part les ondes longues dont Kondratieff postulait l’existence s’avèrent d’une durée extrêmement variable, tant dans les phases ascendantes que des descendantes. D’autre part, iles dans la nature même de l’innovation surtout radicale, de ne pas suivre par principe les chemins balisés par les avancées techniques antérieures : elle défie la prospective.

La longue histoire des révolutions industrielles  est éclairante : le succès d’un régime de croissance émergent tient souvent à la multiplicité des effets indirects et souvent inattendus d’une innovation radicale, qui peut n’été conçue comme telle qu’après coup. Ainsi la révolution des technologies agricoles permet le transfert de main d’œuvre vers l’industrie de sorte que, de façon endogène, une innovation technique dans un secteur autorise l’essor d’un autre secteur à travers l’impact favorable lié à la baisse de ses prix relatifs. Bref, comme l’affirmait J. Schumpeter « les processus d’innovation combinent stratégie consciente et hasard de la découverte et du duccès [10].

Le même type d’interaction a été observé avec le fordisme : la baisse rapide des prix relatifs des biens assurant le mode de vie urbain (automobile, biens d’équipement ménagers.mais pas en général le logement) libéré le pouvoir d’achat en direction d’autres catégorises de biens et de services : loisirs, santé, éducation, voyages qui sont souvent caractérisés par des difficultés d’obtention de gains de productivité. En conséquence, le secteur moteur ne conquiert pas de parts de marché anticipées car l’essor des volumes et la réduction des prix relatifs vont de pair et l’emploi se développe finalement dans les secteurs caractérisés par uen faible croissance de la productivité mais une demande soutenue (Loi de Baumol, 1966). C’est aussi ce qui s’est passé avec la révolution numérique.

 

Succession des 5 cycles identifiés de Kondratief

 

 

 

a) Premier cycle de Kondratiev : 1790-1850

Phase A : elle est facile à expliquer car elle marque le début de la révolution industrielle, période pendant laquelle il y a beaucoup d’innovations.

Phase B : l’analyse de Joseph Schumpeter a une certaine pertinence dans la phase B, elle peut s’expliquer par le ralentissement des effets d’enchaînement ou encore par certaines résistances sociales dues à l’aggravation de la condition ouvrière. Apparaissent les mouvements luddistes.

Le luddisme est, selon Edward P. Thompson, un « conflit industriel violent » qui a opposé dans les années 1811-1812 des artisans aux employeurs et manufacturiers qui favorisaient l’emploi de machines.

 

 

 

b) Deuxième cycle de Kondratiev : 1850-1890 (point haut : 1873)

Phase A : malgré tout, il est possible de trouver certaines innovations qui vont être à l’origine des secteurs moteurs de ce Kondratiev :

  • La construction des chemins de fer.
  • La mise en place du convertisseur de Bessmer.
  • Une augmentation assez nette de la productivité du travail qu’on estime entre 2 et 3 % par an pour la France en moyenne.
  • Une augmentation du salaire réel dans les mêmes proportions. Cette hausse est plus marquée au Royaume-Uni qu’en France.
  • La phase A est également marquée par l’accélération du développement des secteurs bancaires et des marchés des capitaux.

Phase B : le retournement coïncide avec une crise économique, et la Grande Dépression à la fin du XIXe siècle, on entre alors dans une crise structurelle plus longue. Cette crise ne touche pas de façon homogène tous les pays puisqu’elle touche avant tout les pays les plus jeunes.

Notons que cette période se combine avec la fin de l’hégémonie du Royaume-Uni et la montée en puissance de l’Allemagne et des États-Unis. De plus, cette période voit aussi s’instaurer des mesures protectionnistes dans le commerce international, notamment aux Etats-Unis.

 

 

c) Troisième cycle de Kondratiev : 1890-1940 (point haut : 1913)

Phase A : elle correspond à une période de reprise puisqu’elle succède a la fin de la Grande Dépression. Les révolutions et les innovations sont surtout institutionnelles. Les innovations économiques sont, pour le coup, les conséquences de cette dépression, notamment par rapport au protectionnisme.

  • L’électricité
  • Le pétrole
  • La chimie
  • L’automobile
  • L’OST (Taylor) et la chaîne de travail (Ford)
  • Quelques découvertes d’or.

On peut parler de deuxième Révolution Industrielle. C’est aussi le début de la première mondialisation, qui marque l’essor du commerce international.

Phase B : elle est beaucoup plus difficile à expliquer que dans les autres cycles. On ne peut pas vraiment parler d’un essoufflement des secteurs moteurs comme l’automobile ou l’électricité.Ces secteurs n’arrivent pas à maturité durant la phase B mais bien plus tard. Malgré tout, on peut considérer que les investissements importants ont déjà été faits ; d’où l’essoufflement de l’investissement qui explique le cycle mais pas des secteurs en soi, ce qui expliquerait leur dynamisme.

 

 

d) Quatrième cycle de Kondratiev  : 1940-1990 (point haut : 1973)

Phase A : d’emblée, ce cycle ne s’inscrit pas dans l’analyse des cycles longs puisque la phase A est censée être une période d’expansion correspondant à la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre est suffisamment importante pour être considérée comme une période de dépression.

Malgré tout, elle constitue aussi le facteur prépondérant qui va expliquer la période d’expansion qui la suit : les Trente Glorieuses. Le progrès technique qui a permis cette exepension ne s’explique pas par des grappes d’innovations. C’est plus l’utilisation d’anciens progrès techniques qui est à l’origine, bien que cette période soit marquée par l’émergence de nouveaux biens de consommation dans l’électroménager, aéronautique…

Phase B : cette période est appelée période de croissance molle. Dans le contexte du renouveau des analyses schumpétériennes dans les années 1980, il y a une relecture des Trente Glorieuses et de la rupture, liée à l’essoufflement des effets d’entraînement des secteurs moteurs des Trente Glorieuses. Apparaît alors l’idée de saturation de la demande en biens durables. De plus, il y a une rupture des gains de productivité à partir de 1973.

 

e) Cinquième cycle de Kondratiev : 1990- 2019

Phase A : la phase A du cinquième Kondratiev est constituée de  nouvelles technologies : foisonnement d’innovations (nanotechnologie, NTIC,…) qui laissent à penser qu’on est en présence d’une grappe d’innovations. Ces innovations vont provoquer de nombreuses mutations sociales. Les NTIC font rentrer l’économie dans une nouvelle ère. D’après J. Rifkin, dans La nouvelle société du coût marginal zéro, c’est notamment grâce au développement de ces NTIC que l’économie mondiale va exploser et en particulier la sphère financière. En effet, grâce à ces NTIC, les pays se retrouvent interconnectés. On assiste aussi à une externalisation des nouvelles technologies, notamment le services informatiques et les télécommunications : le progrès technique a tendance à toucher tous les secteurs et tous les domaines d’une société.

Pour Daniel Cohen, « le monde peut être représenté par un triangle à sustentation avec trois termes : le premier, c’est la financiarisation (la gouvernance des entreprises a échappé au modèle managérial qui s’était imposé au xxe siècle, l’actionnaire est devenu prépondérant) ; le deuxième, c’est la révolution numérique ; le troisième n’est autre que la mondialisation. L’ensemble fait système. Lequel des trois points compte le plus ? Si l’un des trois manquait, la situation serait sans doute différente. La révolution financière n’aurait pas été aussi puissante sans la révolution numérique, qui réduit considérablement le coût de l’information (son transport) ».

Si on analyse  quelques innovations (choisies d’importance inégale) qui sont censées avoir fait époque, on s’aperçoit que l’impact sur l’organisation des entreprises, les institutions économiques et le déploiement dans l’espace des activités varient beaucoup d’un cas à un autre. La « nouvelle économie » se décompose en une série d’innovations qui s’échelonnent de l’ordinateur personnel au commerce électronique en passant par la Toile. La nouveauté la plus radicale concerne les biens informationnels purs (logiciels, textes, banques de données, fims, musique,…) (voir page Secteur tertiaire). Mais il resssort qu’aux États-Unis comme en Europe, on met d’autant mieux en pratique les TIC  que les décisions sont décentralisées. C’est ce que les pays scandinaves ont su faire à merveille depuis 2000.

Il y aurait progrès technique, même si Solow contredit cette partie en 1987 avec son fameux paradoxe « les ordinateurs sont partout, sauf dans les statistiques ». La productivité du travail repart à la hausse, avec un rythme de croissance plus soutenu (environ 2,2%/an en moyenne entre 1995 et 2001) Mais elle se ralentit ensuite. En outre, en 2000, Solow, face à la constatation du retour de la productivité, déclare que : « la vérité est qu’on n’en sait rien. Il est naturel de suspecter que cette accélération de la croissance de la productivité en 1996 soit la conséquence tant espérée et attendue des technologies de l’information. » Ainsi on voit à ce moment que le progrès technique est un phénomène de moyen terme voire de long terme.

Phase B : On remarque que depuis le milieu des années 2000, la croissance repart à la baisse. Les crises se multiplient (le meilleur exemple est celui de la crise de 2008 qui illustre parfaitement la déconnexion entre la réalité économique et la sphère financière, la finance folle), le chômage, dans l’ensemble des PDEM redevient important, bien que certains pays le maîtrisent mieux que d’autres. La situation politique, la montée des extrêmes, le repli protectionniste de plusieurs pays (USA à l’image de son président D. Trump, la Grande-Bretagne et sa volonté de sortir de l’Europe qui se concrétise avec le Brexit, …) et le ralentissement des innovations de masse expliquent également ce ralentissement, voire ce retournement de la croissance.

 

 

 

f) Vers un sixième cycle de Kondratiev ?

Plusieurs économistes anticipent déjà le sixième cycle. C’est le cas d’économistes comme Gilbert Cette et Elie Cohen (Changer de modèle, 2014). Pour eux, le sixième cycle de Kondratiev englobera :

  • La mondialisation et la démographie, qui vont représenter deux accélérateurs du changement économique et social de demain ;
  • L’Asie va de plus en plus s’affirmer comme étant le centre de gravité de la planète ;
  • Les pays industrialisés se transformeront potentiellement en épicentre du sixième Kondratiev ;
  • La mondialisation verte sera primordiale et, avec une analyse schumpéterienne de la croissance, sera responsable de grappes d’innovations importantes ;
  • Les technologies vertes seront un marché de croissance. 

La dure crise de 1929 qui avait mis le capitalisme à l’épreuve, a d’ailleurs conforté l’opinion de Keynes revendiquant le rôle de l’État en temps de crise (d’orage) et sa capacité à sortir l’économie de l’impasse dans laquelle elle se trouve, ce que le marché seul semble peu enclin à faire, contrairement à ce que pensent des « économistes », ici les néoclassiques.. Or, une telle idée semble toujours d’actualité, d’autant plus dans un contexte de crise. Certains économistes ont montré que dans l’état actuel des choses, le taux de croissance dans les pays développés à économie de marché (PDEM) s’élèvera à 1,5 % par an entre 2060-2100, signe d’un relatif maintien de la stagnation séculaire. Néanmoins, ils montrent aussi qu’avec un choc technologique, le taux de croissance pourrait passer à 2,5 % par an sur la même période. Ainsi, rien n’est figé concernant la stagnation séculaire : il s’agit d’un problème dynamique que l’État peut infléchir.

En particulier, il semblerait que face à la numérisation, l’automatisation et le développement de l’intelligence artificielle, les perspectives de croissances futures dépendent de la capacité de la main-d’œuvre à s’adapter aux nouvelles caractéristiques du progrès technique. Plus précisément, certains défendent l’idée qu’il faut rendre la main-d’œuvre non plus substituable aux nouvelles technologies mais complémentaire. Il s’agit donc de faire coïncider le capital humain des futurs travailleurs avec les mutations récentes de l’économie pour repousser les risques de la stagnation séculaire, et cela peut être mené à bien par l’État.

Le deuxième levier d’action de l’État passerait par une nouvelle politique de la concurrence. Richard Gilbert prétend que la même révolution technologique peut avoir des effets très différents sur la croissance de long terme selon qu’elle est ou non accompagnée par des politiques de la concurrence adéquates. Ainsi, une révolution technologique ne veut rien dire en elle-même, c’est la combinaison entre cette révolution technologique et les institutions ainsi que les politiques économiques qui déciderait des perspectives de croissance d’un pays. Fort de ce constat, il propose de passer d’une politique de la concurrence statique, centrée sur les prix et les parts de marché, à une politique de la concurrence dynamique, centrée sur l’innovation, l’entrée de nouvelles entreprises et la création de nouveaux marchés.

La théorie de la croissance endogène renvoie à l’ensemble des théories de la croissance économique qui cherchent à expliquer celle-ci par des variables endogènes, internes au système économique lui-même. Cette théorie apparaît en réponse aux modèles de croissance exogène, en particulier le modèle de Solow, qui fondait la croissance économique de long terme sur le progrès technique, mais sans expliquer l’origine de ce progrès (il restait donc un résidu inexpliqué). La possibilité d’une connaissance cumulative tiendrait exclusivement à la production d’idées par des idées, processus qui ne buterait jamais sur des rendements décroissants. Des individus se spécialisent dans la production de ces idées qu’ils vendent ensuite sous la forme de brevets à des entreprises qui alimentent une production de biens matériels, profitable grâce à la rente d’innovation qui n’est que transitoire et permet d’employer des salariés qui ne sont pas embauchés dans le secteur de la recherche. Implicitement ce serait la conjonction du talent des individus et de leur formation par le système éducatif qui est susceptible de livrer cette différenciation entre les compétences des individus. Aussi d’autres modèles de croissance endogène font-ils appel à l’investissement en capital humain, dont les externalités sont à l’origine d’un mouvement cumulatif de développement. Les économistes ayant présenté ce modèle sont P. Romer, R. Lucas, P. Aghion et P. W. Howitt [10].

Ces théories ont fini par converger vers la conception générale selon laquelle la possibilité d’une connaissance cumulative tiendrait exclusivement à la production d’idées par des idées, processus qui ne buterait jamais sur des rendements décroissants. Des individus se spécialisent dans la production de ces idées qu’ils vendent ensuite sous la forme de brevets à des entreprises qui alimentent une production de biens matériels, profitable grâce à la rente d’innovation qui n’est que transitoire et permet d’employer des salariés qui ne sont pas embauchés dans le secteur de la recherche. Implicitement ce serait la conjonction du talent des individus et de leur formation par le système éducatif qui est susceptible de livrer cette différenciation entre les compétences des individus. Aussi d’autres modèles de croissance endogène font-ils appel à l’investissement en capital humain, dont les externalités sont à l’origine d’un mouvement cumulatif de développement. Mais ces théories s’appliquent-elles dans tous les pays industrialisés de l’hémisphère Nord ? Qu’en est-il des pays de l’Ouest de l’UE à très faible croissance ?

 

 

 

 

 

4/ Les analyses économiques de la stagnation séculaire

Bien avant la crise sanitaire de la Covid-19, la croissance des économies développées semblait déjà durablement amputée par la crise financière de 2007-2009. La croissance américaine a ainsi chuté, de 3,2 % dans les années 1990 à 2,5 % entre 2000 et 2007 puis 1,4 % entre 2007 et 2020 (données Banque mondiale). Cette faible croissance a fait ressurgir des discussions que l’on croyait d’un autre temps, emportées par la croissance des Trente Glorieuses. Le spectre de la stagnation séculaire, le passage à un régime durable de faible croissance, est soudain réapparu dans le débat économique – dans un contexte tout aussi pessimiste que celui qui l’avait vu naître. La première occurrence du terme « stagnation séculaire » se trouve, en effet, dans l’ouvrage de l’économiste américain Alvin Hansen, Full Recovery or Stagnation [1939], qui forge ce concept au cœur de la Grande Crise de 1929.

J. Schumpeter – qui ne partage pas ce pessimisme – décrit en 1947 les thèses « stagnationnistes » des années 1930  comme la croyance en une disparition durable des occasions d’investir pour le secteur privé. La stagnation séculaire correspondrait à l’état dans lequel entre une économie mature, lorsqu’elle devient incapable de faire croître le capital privé. Cette définition confère une dimension inéluctable au phénomène, qui serait inhérent au capitalisme. Depuis J. Schumpeter, les économistes on ainsi pris conscience qu’en l’absence de la répétition d’innovations portant sur de nouveaux produits, processus ou formes d’orgnanisation, la croissance est condamnée à s’péuiser sous l’effet de l’érosion du pofit, considéré comme rente liée à l’innovation, que l’entrée de nouveaux concurrents élimine progressivement.

 

 

 

a) Deux sources de la stagnation séculaire

Deux raisons très différentes peuvent expliquer une faible croissance économique : soit la capacité d’une économie à croître est limitée, soit la croissance de sa demande globale est faible, poussant la croissance de la production à suivre la même tendance. Le cas d’une capacité limitée à croître peut apparaître, par exemple lorsque la croissance de la main-d’œuvre est nulle (voire négative) et que le rythme des évolutions techniques est si faible qu’il compense à peine une croissance négative de la main-d’œuvre. Si le stock de capital a été optimisé en fonction de ces deux conditions, l’investissement net sera négligeable. Beaucoup de secteurs sont touchés par un excédent de capacité.

Plusieurs économies majeures sont entrées dans une période de déclin de la main-d’œuvre – la Chine, la Russie, le Japon, l’Allemagne,  (d’autres suivront) – bien que de potentielles évolutions techniques continuent d’être disponibles. R. Gordon  a laissé entendre que le rythme de la croissance de la productivité aux États-Unis connaîtrait un déclin significatif dans les décennies à venir. L’association d’une faible croissance de la main-d’œuvre et d’un rythme lent de l’innovation pourrait conduire à une période de stagnation, ou du moins à une période de croissance économique bien plus faible que celle à laquelle s’était habitué le monde ces cinquante dernières années. Par ailleurs, un goût accru pour les loisirs pourrait diminuer la croissance du produit intérieur brut (PIB), sans diminuer celle du bien-être.

L’autre source de stagnation séculaire surgit lorsque la demande globale ne croît que lentement ou pas du tout. Cela peut se produire même si l’économie a la capacité potentielle de produire davantage. Mais une demande léthargique peut avoir pour conséquence du chômage involontaire et une capacité de production sous-exploitée. Cette demande globale déficiente peut apparaître lorsque dans une société, le choix de l’épargne dépasse celui de l’investissement dans les entreprises.

R. Gordon identifie ainsi six « écueils » aux futures augmentations du PIB par habitant aux États-Unis, dont quatre concernent à strictement parler non le PIB, mais le niveau de vie de l’Américain moyen (les 99 %).

  • L’un de ces écueils est d’ordre démographique, les baby-boomers de 1946-1960 étant de plus en plus nombreux à partir à la retraite (et à vivre plus longtemps) sans être remplacés par un nombre équivalent de jeunes adultes. Cet aspect démographique pèsera sur la croissance du PIB par habitant, même si la productivité augmente.
  • Par ailleurs, Gordon regrette la mauvaise qualité de l’enseignement secondaire américain et les coûts croissants de l’enseignement supérieur, qu’il compare à ceux d’autres pays, de sorte que la contribution d’un capital humain accru à la croissance de la productivité diminuera à l’avenir. Il estime cet effet à 0,4 point de pourcentage sur la moyenne de 1,8 % de hausse annuelle du PIB par habitant qu’a connue la période 1987-2007, moyenne qui ne serait donc que de 1,4 % à l’avenir.
  • La hausse des inégalités, la mondialisation (qui a des répercussions sur les salaires réels américains) et une réglementation renforcée en matière d’environnement pourraient encore réduire davantage l’augmentation annuelle de la consommation de l’Américain moyen à 0,2 %.

 

 

 

b) Les problèmes de mesure de la croissance du PIB

On évoque ces questions dans plusieurs pages (Partage Volume Prix, Mesure des volumes et des prix). Plus la structure de production d’une économie évolue rapidement, plus les taux de croissance mesurés deviennent problématiques dans le temps, dans la mesure où bon nombre d’activités augmentent tandis que d’autres diminuent et où la croissance représente une moyenne pondérée de tous ces changements. Sur les longues périodes, auxquelles s’intéresse Gordon, presque aucune activité présente au début ne l’est encore à la fin. Les statistiques officielles américaines traitent ce problème intrinsèque des indices en pondérant de nouveau chaque année la production des différents produits et en reliant les résultats les uns aux autres. Il s’agit peut-être de la façon la plus sensée de procéder, mais elle ne permet pas de faire pleinement confiance aux chiffres qui en résultent, en particulier lorsque donner un prix à des activités représentant une part croissante de l’économie est à ce point problématique.

Imaginons une économie fermée ne comprenant que deux secteurs, l’industrie manufacturière et l’éducation (y compris la recherche universitaire), et dont la population est constante. Supposons que la productivité connaisse une croissance régulière dans l’industrie manufacturière, conduisant à ce qu’une part de plus en plus petite de la main-d’œuvre soit engagée dans le secteur. L’éducation, en revanche, ne connaît aucune augmentation de productivité (par hypothèse, dans la comptabilité nationale américaine, la production est mesurée par les dépenses). Dans ces conditions, le taux de croissance mesuré de l’économie va régulièrement diminuer (la limite se situant à zéro) même si la croissance de la productivité dans chacun des secteurs ne varie pas, car l’emploi dans le secteur de l’éducation croît régulièrement par rapport à l’emploi dans l’industrie manufacturière. Mais le niveau de vie du travailleur moyen a-t-il baissé ? Peu à peu, ce dernier a la possibilité de consommer davantage le même panier de biens manufacturés et de services éducatifs. Et si, comme cela a été le cas aux États-Unis, au moins en ce qui concerne les disciplines scientifiques, le contenu (non mesuré) de l’enseignement s’améliore régulièrement à mesure que les connaissances évoluent, on peut dire que le niveau de vie s’améliore également de ce point de vue.

La faute n’est pas imputable aux systèmes de comptabilité nationale, lesquels tentent de mesurer la façon dont les pays utilisent leurs facteurs de production et allouent les ressources. Le problème tient à l’utilisation de la croissance du PIB par habitant comme un équivalent de l’amélioration du bien-être matériel des gens. L’équivalence n’est pas mauvaise lorsqu’il est question de faibles niveaux de revenus et lorsque la production de biens représente une proportion élevée du PIB. Mais elle devient hautement problématique lorsque, comme aux États-Unis, plus de 80 % de la main-d’œuvre est engagée dans les « services » plutôt que dans la production de biens, et que nous avons tant de difficultés à mesurer et à évaluer de façon précise la production de services (voir page Secteur tertiaire).

 

 

c) La stagnation démographique

Le monde vit une révolution démographique au ralenti. La croissance de la population mondiale a ralenti au point de devenir négative dans plusieurs grands pays. La longévité s’accroît et l’âge médian augmente partout, de façon rapide dans certains pays ; le nombre des personnes de plus de soixante-dix ans devrait augmenter de façon significative. L’épargne et l’investissement suivent un cycle de vie, même si celui-ci peut varier considérablement d’un pays à l’autre. Les personnes qui se situent au cœur des années les plus productives de leur vie, après avoir élevé des enfants, devraient épargner pour leurs années de retraite, de sorte qu’à mesure que l’âge médian augmente, l’épargne mondiale devrait augmenter pour cette raison, même si contrairement à la stricte hypothèse du cycle de vie, l’épargne mondiale des retraités ne semble pas diminuer. La croissance de la population mondiale a ralenti au point de devenir négative dans plusieurs grands pays. Tout cela laisse supposer qu’une stagnation séculaire s’est installée.

Par ailleurs, la crise financière de 2008 et la récession qui a suivi ont causé d’énormes chocs négatifs à l’économie mondiale. La reprise de l’économie américaine n’a jamais été aussi lente, comparée à celles qui ont suivi les précédentes récessions post-1945, et en Europe, la reprise a été interrompue par une seconde récession en 2012, de laquelle les économies d’Europe continentale commencent tout juste à se remettre péniblement. Seul le temps nous dira si nous entrons dans une longue période de stagnation séculaire ou si nous vivons simplement une lente reprise après un sérieux choc économique. La situation économique mondiale s’est de nouveau détériorée en 2020 et 2022.

 

Ratio de dépendance : nombre de personnes de 65 ans ou plus,divisé par les personnes de 15 à 64 ans

 

 

 

 

 

 d) Quelle politique pour lutter cobntre la stagnation séculaire ?

Mais la stagnation séculaire est-elle réellement inexorable ou bien une politique adaptée peut-elle permettre de relancer la croissance ? Et, si tel est le cas, la demande a-t-elle un rôle à long terme dans l’émergence d’une croissance durable ? Trois mesures viennent à l’esprit. La première s’intéresse aux inégalités croissantes dans la plupart des pays et à la hausse connexe des taux d’épargne des ménages, en relation avec une propension moyenne à consommer plus faible chez les riches. La redistribution des revenus, soit directement des ménages les plus riches aux plus pauvres, soit indirectement par le biais de services publics fournis à ces derniers, tels que l’éducation préscolaire, ferait augmenter le taux moyen de consommation et amènerait par conséquent les économies à exploiter plus activement leur potentiel. Entre 1980 et 2017, elle est passée de 23 % à 29 % en Europe du Nord, de 27 % à 32 % en Europe de l’Ouest et de 29 % à 31% en Europe du Sud (voir page Inégalités de revenus). Ainsi une redistribution des revenus au moyen d’une fiscalité adaptée pourrait, en relançant la consommation et la demande anticipée, contribuer à dynamiser l’investissement. Ces politiques permettant de lutter contre la baisse de l’efficacité marginale du capital pourraient fonctionner là où la part des plus riches dans le revenu total, donc de ceux dont la propension à consommer est la plus faible, a augmenté.

La deuxième mesure met l’accent sur les besoins considérables d’infrastructures, principalement, mais pas uniquement, dans les pays en développement. McKinsey Global Institute a estimé que les besoins du monde en matière d’investissements d’infrastructures pour la période 2014-2030 seraient de 57 000 Md$ à 67 000 Md$ selon les méthodes de calcul, mais sans compter la part relative au changement climatique ou aux objectifs ambitieux de développement durable adoptés par les Nations unies en 2015. Selon les critères du McKinsey Global Institute, seuls le Japon et la Chine ont dépassé leurs besoins normaux en matière d’investissements d’infrastructures ; le Brésil et l’Inde se trouvent, quant à eux, bien en deçà des leurs. Cela représente une hausse d’environ 60 % par rapport aux investissements d’infrastructures réels des dix-huit années précédentes, et les taux d’investissement passés ne satisferont pas les besoins. Mais les besoins ne reflètent pas la demande effective. Comment convertir les besoins en demandes ? Cette question soulève des enjeux financiers dans la mesure où les pays en développement ne peuvent aisément financer leurs besoins au niveau national. Les gouvernements peuvent fournir des garanties supplémentaires aux banques (Banque mondiale et banques régionales de développement), lesquelles peuvent ensuite lever des fonds sur les marchés financiers. Cela pourrait contribuer à satisfaire la demande des épargnants du monde entier en actifs de qualité.

La troisième mesure se concentre sur les besoins en capital destinés à atténuer le changement climatique. Dès lors qu’il existera des mesures incitatives appropriées – à savoir, une taxe suffisante sur les émissions de gaz carbonique et autres gaz à effet de serre –, le capital privé fournira la plus grande partie du financement, parallèlement à un soutien public destiné à réduire les émissions dans les pays en développement. L’Agence internationale de l’énergie a estimé dans son scénario de référence que le monde nécessiterait environ 40 000 Md$ d’investissements cumulés dans le secteur de l’énergie, auxquels s’ajouteront 8 000 Md$ pour les économies d’énergie, entre 2014 et 2035. Les investissements dédiés aux économies d’énergie augmentent de manière considérable, de près de 5 000 Md$. L’élément clé est qu’un réel effort mondial pour limiter le changement climatique ainsi que les politiques qui lui seraient associées stimuleraient beaucoup de nouveaux investissements nets, en même temps qu’ils limiteraient les investissements consacrés à la production et au traitement des combustibles fossiles. Les nouveaux investissements dans le secteur de l’énergie stimuleraient également l’investissement dans d’autres secteurs de l’économie, non comptabilisé dans les projections de l’AIE. Bien sûr, la rentabilité ne se limiterait pas seulement à la réduction du changement climatique, mais aussi à celle des futures dépenses consacrées aux combustibles.

 

 

 

 

 

 

 

Michel Braibant


BIBLIOGRAPHIE

[1] https://blog.insee.fr/le-pib-reste-t-il-un-indicateur-pertinent/ voir aussi  https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/13-017-x/2008001/themes/ch02/5213337-fra.htm

[2] https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2416930/Insee-En-Bref-PIB-vFR-Interactif.pdf

[3] https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1365

[4] https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/theories-economiques/pib/?gclid=CjwKCAjwm7mEBhBsEiwA_of-TMkLzTaTmSjIxecA0GVfRA49-iZ8CULqdU0iZLeCCYA75xcwzX-xqRoCarQQAvD_BwE

[5] https://circabc.europa.eu/ui/group/7eb29b7b-33b0-4c9f-851b-e370277bb9e5/library/8acdddb7-fdf4-46aa-86a4-b7ff810d4c08

[6] https://www.insee.fr/en/metadonnees/source/fichier/Inventory_France.pdf

[7 https://data.oecd.org/fr/gdp/produit-interieur-brut-pib.htm#:~:text=Le%20Produit%20Int%C3%A9rieur%20Brut%20(PIB,pays%20pendant%20une%20p%C3%A9riode%20donn%C3%A9e.

[8] https://www.bea.gov/system/files/2019-12/Chapter-1-4.pdf

[9] https://www.economie.gouv.fr/files/francois_lequiller_ocde.pdf

[10] La croissance, début de siècle, Robert Boyer, Albin Michel, 2002, voir aussi Théorie de la croisance endogène, Philippe Aghion, Peter W. Howitt. (https://mitpress.mit.edu/9780262528467/endogenous-growth-theory/).

Tableau entrées-sorties mondial (T.E.S.)