En dehors du transport ferroviaire qu’on n’étudie pas ici, la filière ferroviaire s’appuie sur deux activités bien distinctes et complémentaires : les matériels roulants d’une part, les infrastructures de circulation d’autre part (schéma suivant). Dans chacun de ces deux domaines, la maintenance tient une place à part entière, tout aussi importante que la fabrication, compte tenu du coût initial, de la durée de vie des véhicules et des voies et de la sécurité afférente. Certaines études ne portent que sur les premiers; d’autres incluent la maintenance des voies et la construction des voies (qui font normalement partie de la branche construction-génie civil) sans toutefois prendre en compte la construction des gares.
1 – les activités de la filière ferroviaire
La filière s’articule autour de cinq segments. En Bourgogne-Franche-Comté par exemple où la filière ferroviaire est emblématique de cette région du fait de la présence de grands établissements d’envergure internationale comme Alstom et Eurovia, filiale du groupe Vinci, près des trois quarts des effectifs sont employés sur les matériels roulants, constitués de deux segments : la fabrication et la maintenance des trains de voyageurs urbains (tramways, métros) ou interurbains, mais aussi de trains de fret. Les trois autres segments, plus petits en termes d’emplois, concernent les infrastructures de circulation : d’une part, la construction de voies ferrées, d’éléments au sol (ballast, rails, traverses) ou hors-sol comme les caténaires, d’autre part, la maintenance de ces voies. Un dernier segment composite regroupe la fabrication d’équipements fixes comme les équipements de signalisation ou d’alimentation électrique des voies ferrées, et de matériels de pose, de contrôle et d’entretien des voies.
Près des trois quarts des effectifs de la filière ferroviaire travaillent aux matériels roulants en Bourgogne-Franche-Comté en 2015 
En 2015, la France se situe au deuxième rang des constructeurs ferroviaires européens avec 17 % de la production européenne, derrière l’Allemagne (26 %), mais devant l’Italie et l’Espagne. Parmi les sept principaux constructeurs européens (en y ajoutant la Pologne, le Royaume-Uni et la République tchèque), la production française est atone. Sur la période 2009-2015, le chiffre d’affaires réalisé dans la construction de matériel ferroviaire augmente dans les cinq autres pays, hormis en Espagne. L’écart se creuse notamment vis-à-vis de l’Allemagne.
Dans l’Union européenne, sur la période, la fabrication de matériel roulant constitue 61 % de la production, les parties de véhicules pour voies ferrées 32 %, le reconditionnement 4 % et les appareils mécaniques de signalisation 3 % (graphique suivant).
En France, la production est plus axée sur la fabrication de matériel roulant (76 %). Tel est aussi le cas de l’Espagne, du Royaume-Uni et de l’Italie. En revanche, l’Allemagne, la Pologne et la République tchèque ont une activité plus orientée vers la fabrication de parties de véhicules pour voies ferrées et la rénovation de matériel ferroviaire.
Structure de la construction de matériel ferroviaire dans l’Union européenne sur la période 2009-2015 en %
Tous les indicateurs économiques se sont redressés depuis 2011 dans la construction de matériel ferroviaire. Cette amélioration est directement liée à la progression de la valeur ajoutée.
Malgré l’importance des commandes obtenues et l’amélioration des ratios économiques entre 2011 et 2015, la situation du secteur de la construction de matériel ferroviaire en France était encore fragile en 2015, avec des résultats inférieurs à ceux de l’industrie manufacturière.
Le taux de marge du secteur est volatil. Du fait du niveau relativement élevé des salaires, il est bas au regard de celui de l’industrie manufacturière : 13 % en 2014 (contre 19 %), 6 % en 2015 (contre 22 %). L’excédent brut d’exploitation a d’ailleurs été négatif durant la période 2011-2013. De même, le taux de rentabilité économique se situe bien en deçà de la moyenne de l’industrie manufacturière : 1,2 % contre 7,5 % en 2015.
Entre 2013 et 2015, douze entreprises du secteur étaient déficitaires, c’est-à-dire présentent un résultat net comptable négatif ; contre sept à huit sur la période 2009-2012. Parmi elles, cinq étaient détenues par des capitaux étrangers. Quatre entreprises déficitaires avaient par ailleurs des capitaux propres négatifs : le montant de leurs dettes était plus important que le montant de leurs actifs.
Seule entreprise produisant en France des roues et essieux pour le ferroviaire, l’entreprise métallurgique MG Valdunes et ses deux sites industriels situés dans le Nord sont au cœur des enjeux environnementaux et de souveraineté industrielle. En 2023, le groupe industriel chinois, MA Steel, unique actionnaire de Valdunes, a annoncé qu’il « n’injecterait plus d’argent » dans l’entreprise. MA Steel avait été choisi en 2014 par le tribunal de commerce de Valenciennes pour la reprise des activités de Valdunes, alors en redressement judiciaire. La SNCF achète surtout acheter des roues de train à l’étranger.
Illustration de l’usine Valdunes, à Trith-Saint-Leger, dans le Nord
e) La filière agro-alimentaire
Les industries agro-alimentaires font partie d’une filière. En amont se trouve la branche agriculture. En aval, se trouvent les activités de restauration lesquelles achètent aussi des produits agricoles (plus quelques autres branches) et les ménages. Il y a des échanges internes importants entre les industries agro-alimentaires. par exemple, une UL française fabrique des salades de fruits dont elle sous-traite la mise en boîte à une entreprise française ou étrangère.
On s’intéresse ici aux branches de l’agriculture et des IAA. On parle alors des filières par produits (voir aussi page Comptes agriculture). Par exemple, les grandes cultures désignent un ensemble de productions agricoles qui correspond à la quasi-totalité des terres arables et occupe 55% de la surface agricole utile (SAU) française avec 16 millions d’hectares (Mha). Les céréales, oléoprotéagineux, fourrages annuels, prairies artificielles et betteraves à sucre sont les principales cultures.
Maquette retenue pour l’évaluation de la filière agro-alimentaire

1 – Le secteur agricole et agroalimentaire est le 3e poste d’excédent commercial français
En 2021, l’excédent commercial agricole et agroalimentaire français augmente de 31% par rapport à 2020 (6,1Md€) et de 3,4% par rapport à 2019 (7,7Md€). La nette amélioration du solde commercial, que ce soit avec l’Union européenne (+28% par rapport à 2020) ou avec les pays tiers (+7% par rapport à 2020), est en grande partie imputable aux vins et spiritueux dont les exportations ont repris en 2021, après une année 2020 particulièrement difficile pour ce secteur.
En 2021, la France reste le 6e pays exportateur de produits agricoles et agroalimentaires mondial avec une part de marché de 4,5%, derrière les États-Unis (9,6%), les Pays-Bas (6,9%), le Brésil (5,4%), l’Allemagne (5%) et la Chine (4,5%). Les exportations de l’UE représentent 37,3% des exportations mondiales. Concernant les produits agroalimentaires, incluant les vins et spiritueux, la progression des exportations est de 18% en 2021 pour atteindre 53,5Md€. Ces résultats placent la France au 4e rang mondial pour les exportations de produits agroalimentaires.
Le solde extérieur des industries agro-alimentaire est certes posituf (7 Mds en 2019, 8Mds en 2019). Mais d’autres pays comme les Pays-Bas et la Pologne, voire l’Espagne, avaient des soldes supérieurs, et pour cause ce sont des pays avec lesquels nos échanges sont déficitaires (voir grahique ci-dessous). Pour une fois le solde extérieur allemand est inférieur à celui de la France.
Solde extérieur des produits de l’industrie agro-alimentaire dans l’UE en 2019, milliards d’euros
Évolution des importations, exportations et du solde des échanges agro-alimentaires en milliards d’euros
Source : Douanes
Échanges par zone des échanges agro-alimentaires en milliards d’euros
Source : Douanes
Les principaux excédents et déficits de la France des échanges agro-alimentaires en milliards d’euros
Source : Douanes
Polarisation des excédents/déficits commerciaux autour de certaines filières
Source : Les performances à l’export des filières agricoles et agroalimentaires françaises : situation en 2021, FranceAgriMer,
2 – L’ancrage territorial de l’agroalimentaire français
La crise sanitaire de 2020-2021, puis la crise due à la guerre russo-ukrainienne de 2022, ont remis en avant l’importance de l’ancrage territorial des activités de production agricole et alimentaire. Les termes de «relocalisation», «reterritorialisation» ont fait florès dans les médias et les discours politiques français. Cette tendance préexistait déjà depuis plusieurs années et les sondages d’opinion montrent que les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l’origine locale des produits. En effet, une étude Opinion Way de 2018 indique que 82% des Français font confiance aux produits des petits producteurs et 67% aux produits origine française.
Le terme d’ancrage territorial de l’alimentation fait référence au fait que les consommateurs d’un territoire donné ont un lien privilégié avec les produits alimentaires issus d’un territoire auquel ils s’identifient. Une telle définition reste très générale et très floue, la notion de territoire d’origine de l’alimentation étant elle-même nécessairement variable selon l’aliment considéré. Mais d’abord, cette recherche d’accroissement de l’origine locale est-elle justifiée?
f) La filière bois
1 – En France
La France est le 4 ème pays européen le plus boisé avec un taux de boisement de 31% et 16,7 millions d’hectares de forêt en France Métropolitaine. Cette ressource est à la base de la filière forêt-bois, une filière dont la valeur ajoutée s’élève à 26,0 milliards d’euros, soit 1,1 % du PIB en 2018. À titre de comparaison, l’ensemble de l’industrie française représente 12,7% du PIB (2018). La filière bois représente donc 8,6% de la VA de l’industrie française. La filière forêt-bois inclut la sylviculture, l’exploitation forestière, le travail du bois (sciage, charpente et menuiserie, plaquage, panneaux, parquets et pâte), les secteurs de l’énergie, le secteur de la construction, le secteur de l’ameublement et de l’agencement, et le secteur industriel par la production de papier, carton, emballage, palettes etc. (schéma suivant). Elle porte ainsi 392 700 emplois directs et 62 000 emplois indirects, soit 454 700 emplois au total. Cela représente 1,4% de la population active et 12,4% des emplois industriels français. Selon les chiffres du Conseil National de l’Industrie (CNI), la filière forêt-bois porte davantage d’emplois que la filière du nucléaire ou de l’aéronautique, qui portent respectivement 220 000 et 300 000 emplois, en incluant les emplois indirects.
La filière bois
On estime des chiffres un peu différents à partir des données de l’Insee et d’autres sources : soit 360 500 emplois en 2018 et 409 300 en 2018 dont 123 600 emplois induits par le bâtiment et travaux publics et 286 000 emplois directs, mais toujours 1,4% de l’emploi global (tableau suivant). La méthode précédente (calcul des emplois directs et indirects) est plus utilisée dans la littérature, les emplois indirects correspondant aux intrants des branches du bois en différents produits (en aval). Du coup on ne comptabiliserait pas les emplois en amont dans la construction.
Estimation de l’emploi intérieur de la filière bois en nombre de personnes en milliers
Le commerce extérieur est déficitaire et l’a toujours été depuis 1999. Ce sont surtout les meubles qui contribuent à la hausse de ce déficit qu’on retrouve toutefois pour l’ensemble des produits industriels. En 2021, le déficit du commerce extérieur de la filière française bois s’établit à -12,4 milliards d’euros, en hausse de 26% par rapport à 2020. La balance commerciale s’améliore pour les bois ronds (+ 38 %) et reste stable pour les pâtes, papiers et cartons. Le déficit commercial se creuse de 50 % pour les produits des industries du bois et de 31% pour les meubles.
Ici encore le solde des échange exstérieurs n’est guère favorable comparé aux autres pays de l’UE, excepté le Royaume-Uni dont le solde est fortement déficitaire pour les produits du bois. Et cette situation est encore plus défavorable pour les produits des industries du papier-carton avec un déficit en France de – 3Mds d’euros quand l’UE dégage un excédent de 15 Mds.
Solde extérieur CAF-FAB de la filière bois en milliards d’euros en 2021
Solde extérieur CAF-FAB de la filière bois en milliards d’euros de 1999 à 2021
Solde extérieur des produits de l’industrie du bois dans l’UE en 2019, milliards d’euros
Solde extérieur des produits de l’industrie du papier-carton dans l’UE en 2019, milliards d’euros
La filière forêt-bois a la spécificité de transformer et gérer une ressource durable, naturelle, renouvelable et recyclable. Avant même que la ressource ne soit prélevée, celle-ci séquestre du carbone pendant sa croissance. L’ONF estime que 14,7 millions de tonnes de carbone sont stockées dans les forêts françaises. De plus, 1 m3 de bois (forêt, bois et produits du bois) séquestre 1 tonne de CO2. Ainsi, les meubles, bâtiments, palettes et tout autre produit en bois stockent du carbone tout le long de leur cycle de vie. À la fin de ce cycle, lorsque l’objet a déjà été recyclé en palette, en papier etc., il est alors transformé, en granulé ou en plaquette, et utilisé pour produire de l’énergie. Le bois énergie (en granulé, plaquette et bûche) est une alternative durable face à d’autres énergies non renouvelables. Celle-ci représente 9 millions de tonnes d’équivalent pétrole5. Ainsi le bois énergie valorise les sous produits issus de l’exploitation forestière et de la transformation du bois, adoptant de ce fait une démarche de recyclage zéro déchets.
Cette filière a également l’avantage d’être une filière dite sèche, c’est-à-dire que sur toute la chaîne de transformation et valorisation du bois (à l’exception de l’industrie papetière), la consommation d’eau est très faible. De plus, en provoquant l’abattement du transfert des polluants, elle joue un rôle important dans la préservation de la qualité de l’eau en tant qu’épurateur. La forêt est également un réservoir de biodiversité pour la faune et la flore. Enfin, elle stabilise les sols, limitant de ce fait les risques naturels d’érosion, d’éboulements, d’avalanches, etc.
2 – Produits du bois – production et commerce dans l’UE
Les industries de la filière bois de l’UE couvrent une série d’activités en aval, notamment les industries du bois, une grande partie de l’industrie du meuble, les industries de fabrication et de transformation de pâte et papier et l’industrie de l’imprimerie. Au total, quelque 393 000 entreprises étaient actives dans les industries du bois dans l’ensemble de l’UE en 2020 ; elles représentaient une entreprise manufacturière sur cinq (19 %) dans l’ensemble de l’UE, ce qui souligne que – à l’exception de la fabrication de pâte et papier qui se caractérise par des économies d’échelle – de nombreuses industries du bois comptaient un nombre relativement élevé de petites ou moyennes entreprises. entreprises.
En 2020, la valeur ajoutée brute (VAB) des industries du bois dans l’UE s’élevait à 136 milliards d’euros, soit 7,2 % de l’industrie manufacturière totale, donc un peu moins qu’en France (8,6%) mais la définition d’Eurostat est plus restrictive. La répartition de la VAB entre chacune des quatre activités liées au bois en 2020 est présentée dans le tableau 2. Au sein des industries du bois de l’UE, la plus grande VAB a été enregistrée pour la fabrication de pâte à papier, de papier et de produits en papier (34 % ou 46 milliards d’euros). . En ce qui concerne les trois autres secteurs, les activités d’impression et de services liés à l’imprimerie représentaient 16 % de la VAB des industries du bois, tandis que la fabrication de meubles et la fabrication de bois et d’articles en bois représentaient chacune entre 23 % et 27 %.
Principaux indicateurs économiques des industries du bois, UE, 2020
Traditionnellement, la production de bois rond dans l’UE a été dominée par les conifères. En 2022, leur part représentait 69 % de tous les bois ronds récoltés dans les forêts des pays de l’UE. Bien que la production de bois ronds de conifères présente des fluctuations mineures, la production de bois ronds de non-conifères est restée stable au cours des 20 dernières années. Dans l’ensemble, la part du bois rond de conifères est restée stable au cours de la période 2000-2022 (graphique suivant).
Production annuelle de bois rond, UE, 2000-2022, (1 000 m 3 )
Le bois est de plus en plus utilisé comme source d’énergie renouvelable. Près d’un quart (24 %) de la production de bois rond de l’UE en 2022 était utilisé comme bois de feu, le reste étant constitué de bois rond industriel principalement utilisé pour les sciages et les placages ou pour la production de pâte et papier. La production de bois de feu a légèrement augmenté en 2022 (3,6 %) et la production de bois rond industriel a diminué de 1 %. Leur ratio est resté stable autour de 24%. Cela représente une augmentation de 7 points de pourcentage (pp) par rapport à 2000, lorsque le bois de feu représentait 17 % de la production totale de bois rond. Dans certains États membres de l’UE, notamment aux Pays-Bas, le bois de chauffage représentait la majorité de la production de bois rond (plus de 70 %) en 2022. En revanche, la Slovaquie et la Suède ont déclaré que plus de 90 % de leur production totale de bois rond était du bois rond industriel. Même si la part du bois de feu dans la production de bois rond diffère selon les pays de l’UE, la plupart des États membres ont signalé une augmentation depuis 2000. La plus forte augmentation a été enregistrée aux Pays-Bas (63 % ), comme le montre le graphique suivant.
Évolution de la part du bois de feu dans la production totale de bois rond dans l’UE, 2000-2022 (%)
La production totale de sciages dans l’UE a augmenté d’environ 15 % entre 2000 et 2022, pour atteindre 108 millions de m 3 en 2022. L’Allemagne et la Suède étaient les principaux producteurs de sciages de l’UE en 2022, représentant environ 24 % et 18 % du total de l’UE. production de sciages, respectivement (Figure 4). Pour les deux pays, leur part a augmenté de 1 % au cours de l’année dernière.
Production de sciages, 2000 et 2022, (1 000 m 3 )
Les produits secondaires comprennent les produits en bois et en papier sur-transformés (par exemple, les sciages sur-transformés, les matériaux d’emballage et d’emballage en bois, les meubles en bois, etc.). Dans le cadre d’une nouveauté, Eurostat et ses institutions partenaires ont commencé à collecter des données sur la production de bois lamellé-collé, de bois lamellé-croisé et de poutres. L’Autriche et l’Allemagne sont les principaux producteurs de ces deux produits en Europe, atteignant un total de 2,5 et 2,1 millions de m 3 en 2022.
Production de bois lamellé-croisé et lamellé-collé en 2022, (1 000 m 3 )
g) La filière chimie-pharmacie
À travers le septième programme d’action pour l’environnement jusqu’en 2020, l’UE définit des politiques en matière de gestion des produits chimiques, dont REACH (enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des produits chimiques) est l’élément central. L’objectif principal de REACH est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement contre les risques que peuvent présenter les produits chimiques. Cela comprend la promotion de méthodes alternatives pour évaluer les dangers des substances, la libre circulation des substances sur le marché intérieur et le renforcement de la compétitivité et de l’innovation dans l’industrie chimique de l’UE.
En fournissant des connaissances sur les propriétés dangereuses des produits chimiques et des informations de sécurité appropriées, REACH devrait améliorer la communication et la mise en œuvre de conditions d’utilisation sûre dans les chaînes d’approvisionnement et le remplacement des substances dangereuses par des substances moins dangereuses. En outre, par le biais de différents types de mesures concernant les substances hautement dangereuses, les politiques de l’UE visent à réduire les risques pour la santé humaine et pour les écosystèmes au niveau de l’UE.
Mais en décembre 2019, la Commission européenne a présenté un plan pour atteindre ses objectifs en matière de climat et de développement durable : le pacte vert pour l’Europe. Le pacte vert comprend un objectif visant à « réduire de 50 % l’utilisation et les risques des pesticides chimiques et l’utilisation de pesticides plus dangereux d’ici à 2030 ». Cet objectif de réduction a été repris dans plusieurs stratégies européennes ultérieures, notamment la stratégie « De la ferme à la table », qui précise : « [L’UE] coopérera activement avec ses partenaires commerciaux, notamment les pays en développement, pour accompagner la transition vers une utilisation plus durable des pesticides afin d’éviter les perturbations des échanges commerciaux et de promouvoir d’autres produits et méthodes de protection des végétaux. »
L’accord UE-Mercosur est incompatible avec ces objectifs. Il réduirait les droits de douane sur les exportations de pesticides de l’UE vers l’Amérique du Sud, encourageant ainsi une augmentation de leur production, de leur commerce et de leur utilisation. Il s’agit notamment de pesticides qui ne sont pas approuvés par l’UE ou qui sont interdits sur son territoire parce qu’ils sont trop dangereux pour la santé humaine ou l’environnement.
Les partisans de l’accord UE-Mercosur ferment les yeux sur les effets dévastateurs de cet accord sur les populations et la nature dans les pays du Mercosur. En Amérique du Sud, l’utilisation des pesticides est déjà une cause de mortalité, porte atteinte aux moyens de subsistance et à la biodiversité et pollue des cours d’eau. L’accord UE-Mercosur ne ferait qu’aggraver la situation.
.
La population européenne est également concernée, car elle consomme des fruits et légumes importés des pays d’Amérique du Sud qui contiennent des pesticides originaires de l’UE, mais dont l’utilisation n’y a pas été approuvée. L’utilisation massive de pesticides détruit la nature et contribue au dépassement des limites planétaires, ce qui met tout le monde en danger / ce qui menace l’humanité entière.
Les 5 premiers pays de l’UE exportant des pesticides vers le Mercosur (dont le Brésil), 2018-2022, en poids 32 et en valeur (classés par poids)
Source GreenPeace, https://www.greenpeace.fr/accord-ue-mercosur-un-cocktail-toxique/
Eurostat s’appuie sur une vision large de la filière chimie-pharmacie: Les produits chimiques sont classés selon la Classification type pour le commerce international (CTCI) des Nations Unies. La section 5 « Produits chimiques et produits connexes, NES » de la CTCI Rév. 4 est composée des divisions suivantes :
- 51 Produits chimiques organiques;
- 52 Produits chimiques inorganiques;
- 53 Matières pour la teinture, le tannage et la coloration;
- 54 Produits médicinaux et pharmaceutiques;
- 55 Huiles essentielles, résinoïdes et matières parfumées;
- 56 Engrais (autres que ceux du groupe 272);
- 57 Matières plastiques sous formes primaires ;
- t58 Matières plastiques sous formes non primaires ;
- 59 Matériaux et produits chimiques, NDA.
C’est cette vision qu’on retient ici tout en s’efforçant de mettre en avant les différentes composantes, surtout la chimie et la pharmacie.
1 – La filière chimie-pharmacie en France
L’industrie chimique au sens strict comprend la transformation de matières premières organiques et inorganiques par un procédé chimique et la formation de produits. Elle distingue la production de produits chimiques de base, qui constitue le premier groupe, de la fabrication de produits intermédiaires et finis produits par transformation de produits chimiques de base, qui constituent les autres classes. Elle comprend notamment l’industrie cosmétique qui propose une grande variété de produits destinés à maintenir l’apparence du corps ou à mettre en valeur une partie particulière de celui-ci. Sachant qu’en 2020, environ neuf Français sur dix utilisaient régulièrement des produits d’hygiène personnelle , un avenir prospère pour le marché des cosmétiques et des produits d’hygiène semble inévitable.
Les industries chimique et pharmaceutique sont parmi les seuls produits dégageant un excédent commercial. En 2022 les exportations de produits chimiques (NAF 20) atteignent 82 milliards d’euros contre 62 milliards en 2019. Le solde extérieur diminue en 2022 (14 Mds d’euros) mais reste largement positif (graphiques suivants). Il est de plus en hausse par rapport à 1999 alors que celui des produits pharmaceutiques reste quasiment stable. Mais la chime (NAF 20) comprend deux ensembles de produits dont le solde extérieur n’est de même ampleur2,2 Mds : la chimie (C20A, C20C) (+2,2 Mds en 2021) et parfums et cosmétiques (C20B) (+13 Mds en 2021. C’est uniquement ce dernier qui progresse fortement atteignant 15,4 Mds en 2022 pendant celui de la chimie devient négatif (-3,5 Mds en 2022) après avoir stagné autour de +2 Mds entre 2000 et 2021.
Du coup, le solde extérieur français est parmi les plus élevés de l’UE, à peu près au même niveau que celui des Pays-Bas mais bien entendu moins élevé que celui de l’Allemagne grâce notamment à la chimie, industrie très puissante en Allemagne avant la crise de l’énergie.
Commerce extérieur des produits chimiques (NAF 20) depuis 1999 en milliards d’euros
Solde extérieur des produits chimiques dans l’UE en 2019, milliards d’euros
La pharmacie dégageait un solde extérieur de près de 8 Mds d’euros en 2019 même si des petits pays (Danemark, Belgique) avait des soldes plus élevés. Mais la situation s’est vite détériorée à partir de 2020 avec l’importation massive de masques et de vaccins, soire d’autres médicaments et ce malgré une certaine pénurie dans les pharmacies.
Commerce extérieur des produits pharmaceutiques (NAF 21) depuis 1999 en milliards d’euros
Solde extérieur des produits pharmaceutiques dans l’UE en 2019, milliards d’euros
Commerce extérieur des différents produits de la chimie CAF-FAB en milliards d’euros

Source : Douanes
Contrairement à la plupart des autres branches de l’industrie, l’emploi ne diminue plus depuis la crise de 2009 (graphique suivant). La part des femmes y est plus importante que dans le reste de l’industrie. Les ouvriers en représentent qu’un tiers des emplois de la branche. En retenant une vision large de la filière (chimie, pharmacie, certaines matières plastiques liées à la chimie), On estime l’emploi global à un peu plus de 200 000 salariés dans les branches en 2019 et 206 000 en 2021.

Emploi intérieur total de l’industrie chimique (NAF 20) en nombre de personnes
La Chimie alimente la plupart des secteurs de l’économie (schéma suivant). La consommations des ménages représente un tiers et les secteurs des matériels de transport un tiers aussi. Viennent ensuite l’agriculture avec les engrais, pesticides et autres produits (10%) (voir page Comptes agriculture). puis la construction et l’énergie (respectivement 5% et 6%).

Les grands enjeux de la Chimie en France sont un peu les mêmes que pour de nombreux secteurs industriels et économiques : localisation des activités clés pour la sécurité sanitaire, transition écologique et énergétique, le numérique, la compétitivité, les marchés du futur ‘schéma suivant)

2 – La filière chimie-pharmacie dans l’UE
La valeur des importations de produits chimiques de l’UE est passée de 97 milliards d’euros en 2002 à 363 milliards d’euros en 2022, ce qui équivaut à une croissance annuelle moyenne de 6,8 % (graphique suivant). Au cours de la même période, les exportations sont passées de 152 milliards d’euros à 553 milliards d’euros, soit une croissance annuelle moyenne de 6,7 %. L’UE a enregistré un excédent commercial croissant dans le secteur des produits chimiques tout au long de la période 2002-2022. L’excédent est passé de 55 milliards d’euros en 2002 à 190 milliards d’euros en 2022.
Au sortir de la crise du COVID-19, les importations (+16 %) et les exportations (+11 %) de produits chimiques ont fortement augmenté en 2021. Alimentée par la hausse des prix, la croissance a été encore plus forte en 2022 avec une augmentation des importations de 33 % et des exportations de 33 %. 21 %.
La part des produits chimiques dans le total (importations + exportations) du commerce extra-UE est passée de 12,8 % en 2002 à 16,4 % en 2022, soit une augmentation de 3,6 points de pourcentage (pp). La part des importations a augmenté de 1,8 pp tandis que les exportations ont augmenté plus fortement de 6,3 pp.
Commerce de produits chimiques de l’UE vers l’extra UE, 2002-2022, (milliards d’euros)
Six États membres ont exporté plus de 30 milliards d’euros de produits chimiques vers des pays tiers en 2022 (tableau suivant). Il s’agit de l’Allemagne (142 milliards d’euros), de la Belgique (81 milliards d’euros), de l’Irlande (71 milliards d’euros), de la France (53 milliards d’euros), des Pays-Bas (49 milliards d’euros) et de l’Italie (42 milliards d’euros).
L’Allemagne (72 milliards d’euros), les Pays-Bas et la Belgique (53 milliards d’euros chacun) ont été les trois seuls États membres de l’UE à importer plus de 30 milliards d’euros de produits chimiques en provenance de pays tiers en 2021.
En 2022, l’Allemagne a enregistré l’excédent commercial dans le secteur des produits chimiques le plus élevé de tous les États membres de l’UE (69 milliards d’euros), suivie par l’Irlande (45 milliards d’euros), la Belgique (28 milliards d’euros) et la France (26 milliards d’euros). Les déficits les plus importants ont été enregistrés en Espagne et en Pologne (4 milliards d’euros chacun).
En Irlande (57 %) et en Slovénie (55 %), les exportations de produits chimiques représentaient plus de la moitié des exportations totales. La Slovénie (41 %) détenait également la part la plus élevée de produits chimiques dans les importations totales, suivie par l’Irlande (28 %).
En 2021 et 2022, le groupe de produits le plus important dans les importations extra-UE de produits chimiques était celui des « Produits médicaux et pharmaceutiques ». La valeur des importations est passée de 100 milliards d’euros à 112 milliards d’euros, soit un taux de croissance de 12 %. Le deuxième groupe en importance est celui des « Produits chimiques organiques », qui est passé de 63 milliards d’euros à 104 milliards d’euros, soit un taux de croissance de 64 %. Le taux de croissance le plus élevé a été enregistré dans le groupe des « engrais », dont les importations ont doublé, passant de 6 milliards d’euros à 12 milliards d’euros, en raison de la hausse des prix suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
En 2021 et 2022, le groupe de produits le plus important dans les exportations extra-UE de produits chimiques était celui des « Produits médicaux et pharmaceutiques ». La valeur des exportations est passée de 235 milliards d’euros à 287 milliards d’euros, soit un taux de croissance de 22 %. Le deuxième groupe en importance est celui des « Produits chimiques organiques », qui est passé de 51 milliards d’euros à 64 milliards d’euros, soit un taux de croissance de 26 %. Le taux de croissance le plus élevé a été enregistré dans le groupe « Engrais », dont les exportations ont augmenté de 50 %, passant de 6 milliards d’euros à 9 milliards d’euros.
Commerce extra-UE de produits chimiques par États membres, 2022, (en millions d’euros et %)
La production totale vendue de produits chimiques en termes de valeur (872 milliards d’euros en 2022) a augmenté de 335 milliards d’euros entre 2011 et 2022 , ce qui équivaut à une croissance annuelle moyenne de 4,5 %. La croissance a été particulièrement forte entre 2020 et 2021. Le graphique suivant montre que la production vendue a augmenté entre 2021 et 2022 dans tous les groupes. Tant en termes absolus que relatifs, la plus forte augmentation a concerné les produits chimiques inorganiques, passant de 38 milliards d’euros en 2021 à 61 milliards d’euros en 2022, soit une augmentation de 61,5 %.
Production de produits chimiques vendue par l’UE par groupe, 2021 et 2022, (milliards d’euros)
Le tableau suivant montre le niveau de production vendue pour les 20 principaux produits chimiques de l’UE. Les « autres médicaments composés de produits mélangés ou non » arrivent en tête de la liste des produits chimiques les plus vendus dans l’UE en valeur en 2021 avec 67 milliards d’euros, suivis par les « antisérums, autres produits immunologiques directement impliqués dans la régulation des processus immunologiques et autres fractions sanguines » (29 milliards d’euros), « Vaccins contre les coronavirus liés au SRAS » et « Béton prêt à l’emploi » (tous deux estimés à 24 milliards d’euros). Aucun autre produit n’a vendu une production supérieure à 20 milliards d’euros
Production vendue par l’UE des 20 principaux produits chimiques, 2022, (en millions d’euros)
h) La filière électronique
On distingue plusieurs grands types d’acteurs intervenant aux différents maillons de la chaîne de valeur de l’électronique.
En amont de la filière, se trouvent les fabricants de composants électroniques qui conçoivent les semiconducteurs, les composants passifs et les composants d’interconnexion.
Au cœur de la filière, la production d’équipements électroniques est opérée par deux catégories d’acteurs :
- Les équipementiers : ces entreprises généralement de grande taille, représentent environ 80 % de la production mondiale. Elles réalisent la production des équipements (assemblage et interconnections de composants sur une carte électronique) ainsi que le développement des produits et leur commercialisation. Elles sont généralement les détentrices de la marque des produits.
- Les sous-traitants de production : ces entreprises représentent environ 20 % de la production électronique mondiale. Ces acteurs sont spécialisés dans le report de composants sur les cartes et peuvent, dans certains secteurs, réaliser le développement des équipements.
En aval de la filière, l’intégration des équipements dans des plateformes (avion, voiture, train…) est quant à elle effectuée par des architectes/systémiers, tandis que des installateurs sont en charge de l’installation et de la maintenance des réseaux. L’électronique n’est toutefois pas le cœur de métier de ces deux derniers acteurs.
La tendance est à une omniprésence de l’électronique dans les matériels électriques, qu’il s’agisse d’objets du quotidien à destination du grand public ou d’équipements destinés à l’outil industriel. Ainsi, la tendance globale est porteuse et les projections sont à l’augmentation de la demande en électronique : « C’est un marché en croissance mondiale (entre +5% et +10% par an depuis 10 ans.
En France, sur un périmètre stabilisé après une fuite massive vers l’Asie dans les années 2000, la situation décrite par les experts de l’offre reste bonne. Ainsi malgré le contexte économique difficile, la majorité des acteurs de la filière ne décrit pas de baisse d’activité significative à court terme. Naturellement, la situation décrite est différente selon les acteurs et leur positionnement.
Dans les faits donc, si quelques fabricants de composants spécialisés dans des secteurs brutalement impactés (ex : aviation civile) ont connu une baisse temporaire d’activité, c’est plutôt un phénomène de forte demande des donneurs d’ordres qui est décrit, d’abord dans les équipements de communication avec l’essor des marchés informatiques qui ont pesé sur les commandes et mobilisé des capacités très tôt, puis au redémarrage des secteurs automobile ou aéronautique, où après un arrêt presque total durant trois à six mois selon les régions, la demande a de nouveau augmenté dès juin 2020 pour les marchés asiatiques. D’autres marchés grand public ont également explosé, notamment pour l’équipement de la maison (tableau suivant).
La filière de l’électronique se caractérise ainsi par ses liens étroits avec d’autres secteurs d’activité. On distingue généralement le marché professionnel (incluant notamment le secteur industriel & médical, l’aéronautique & défense…) du marché de masse (incluant notamment l’électroménager, les télécoms grand public, l’informatique personnelle…).
L’Europe, qui concentre 20 % de l’activité mondiale, s’est spécialisée dans les marchés professionnels avec plus de la moitié de sa production dans ce domaine. Cette spécialisation est d’autant plus marquée en France avec plus de 75 % de la production d’équipements électroniques réalisée dans les marchés professionnels.
Représentant chacun 10 à 30 % de la production européenne, les secteurs aéronautique & défense, médical, automobile et industriel sont particulièrement importants en France. La production électronique française est dorénavant portée par un tissu d’entreprises de tailles intermédiaires dont l’offre est adaptée à la demande des marchés professionnels et qui intègrent une part toujours plus importante de valeur ajoutée.
Le marché de l’électronique en 2009 en %

Source : DECISION
À l’instar de l’Europe, la France a subi de plein fouet les crises mondiales de 2001 et de 2009 qui ont affecté la filière et qui ont eu pour principal effet, la chute de la production dans les secteurs de masse (télécom et automobile en particulier) au profit de pays asiatiques à bas coût. Néanmoins, les perspectives de croissance à moyen terme sont positives, puisque la filière française devrait pouvoir profiter du dynamisme de secteurs comme l’aéronautique et du développement de nouvelles filières répondant à des besoins sociétaux (sécurité, environnement, énergies renouvelables notamment).
Ces crises, dues pour la première à l’éclatement de la bulle spéculative des TIC, et pour la seconde à la récession économique globale, ont eu pour principale conséquence un accroissement de la spécialisation géographique de la production électronique à l’échelle planétaire. Aussi, la production s’est fortement concentrée en Asie, et notamment en Chine (qui réalisait 50 % de la production mondiale après la crise de 2009) tandis que l’Europe et la France se sont spécialisées dans les marchés professionnels de l’électronique.
Cette nouvelle donne impose aux entreprises des exigences différentes des impératifs de standardisation propres aux marchés de masse. En effet, une forte adaptabilité, une production en plus petites séries et la nécessité de polyvalence entre les champs d’activités sont recherchées par les établissements positionnés sur les marchés professionnels. Ces exigences nouvelles augmentent les besoins en formation continue au sein des entreprises.
Mais le commerce extérieur se dégrade régulièrement depuis 1999 de – 4 Mds d’euros à – 23 Mds d’euros en 2022. Les exportations atteignent 35 Mds contre 58 Mds d’importations pour une production de produits informatiques, électroniques et optiques de 30,7 Mds.
Les entreprises chinoises et d’autres pays asiatiques (Taiwan) se sont appropriées des technologies avec des prix plus faibles. Les entreprises françaises ont perdu le temps d’avance technologique contrairement aux allemands avec un solde extérieur certes négatif de– 4 Mds en 2019 mais quand celui de la France est de – 16 Mds comme celui de l’Espagne (second graphique suivant) et des exportations presque 4 fois plus importantes ‘122 Mds contre 32,6 Mds en France). Seul, le Royaume-Uni a un déficit plus élevé (-30 Mds en 2018). Taiwan a développé une industrie florissante sur la fabrication et la mise au point des composants. Les États-Unis comptent aussi avec des entreprises comme INTEL. Les entreprises françaises utilisent des brevets en payant des royalties aux entreprises étrangères.
Commerce extérieur des produits informatiques, électroniques et optiques (NAF CI) en milliards d’euros

En effet, la filière française peut être concurrencée sur son propre territoire de différenciation positive. La pression concurrentielle s’exerce notamment.
La fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques (Code NAF, Division CI) comptait en France en 2019 autour de 115 000 emplois. Les emplois sont 60 000 de moins par rapport à 2000 (graphique suivant). Ils ne diminuent quasiment plus depuis 2011. L’emploi dans la fabrication d’équipements électriques, une autre branche, diminue à peu près comme dans la branche industries informatiques, électroniques et optiques et les deux courbes se sont croisées deux fois entre 2000 et 2021. Certains comptabilisent les emplois indirects à près de 80 000 à partir des achats par la branche informatiques, électroniques et optiques, soit 195 000 emplois en tout. Mais ce calcul si il était appliqué à toutes les branches aboutirait à un total des emplois dans l’économie bien supérieur aux total des emplois réels de l’économie.
On a estimé l’emploi indirect lié aux consommations intermédiaires et de second ordre jusqu’à l’infini à un peu moins de 70 000 emplois, et l’emploi lié à la demande finale à 102 000, soit un emploi cumulé de la filière à 170 0000 emplois donc moins que le chiffre précédent (voir page TES Symétrique).
Effectifs des branches industrie équipements électriques et industries électroniques en milliers d’emplois
On distingue une vingtaine d’emplois spécifiques à l’électronique, répartis parmi les fonctions Conception-Etudes, Fabrication-Production-Intégration, Essais-Test-Qualité et MaintenanceInstallation. Ces différents métiers sont recensés dans le graphique suivant :
- Les fonctions de « Conception-Etudes », sont composées en majorité d’ingénieurs (représentant les deux tiers des effectifs).
- Les fonctions « d’Essais-Test-Qualité », sont composées principalement de techniciens, mais également d’ingénieurs et d’opérateurs.
- Les fonctions de « Fabrication-Production-Intégration », comprennent principalement des ouvriers (plus de la moitié des effectifs) et des techniciens (un tiers des effectifs).
- Les fonctions de « Maintenance-Installation », réalisées en majorité par des techniciens, mais également par des opérateurs, étant donnée la proximité des métiers de « Maintenance » et de « Fabrication » pour de nombreuses PME, voire des grandes entreprises.
A noter également que les métiers où les savoir-faire électroniques sont les plus importants sont ceux qui sont proches du matériel (autrement appelé « hardware »), par opposition aux métiers du système ou du logiciel (« software ») qui ne relèvent pas directement des compétences électroniques.
i) La filière nucléaire
Malgré la chute de la production d’origine nucléaire du fait de multiples soucis techniques (corrosion, fissures d’où fermeture de nombreuses centrales), la production électrique en France métropolitaine a encore reposé en 2022 à près de 62,7% sur le nucléaire (contre 69% en 2021) et à 11,1% sur l’hydroélectricité. Le gaz (9,9% du mix électrique en 2022) a par ailleurs dépassé l’éolien (8,5%) comme 3e source d’électricité en France.
Source : RTE
Selon le GIFEN (Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire), l’industrie nucléaire française représente 6,7% de l’emploi industriel français. Avec ses 220 000 employés et ses 3 200 entreprises dont 85% sont des TPE et PME, elle participe largement au dynamisme de l’industrie française, et contribue, par ses implantations sur tout le territoire, au développement des tissus économiques locaux.
Sur le site du GIFEN (https://www.gifen.fr/le-gifen/filiere-nucleaire) on lit : « l’industrie nucléaire française est en mesure de répondre aux défis énergétiques contemporains : tandis que les besoins en électricité seront multipliés par deux d’ici 2050, les émissions de CO2 doivent être divisées par deux pour ralentir le phénomène de réchauffement climatique. L’industrie nucléaire est la seule capable de fournir une électricité toujours disponible, à bas coût et avec une faible empreinte carbone ».
« Depuis plus de 50 ans, l’industrie nucléaire française développe une expertise précieuse en matière de production d’énergie nucléaire, de maîtrise du cycle du combustible et de fabrication d’équipements spécifiques. Une expertise reconnue dans le monde entier ».
Sur le site du Conseil National de l’Industrie (https://www.conseil-national-industrie.gouv.fr/comites-strategiques-de-filiere/la-filiere-nucleaire), il est dit : « La filière nucléaire française intègre l’ensemble des acteurs intervenant dans le cadre de la production d’énergie nucléaire, garantissant une maitrise complète des métiers et des savoir-faire nécessaires. Elle contribue donc fortement à l’indépendance énergétique de la France. Avec un mix électrique largement décarboné (à 94%) s’appuyant sur la complémentarité des ENR (dont hydroélectricité) et du nucléaire, la France fait partie des 6 pays du monde à avoir déjà atteint l’objectif du GIEC « d’au moins 80% d’électricité décarbonée « .
« Afin de permettre à la filière nucléaire française de conserver dans l’avenir ses activités et ses savoir-faire, plusieurs enjeux majeurs sont à relever :
- faire croître l’acceptabilité du nucléaire auprès du grand public, notamment par une meilleure communication sur la sureté nucléaire, et renforcer l’attractivité de la filière pour obtenir des recrutements de qualité ;
- donner de la visibilité sur l’avenir du secteur afin que les entreprises de la filière puissent continuer à investir et innover (notamment pour des compétences dont les formations sont longues) ;
- proposer des solutions pérennes pour les déchets, la fermeture du cycle et promouvoir les solutions d’économie circulaire ;
- optimiser le coût du nucléaire neuf et contribuer à l’instruction d’une décision relative à l’engagement d’un programme industriel de construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France ;
- maintenir et maitriser les coûts restant à engager pour le parc existant en France ;
- promouvoir à l’international les solutions techniques françaises pour l’ensemble du cycle de vie des installations (nouveau nucléaire, services aux exploitants, cycle du combustible, composants et déconstruction) ».
Mais c’est l’arbre qui cache la forêt. la réalité est tout autre : il y a eu pendant longtemps disparition de la filière nucléaire avec par exemple la baisse continue de la production de l »industrie mécanique en France (qu’on voit en partie dans la différence des coefficients techniques entre la France et l’Italie des produits industriels hors intra-consommation par la branche « machines et équipements » – tableau ci-dessus),
Le plus riant est la perte de savoir faire, de compétence pour maitriser les très grands chantiers (à l’heure actuelle (60% de soudeurs-chaudronniers manquent dans la filière), le manque de grands capitaines d industrie qui ont l’expérience des grands projets comme en Chine : les livraisons d’EPR étaient prévues en 2012. Mais il ne fonctionnent toujours pas en 2023. Leur facture était estimée à 3,4 milliards d’euros. Elle est de 12,7 milliards en 2023.

S’agissant des autres centrales construites entre 1973 et 1998, elles étaient en partie à l’arrêt suite à des coulées de béton ratées, et des problèmes de de corrosion ou de soudure (voir page Comptes de l’énergie). Il y a donc des multiples problèmes de maintenance des centrales nucléaires actuelles qui concernent d’ailleurs parfois les plus récentes. Il a fallu faire appel à des soudeurs américains.
Il s’en suit des investissement colossaux sur le plan financier mais surtout sur le plan de la formation des des ouvriers et des ingénieurs. Il faudrait un « Plan Marshal » (plan de reconquête et de ré-industrialisation). Or le plan de relance actuelle est-t-il à la dimension nécessaire pour avoir un programme robuste et réalisable ?
Une question essentielle est ainsi celle de la formation donc des besoins en compétence et attirer les ressource humaines (attractivité). Le manque d’ ingénieurs est particulièrement criant. L’objectif de la dans la filière nucléaire est l’embauche de 4000 ingénieurs par an.
Au final la France a-t-elle les capacités techniques et financières pour relancer la filière nucléaire ? C’est à dire la mise en service des EPR, le fonctionnement des centrales nucléaires actuelles avec des garanties de sécurité, le traitement des déchets nucléaires, etc…
j) La filière textile-habillement
L’industrie textile-habillement rassemble l’ensemble des activités de conception, de fabrication et commercialisation des textiles et donc, entre autres, de l’habillement. Cette industrie compte de très nombreux métiers tout au long d’une chaîne de fabrication composée des fabricants de tissus et de tricots, des fabricants de produits finis, et des distributeurs, qui transforment des matières premières fibreuses en des produits semi-ouvrés ou entièrement manufacturés. Les fabricants de fibres naturelles et de fibres synthétiques interviennent en amont, et donc en dehors de cette chaîne.
À coté de la fabrication, il y a le commerce de l’habillement et de la chaussure.
Au XXIe siècle, les produits textiles sont pour l’essentiel des biens de consommation. Les vêtements de prêt-à-porter représentent une partie importante et connue de ce secteur.
L’industrie textile est un exemple de secteur d’activité ayant connu une très forte internationalisation au cours des XIXe et XXe siècles. Si, en règle générale, les pays développés sont des importateurs de textiles et les pays en développement sont exportateurs, depuis les années 2000, le marché est surtout caractérisé par l’ascendance qu’a pris la Chine sur les autres pays producteurs. Malgré cette concurrence et cette conjoncture défavorable en Occident, cette industrie demeure dynamique dans les domaines du textile technique et du textile de luxe.
Les principaux pays exportateurs de textiles sont les suivants en 2015 selon l’Organisation mondiale du commerce, dans un contexte de baisse mondiale du secteur.
Les principaux pays exportateurs de vêtements sont les suivants selon l’Organisation mondiale du commerce

Top 5 des principaux clients et fournisseurs de textiles et de l’habillement de l’UE en 2019 en millions d’€

La majorité des 2 200 entreprises textiles actives en France se situent dans les régions : Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Grand Est, Occitanie, Normandie.
En 2021, l’industrie du textile-habillement en France représentait une production de l’ordre de 12,5 milliards d’euros selon l’Insee, employant plus de 80 000 personnes (second graphique suivant). Si on inclut les cuirs et chaussures et l’habillement, l’emploi est de l’ordre de 105 000 personnes en 2021. Mais entre 1959 et 2021, l’emploi de la production de textile habillùent a été divisé par 10 passant de 1 millions d’emplois à un peu plus de 100 000 (premier graphique suivant). Les exportations s’établissaient à 15,7 milliards d’euros, contre 28,5 milliards d’euros pour les importations (données de l’Insee).
Effectifs de la filière textile habillement en milliers

Effectifs des branches textiles, industries de l’habillement, industrie du cuir et de la chaussure en milliers
Selon https://www.textile.fr/documents/1601482518_UIT-rapport-activite-web-09-2020.pdf, l’industrie du textile et de l’habillement représente un chiffre d’affaires de 13,9 milliards d’euros en 2020.
Les catégories de produits exportés sont 48,6% de tricots et de lingerie, 26,8% de textiles techniques, 10,2% de tissus et de tricots, 7,9% de fibres et de fils et enfin 5,4% de textiles de maison. L’Allemagne est le premier client de textile de la France, suivie de l’Espagne, puis l’Italie, la Belgique, le Royaume-Uni, la Chine, la Tunisie, les États-Unis, la Suisse et pour finir les Pays-Bas.
Les exportations de textiles proprement dit sont de l’ordre de 4 milliiards d’€ en 2020 auquel il faut ajouter 10 mds d’articles d’habillement dont plus de la moitié de vêtement, maille et lingerie. Les importations de textiles sont de pr-s de 6 milliards en 2020. Les vêtement, maille et lingerie représentent autour de 11msd soit plus de la moitié des importations d’article d’habillement
Exportations et importations textiles françaises par catégorie de produits en 2020 en millions d’€ 
Importations et exportations textiles françaises en 2019 (en millions d’€) 
Sources : IFM / UIT / Douanes
Avec des salaires de départ situés juste au-dessus du salaire minimum, et parfois des horaires en trois-huit, les conditions de travail se sont améliorées mais les métiers du textile restent peu attractifs et certaines entreprises peinent à recruter. En outre, les pouvoirs publics tendent à se désengager et de nombreuses entreprises françaises ont délocalisé leur production
En 2020, la pandémie Covid-19 a fortement ébranlé l’industrie textile notamment par les nombreuses difficultés à transporter les marchandises et à s’approvisionner en matières premières en raison des restrictions gouvernementales. Le coût du transport dans un conteneur entre l’Asie et l’Europe est passé de 2 500 à 17 000 dollars en 18 mois, entraînant des coûts de 30 % à 40 % plus chers sur certains produits.
De cette situation inédite, est née une réelle prise de conscience de la part des consommateurs de textile, avec une volonté de consommer plus local et de rendre leur achat de plus en plus respectueux de l’environnement. De plus, cette prise de conscience écologique demeure largement soutenue par les accords de Paris avec l’idée de réduire drastiquement le bilan carbone des produits textiles. Ainsi, du côté de l’industrie textile, l’heure est aux circuits courts pour limiter le nombre d’intermédiaires et faciliter le temps de réactivité avec l’idée de répondre par une stratégie de relocalisation aux contraintes liées à la pandémie et aux nouveaux besoins des consommateurs.
2 – Made in France et réindustrialisation
En 2020, la crise sanitaire a permis de mettre en relief la dépendance de la France à l’international sur le Textile. En effet, 97,7 % du textile d’habillement acheté en France est du textile importé de l’étranger. Le rapport Relocalisation et Mode durable du Conseil stratégique de la filière mode et luxe recommande 36 axes de réflexion pour agir sur la relocalisation de la production textile hexagonale afin de faire passer le Made in France de 13 à 25 %[.
La relocalisation, qui se traduit par la réintroduction des usines de production dans le pays d’origine, possède de nombreux bénéfices pour les parties prenantes. Fortes du Plan France Relance, les relocalisations de ces marques sont une vraie source d’emploi. Par exemple, l’entreprise Velcorex dans le Haut-Rhin vient d’acter son projet de développement de la production de fibres libériennes (lin, chanvre, ortie), destinée aux produits manufacturés (étoffes et renforts de composite), avec 140 emplois à la clé.
De plus, la relocalisation permet d’épargner de manière pérenne la planète, notamment concernant l’empreinte carbone (voir page TES Symétrique). En effet, on estime aujourd’hui que 1 kg de textile importé génère 54 kg d’équivalent CO2. Soit deux fois plus que du textile produit en France (27,7 kg d’équivalent CO2). Cette différence vient de la proportion du nucléaire et des renouvelables dans le mix énergétique français, moins carboné que celui de la Chine notamment. Une relocalisation permettrait ainsi de réduire par deux les émissions du secteur.
La relocalisation présente de nombreux atouts, mais en pratique, cela n’est pas aussi facile. Cette dernière n’est pas systématiquement source d’emploi : le progrès technologique a poussé de nombreuses entreprises à automatiser leurs usines. La main-d’œuvre disponible en France est non qualifiée, ce qui nécessite un programme de formation et un coût supplémentaire pour les acteurs du textile. De plus on remarque que certaines marques font preuve d’un discours davantage marketé en relocalisant seulement une partie de la production en France mais pas la majorité. Enfin, cette dynamique de relocalisation demeure un levier de croissance mais ne peut pas fonctionner sans un projet de société commun, notamment à travers des engagements européens et une concurrence loyale. Penser à une réindustrialisation impliquerait une lourde révision des orientations européennes en matière de concurrence.
3 – La crise du commerce de l’habillement
En 2023, le secteur de l’habillement a connu une tempête économique inédite. Camaïeu, Minelli, Naf-Naf, Pimkie, Gap France, Jennyfer, Kaporal ou les chaussures San Marina et André… Des centaines de boutiques se sont retrouvées en redressement judiciaire ou ont dû baisser définitivement leurs rideaux de fer. Avec une brusque accélération des défaillances ces en 2022 et 2023, 1 130 distributeurs de mode se sont placés sous la protection d’une procédure collective, en 2023, soit 51,3 % de plus qu’en 2022. Plus de 4000 salariés ont perdu leur emploi en France sur les douze derniers mois dans le secteur du commeerce de l’habillement en France, Plus de 45 900 emplois depuis début 2010 auraient été perdus; des postes occupés en majorité par des femmes à temps partiel.
Les enseignes ont avancé de multiples raisons pour expliquer leurs difficultés : les Gilets jaunes et de violents défilés dans les centres-villes chaque samedi, le Covid-19, la concurrence du seconde main avec Vinted, les hausses des coûts de production, des loyers trop élevés dans les centres-villes et naturellement la hausse généralisée des prix qui obligent les consommatrices et consommateurs à faire des coupes dans leurs dépenses. « En dix ans, la part de l’habillement a reculé de 15 % dans le caddie des Français », explique le président de la Fédération nationale de l’habillement. L’arrivée, les méthodes et les prix de l’Espagnol Zara, du Suédois H&M ou de l’Irlandais Primark ont bouleversé le marché. Plus récemment les prix cassés et la mode de la « fast fashion » (la mode rapide) du Chinois Shein ont cassé les codes. Les vêtements du milieu de gamme sont alors devenus « trop chers par rapport à la qualité proposée »
Dans les années 90, les adolescentes se donnaient rendez-vous chez Pimkie, Cop.Copine ou Naf-Naf pour faire du shopping le samedi après-midi. Un simple clic sur un site web suffit aujourd’hui à s’habiller. Et à revendre le produit sur un site de seconde main quand il ne vous convient plus.
3/ Aspects historiques des filières
a) Un instrument au service de grands projets industriels
Le concept de filière est né durant la période de rattrapage qui a suivi la Seconde Guerre mondiale et désignait l’ensemble des activités nécessaires au passage de la matière première à un produit fini. Durant cette période, la politique industrielle est entièrement tournée vers la reconstruction des secteurs amont et la sécurisation des approvisionnements en matières premières afin de permettre l’indépendance du pays. Les secteurs sont clairement délimités et la politique industrielle peut être assimilée à une politique sectorielle. Le premier Plan ou plan Monnet (1946 – 1952) se concentre ainsi sur six secteurs de base : le charbon, l’électricité, le ciment, le machinisme agricole, le transport et l’acier. La filière se comprend avant tout comme une intégration des activités en amont, des activités indispensables à la croissance des autres secteurs de l’économie et à l’indépendance du pays. Selon C. Stoffaes (1980), « la notion de filière est au cœur des relations d’interdépendances économiques entre États et du concept d’indépendance nationale industrielle ».
Dans les années 1960 et 1970, de grands programmes sont lancés, ce sont ceux qui ont structuré de nombreuses filières que nous connaissons aujourd’hui : le Concorde (1962) puis l’Airbus (1970) font décoller la filière aéronautique, le Plan calcul (1966) entraîne la filière informatique, le TGV (1969) la filière ferroviaire. Certains visent à donner à la France les moyens de ses ambitions dans des secteurs technologiques de pointe. Dans tous les cas, le déroulement de ces grands programmes s’appuie sur une logique de planification, définie par le Commissariat général du Plan (CGP). La définition des Plans est l’occasion de rassembler l’ensemble des experts d’un secteur (industriels, chercheurs, administrateurs, etc.) pour construire conjointement les objectifs à atteindre et déterminer les conditions nécessaires à la réussite du plan. Dans ce contexte Dans ce contexte, l’État fait preuve d’une politique très volontariste, se positionnant en visionnaire, cherchant à dépasser une certaine vision court-termiste des entreprises.
b) La disparition du concept dans les années 1980-1990
Mais la fin des Trente Glorieuses marque une période d’instabilité économique globale accompagnée d’un profond bouleversement des systèmes de production. Les politiques de grands programmes et la logique de planification sont progressivement abandonnées et les filières cèdent leur place à une organisation des entreprises en réseaux. L’effacement de celles-ci peut s’expliquer par trois phénomènes simultanés :
• l’émergence de technologies trans-sectorielles qui estompe le périmètre des filières ;
• les privatisations d’entreprises nationales et la libéralisation économique ;
• la mondialisation et la fragmentation des chaînes de valeur à l’échelle planétaire.
La délimitation précise des filières qui existait dans les années 1950 et 1960 tend à s’effacer progressivement, au fur et à mesure du développement de technologies et d’activités dont les débouchés se retrouvent dans plusieurs filières. C’est notamment le cas de l’électronique. Plutôt que de soutenir des secteurs spécifiques, la politique industrielle se transforme en une politique en faveur de l’innovation et de la recherche industrielle.
Après un épisode de nationalisations en 1981 et 1982, l’État s’engage dans un processus de privatisation des entreprises nationales et de libéralisation de marchés, jusque-là servis par des entreprises publiques disposant de monopoles. C’est par exemple le cas des secteurs du pétrole, de la chimie ou de la sidérurgie. Ce mouvement est exigé par la Commission européenne pour permettre la création du marché unique européen et se traduit entre autres par la dissociation des politiques industrielles et de la concurrence. L’État perd ainsi les capacités d’intervention dont il disposait, au profit d’une économie plus concurrentielle où l’innovation est davantage assurée par les entreprises.
Enfin, la mondialisation à l’œuvre entraîne la disparition d’une partie du système de production français dont l’activité se délocalise dans des pays plus compétitifs. C’est le cas des secteurs du textile ou des machines-outils. Ce mouvement est amplifié par la fragmentation des chaînes de valeur (notamment à travers la modularisation1) et le développement de capacités de transport mondialisées qui permettent de séparer physiquement les étapes de la production.
c) Les États généraux de l’industrie (EGI)
Les EGI, qui se sont tenus en 2009 au moment de la crise économique, « ont montré qu’une des faiblesses de l’industrie française était le manque de solidarité entre les entreprises d’une même chaîne de valeur ». La notion de filière a donc été remise au goût du jour pour permettre une plus grande solidarité entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants d’une même chaîne de valeur. Utilisé dans les années quatre-vingt pour parler de la planification, le terme de filière signifie, aujourd’hui, un outil de la politique industrielle qui permet de structurer un dialogue au sein d’une chaîne de valeur identifiée comme telle.
Les EGI dressent un tableau des faiblesses de l’industrie française. Des secteurs entiers de l’industrie ont quasiment disparu du sol français : le textile et l’habillement, les biens de consommation et l’électronique. Le retard de compétitivité est alors expliqué par un manque de pilotage des filières industrielles qui va conduire à la mise en place de la Conférence nationale de l’industrie en 2010 : « Cette absence conduit en particulier à des choix stratégiques des entreprises impliquées dans la filière, et en particulier des grandes sociétés, qui sont opérés indépendamment des intérêts de l’ensemble des entreprises françaises, faute d’une concertation préalable à ces choix. » Le décalage entre les grandes entreprises et le reste du tissu industriel s’explique, entre autres, par le petit nombre d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) en France : elles sont deux fois moins nombreuses qu’en Allemagne et ne sont pas organisées pour dialoguer avec les grands donneurs d’ordres.
Mais aucune définition de la notion de filière n’est donnée, ni par les EGI, ni par la Conférence nationale de l’industrie (CNI). Les filières sont labellisées par consensus sur l’importance du secteur pour l’industrie française. Les difficultés portant sur le périmètre exact des filières et leur caractère possiblement fragmenté sont écartées.
le rapport de L. Gallois en 2012 insiste de nouveau sur le « manque de solidarité » au sein des filières. Les entreprises seraient incapables d’identifier leurs « intérêts communs ». Cette faiblesse de l’industrie française serait illustrée par la difficulté que les entreprises ont à « chasser en meute », notamment à l’international : contrairement aux entreprises allemandes, les industriels français ne parviendraient pas à coopérer suffisamment pour gagner des marchés à l’étranger. Le rapport Gallois préconise donc de faire des grands groupes des « têtes de filière » pour entraîner leurs fournisseurs et sous-traitants. La logique de filière est prolongée en 2017 avec l’idée que « les secteurs qui marchent sont ceux qui ont réussi à s’organiser en filières ».
d) Les filières nationales actuelles
Le CNI rassemble 16 filières nationales. Cette structure perdure aujourd’hui, avec désormais deux filières supplémentaires labellisées fin 2018 : la filière des infrastructures du numérique et celle des industries de sécurité. La liste exhaustive des filières nationales est présentée dans le tableau suivant
Évolution des filières représentées à la Conférence nationale de l’industrie puis au CNI
L’ensemble des 18 filières d’aujourd’hui couvre ainsi des domaines très divers, et il est délicat d’établir une classification stricte permettant de distinguer des critères justifiant la labellisation en « filière ». Au contraire, ont été admis au rang de filières les collectifs de fédérations et organismes spécialisés représentant les grands secteurs de l’industrie française, sans distinction selon qu’ils soient regroupés autour d’un produit commun (automobile, aéronautique, nucléaire), d’une matière première commune (bois, mines et métallurgie) ou d’une thématique commune (santé, sécurité). Le CNI a proposé une classification de ces filières selon trois grandes catégories (schéma suivant).
Proposition de classification des filières industrielles du CNI
e) L’exemple récent des plans de relance par filière
Suite à la crise sanitaire liée à la Covid-19, des plans de relance de l’économie par filière ont été mis en place par le gouvernement. Les premières filières concernées par ces plans de soutien sont celles structurées autour de chaînes de valeur bien identifiées : l’automobile, dont le plan fut annoncé le 26 mai 2020, suivi de l’aéronautique le 9 juin. Ces plans de relance contiennent en réalité à la fois des mesures communes à l’ensemble du secteur privé et des aides spécifiques à la filière.
Le plan de soutien à l’automobile a représenté plus de 8 milliards d’euros de soutien de l’État et est structuré autour de trois objectifs. Le premier objectif est de relancer l’activité du secteur en favorisant le renouvellement du parc automobile français, en faveur des véhicules propres. Pour cela, les dispositifs de primes à l’achat ont été renforcés et le déploiement des bornes de recharge va s’accélérer. Le second objectif est d’aider les entreprises à travers la mise en place de différents fonds et aides.
Le plan de soutien à l’aéronautique a représenté plus de 15 milliards d’euros de soutien étatique organisé également autour de 3 objectifs. Le premier est le soutien aux entreprises, grâce aux dispositifs d’activité partielle, aux prêts garantis par l’État et aux garanties à l’export. Ces mesures, communes avec toutes les entreprises françaises, sont accompagnées d’une spécificité propre à la filière aéronautique avec l’engagement pris par l’État de se servir de la commande publique (militaire et sécurité civile) pour mieux s’adapter aux besoins des carnets de commandes des industriels. Le second objectif est d’aider les PME et ETI grâce à deux mesures.
Mais de nombreux observateurs constatent deux faiblesses des filières, reflet du visage de l’industrie française et difficiles à résoudre. Tout d’abord, elles sont le lieu de beaucoup d’opportunisme et en l’absence de « volontarisme du politique, elles tombent en désuétude ». Par ailleurs, les structures qui rassemblent les filières étant très réduites, elles dépendent fortement des personnes qui les portent et de la figure du président de filière. Ces organisations sont donc soumises à la fois aux aléas politiques, aux volontés de leurs représentants et peuvent disparaître des priorités gouvernementales. Cela tient au fait que les filières ne sont pas « institutionnalisées ». Certes elles sont considérées comme des interlocuteurs légitimes, mais leurs missions n’en font pas un interlocuteur indispensable pour autant.
Une fois les financements épuisés, peu de nouveaux projets auraient permis de maintenir le lien entre les industriels de la filière. S’agissant de l’offre automobile française, de bonnes habitudes prises au cœur de la crise, comme la mutualisation des moyens, l’effort commun de prospection pour définir de nouvelles activités, la conquête de nouveaux marchés, ont été quelque peu abandonnées dès que la situation a commencé de s’améliorer. »
.